Une
méthode de calcul révolutionnaire vient de montrer sa puissance à calculer ab initio (à partir des équations) comment se collisionnent deux noyaux
d’hélium (des particules alpha). Cette réaction nucléaire est la réaction
fondamentale qui permet aux étoiles de produire leurs premiers noyaux
lourds : carbone, puis oxygène. C’est aussi l’une des sources primordiales
de fusion nucléaire qui va diriger le destin des étoiles ou leur fin
cataclysmique ; elle doit à ce titre être la mieux connue possible.
Malgré
l’importance de cette réaction nucléaire entre particules alpha pour
l’astrophysique, les processus qui y sont impliqués n’ont jamais pu être
facilement appréhendés par le calcul depuis les années 1950. Chaque particule alpha est en effet
composée de deux neutrons et deux protons, donnant ainsi un problème à 8 corps,
qui interagissent entre eux par la force nucléaire forte (au sein de la
particule alpha) et par la force électromagnétique (entre chaque particule
alpha). Le temps de calcul requis dans les approches classiques de calcul
évolue de façon exponentielle avec le nombre de particules impliquées (8 ici).
Schéma du processus triple-alpha de fusion de l'hélium (adapté de Nature) |
La
nouvelle méthode de calcul développée par l’équipe américano-allemande menée
par Serdar Elhatisari,
de l’université de Bonn, repose sur des simulations Monte Carlo appliquant les équations de champs effectifs des interactions des quarks et des gluons dans un réseau spatio-temporel à 4 dimensions. Elle leur permet de travailler avec des temps de calculs qui n’augmentent qu’en fonction du carré du nombre de particules impliquées. Cela permet de produire des résultats sur l’interaction alpha-alpha avec beaucoup plus de détails en beaucoup moins de temps que ce qui était imaginable il y a quelques années encore. Ce modèle théorique de champs effectifs lie les interactions des nucléons (protons et neutrons) à la chromodynamique quantique (dirigeant l’interaction nucléaire forte) en les décrivant comme une somme de termes en nombre infini organisés selon leur importance, dans laquelle un grand nombre de ces termes peuvent être négligés. Le cœur de la méthode calculatoire revient à transformer un problème de dynamique à 8 corps en un problème à 2 corps. Serdar Elhatisari et ses collègues ont utilisé près de 2 millions d’heures de calcul sur des supercalculateurs massivement parallèles pour parvenir à leur résultat sur les propriétés de la collision alpha-alpha.
de l’université de Bonn, repose sur des simulations Monte Carlo appliquant les équations de champs effectifs des interactions des quarks et des gluons dans un réseau spatio-temporel à 4 dimensions. Elle leur permet de travailler avec des temps de calculs qui n’augmentent qu’en fonction du carré du nombre de particules impliquées. Cela permet de produire des résultats sur l’interaction alpha-alpha avec beaucoup plus de détails en beaucoup moins de temps que ce qui était imaginable il y a quelques années encore. Ce modèle théorique de champs effectifs lie les interactions des nucléons (protons et neutrons) à la chromodynamique quantique (dirigeant l’interaction nucléaire forte) en les décrivant comme une somme de termes en nombre infini organisés selon leur importance, dans laquelle un grand nombre de ces termes peuvent être négligés. Le cœur de la méthode calculatoire revient à transformer un problème de dynamique à 8 corps en un problème à 2 corps. Serdar Elhatisari et ses collègues ont utilisé près de 2 millions d’heures de calcul sur des supercalculateurs massivement parallèles pour parvenir à leur résultat sur les propriétés de la collision alpha-alpha.
