Durant de très nombreuses années, les astronomes pensaient que la fusion de deux galaxies spirales formait une grosse galaxie dite elliptique, sans aucun disque spiralé montrant d'harmonieux bras. Mais depuis une dizaine d'années, la puissance de calcul des ordinateurs a permis de montrer que ce paradigme devait être faux, la galaxie résultante pouvait tout à fait être encore une belle spirale formant un disque si les galaxies fusionnant contenaient beaucoup de gaz.
NGC 5257 - NGC 5258 (Hubble ST/ESA/NASA) |
Et bien aujourd'hui, une équipe japonaise vient d'apporter la preuve observationnelle que les fusions de galaxies produisent bel et bien des galaxies spirales formant un disque de rotation.
La raison fondamentale de ce phénomène est à lier à un paramètre mécanique qu'on appelle le moment cinétique. Dans un disque galactique, les étoiles et le gaz tournent ensemble autour du centre. Quand deux galaxies en rotation (avec des axes qui peuvent être très différents) s'approchent l'une de l'autre et fusionnent, les étoiles de l'une peuvent accaparer de l'énergie rotationnelle (du moment cinétique) du gaz de l'autre, par interaction gravitationnelle, ce que le gaz ne peut pas faire. A contrario, les masses de gaz des deux galaxies partagent leur énergie rotationnelle. Et lorsqu'il n'y a pas assez d'étoiles pour "voler" le moment cinétique gazeux, c'est à dire quand l'une des deux galaxies est très chargée en gaz, le résultat de la fusion mène inévitablement à la formation d'un disque de matière dans la nouvelle galaxie formée.
L'équipe japonaise qui publie son étude dans the Astrophysical Journal Supplement Series, menée par Junko Ueda du National Astronomical Observatory of Japan, a étudié la rotation de 37 galaxies issues de fusions en observant les raies spectrales émises par la molécule de monoxyde de carbone, très abondante dans les nuages de gaz interstellaire des galaxies.
Sur cet échantillon de galaxies, 24 d'entre elles montrent des signes sans équivoque de disque de rotation, et parmi celles-ci, 18 montrent même des signes de présence d'anneau ou de barre.
Mais parmi ces 24 galaxies en rotation, toutes ne sont pas de belles spirales, 13 possèdent un disque plus petit que l'extension totale du bulbe d'étoiles, les 11 autres étant quant à elles de très jolies spirales comme on les aime...
Ueda montre ainsi que nous avons donc une fraction de 46% des galaxies en rotation issues de fusion de galaxies spirales qui sont elles aussi des spirales.
C'est un résultat observationnel qui soulage. Car non seulement il vient confirmer ce que disaient les ordinateurs, mais il permet surtout de confirmer qu'il y a bien une raison pour laquelle les plus grosses galaxies que nous connaissons aujourd'hui sont des spirales. Elles ont donc pu en arriver là par fusions de plusieurs galaxies, ce qui était devenu évident depuis quelques années.
L'équipe japonaise a produit une petite animation permettant de visualiser ce qui se passe lors d'une fusion de deux galaxies spirales et comment ils mesurent la rotation, en regardant le décalage des longueurs d'onde vers le bleu (rapprochement) et vers le rouge (éloignement). Laissez vous emporter par ce bal de galaxies, on ne s'en lasse pas.
Source :
Cold Molecular Gas in Merger Remnants. I. Formation of Molecular Gas Disks.
J. Ueda et al.
Astrophysical Journal Supplement Series, September 2014
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