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20/12/14

Un Maxi Trou Noir pour une Mini Galaxie

C'est une galaxie naine au nom barbare de J1329+3234. Elle est naine car toute petite, contenant seulement quelques centaines de millions d'étoiles, alors que pour comparaison, notre galaxie en comporte 1000 fois plus. Mais cette galaxie naine située à 200 millions d'années-lumière abrite en secret un trou noir très massif...



J1329+3234 est l'une des plus petites galaxies dans laquelle a pu être mise en évidence la présence d'un trou noir massif.
J1329+3234 vue en rayons X par XMM-Newton
(au centre de l'image)
(ESA/XMM-Newton, Secrest et al.)
En 2013, une équipe d'astronomes américains avait découvert dans cette galaxie une émission infra-rouge donnant une signature forte de la présence d'un trou noir en train d'accréter de la matière, mais assez étonnante car sans aucune contrepartie en lumière visible. C'est donc pour creuser cette piste que cette même équipe a utilisé le télescope spatial européen XMM-Newton pour observer J1329+3234 en rayons X, émissions très souvent associées aux disques d'accrétion des trous noirs.
Ce qu'ils ont découvert est plutôt surprenant : l'émission en rayons X provenant de cette galaxie naine est 100 fois plus forte que celle à laquelle on pouvait s'attendre en imaginant une population normale de petits trous noirs stellaires. L'équipe d'astrophysiciens américains animée par Nathan Secrest de l'Université George Mason en Virginie publie ses résultats dans The Astrophysical Journal, ils y montrent que l'émission X très importante associée à leurs premières détections infra-rouge ne peut avoir que pour origine un trou noir très massif, assez similaire à la façon dont des trous noirs supermassifs peuplent le centre des galaxies normales. 

Même si la masse exacte du trou noir ne peut pas encore être déterminée précisément, Secrest et ses collègues parviennent à fixer une limite inférieure pour cette masse : 3000 masses solaires. Mais il est probable que ce beau bébé pèse plus de 100000 masses solaires.

Evidemment, cette découverte est intéressante à plus d'un titre, d'abord parce qu'il est très rare de trouver un noyau actif de galaxie de ce type où la galaxie ne possède pas de bulbe central, et puis cette trouvaille participe à la recherche de l'origine des trous noirs supermassifs. On ne sait toujours pas très bien comment naissent ces gigantesques trous de l'espace temps tapis au centre des galaxies. Or là, nous sommes en présence d'un trou noir massif certes, mais pas supermassif. C'est en quelque sorte un trou noir intermédiaire entre un petit trou noir stellaire (une étoile effondrée-explosée de 10 masses solaires) et un trou noir supermassif de quelques millions de masses solaires.

Vue d'artiste de l'aspect de J1329+3234, sans bulbe
d'étoiles  et avec son trou noir massif central
(
ESA/ATG medialab)
Le paradigme dominant sur la formation des trous noirs supermassifs est qu'il se serait formé des "graines" très tôt dans l'histoire de l'Univers, issues de l'explosion des toutes premières étoiles, qui étaient déjà très massives et n'auraient donc vécues que quelques dizaines de millions d'années. Ces graines de trous noirs auraient ensuite grossi jusqu'à devenir des très gros trous noirs par fusions successives de galaxies. Comme on le sait, la fusion de deux galaxies mène inéluctablement un jour où l'autre à la fusion de leur trou noir central respectif. Et une fusion de galaxies est un phénomène quelque peu turbulent, qui produit en outre un apport de matière fraîche en grande quantité aux deux trous noirs en cours de rapprochement, les faisant grossir encore davantage.

Bien évidemment, une fois les deux trous noirs fusionnés, on a perdu toute information sur les plus petits trous noirs initiaux. Il apparaît alors très utile de traquer de tels systèmes de petites galaxies et petits trous noirs qui ont pu échapper à un phénomène de fusion, comme cette  J1329+3234.
La découverte de ce trou noir massif dans une petite galaxie sans bulbe comme J1329+3234 renforce le scénario d'un grossissement très efficace des premiers trous noirs au sein des halos gazeux des galaxies en formation. 
Nathan Secrest et ses collègues, au cours de leurs recherches en infra-rouge ont également trouvé plusieurs centaines d'autres galaxies sans bulbe ayant des caractéristiques très semblables à celles de  J1329+3234, notamment sans signe de noyau actif en lumière visible.
Secrest conclue : "Les trous noirs massifs et les noyaux actifs pourraient être bien plus communs dans les petites galaxies sans bulbe que ce que l'on pense aujourd'hui".
Ces dernières années, de plus en plus de trous noirs massifs ont pu être identifiés dans des galaxies naines mais leur détection est beaucoup plus difficile que celle de leurs cousins les supermassifs, car souvent très obscurcis en lumière visible, ou émettant très faiblement.

Cette nouvelle étude montre toute la puissance de ce qu'on appelle les recherches multi-longueurs d'ondes. Grâce à l'utilisation conjointe d'observations en visible, en infra-rouge et en rayons X, la mise en évidence du trou noir devient sans équivoque. XMM-Newton, en orbite depuis maintenant 15 ans, grâce à sa sensibilité toujours excellente, fournit des données permettant une très bonne caractérisation de l'objet massif et de son environnement et devrait continuer encore un moment...


Source : 
An optically obscured AGN in a low mass, irregular dwarf galaxy: A multi-wavelength analysis of J1329+3234
N. Secrest et al.
The Astrophysical Journal 798:38, (1 January 2015)

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