Le
processus conduisant à la production de carbone est un processus appelé helium burning (combustion de l’hélium),
il est relativement rare au cœur des étoiles. Il est aussi appelé le processus triple-alpha. C’est un
processus qui se déroule en plusieurs étapes successives. Deux noyaux d’hélium (ou
particules alpha) se rencontrent et fusionnent pour donner un noyau de
béryllium-8, composé de 4 protons et 4 neutrons. Cette fusion est accompagnée
par l’évacuation d’énergie sous forme de rayons gamma. Mais le béryllium-8 est
un noyau extrêmement instable, radioactif. Il se désintègre pour redonner deux
noyaux d’hélium, avec une demi-vie (la durée au bout de laquelle la moitié des
noyaux se sont désintégrés) de 82 milliardièmes de milliardièmes de
secondes (82. 10-18 s) !... Mais pour former du carbone, il
faut que le noyau de Be-8 rencontre un nouvel alpha, avant de s’être
désintégré. Le processus revient ainsi à la collision presque simultanée de
trois particules alpha. Une fois que le Be-8 a fusionné avec un alpha, on
obtient du carbone-12, qui est, lui, très stable, et pourra ensuite attendre le
temps qu’il faudra pour fusionner à son tour avec un nouvel alpha et donner un
noyau d’oxygène-16, tout en évacuant toujours de l’énergie sous forme de
rayonnement gamma, qui finit par chauffer l’enveloppe stellaire de l’étoile
géante dans laquelle se déroulent ses réactions de fusion nucléosynthétiques.
Durées des différentes étapes de combustion d'une étoile supergéante et structure interne en pelure d'oignon résultante. |
La
probabilité de fusion des noyaux d’hélium est faible notamment car ils sont
chargés positivement (2+) et se repoussent naturellement. Il faut donc une
grande température pour que ces noyaux acquièrent une grande vitesse, ou
énergie cinétique, et puissent espérer s’approcher suffisamment près les uns
des autres pour fusionner. C’est aussi pour cela qu’il est si difficile de
reproduire et d’étudier ce genre de réactions en laboratoire sur Terre. Cette
difficulté, associée aux difficultés des méthodes de calcul antérieures, font
que les ratios carbone/oxygène des étoiles géantes et supergéantes sont connus
seulement avec une grosse incertitude, qui se répercute sur tous les modèles de
nucléosynthèse stellaire.
La
capture d’alpha par le carbone va en effet déterminer le ratio final carbone/oxygène
du processus de combustion de l’hélium et affectera ensuite toute la suite des
réactions impliquant carbone, néon, oxygène et silicium. Cette réaction est
aussi, de ce fait, à la base des modèles physiques que les astrophysiciens
développent pour comprendre les supernovas Ia qui impliquent des naines
blanches à carbone-oxygène. Le calcul le plus précis possible de la collision
des particules alpha est donc crucial. Et il ne s’arrête pas aux
« simples » particules alpha, mais doit aussi être effectué jusqu’aux
petits noyaux comportant l’équivalent de plusieurs alphas.
A
partir de leurs premiers résultats sur l’interaction alpha-alpha, les
chercheurs sont désormais confiants dans leur possibilité de recréer dans un
avenir proche les réactions de capture alpha du carbone voire de l’oxygène. Mais
des améliorations sont encore nécessaires en ajoutant par exemple le terme
suivant de l’équation (le quatrième terme), ainsi qu’en étudiant la dépendance
de la taille des mailles d’espace-temps utilisée dans les calculs. Une
extension à la dynamique à trois corps devra également être développée pour
pouvoir appliquer la méthode au processus triple-alpha et la production du
carbone-12.
La
méthode de calcul développée par l’application de la chromodynamique quantique en réseau d’espace-temps
semble néanmoins si puissante que les physiciens estiment pouvoir l’appliquer
également sur des systèmes plus complexes comme des systèmes atomiques froids à
quelques corps ou à des systèmes hadroniques comme les collisions
neutrons-hypérons, dont les caractéristiques permettraient de savoir si des
particules étranges (contenant un quark strange) peuvent exister au cœur des
étoiles à neutrons, là où la matière nucléaire se trouve dans ses phases les
plus extrêmes.
Source :
Ab
initio alpha–alpha scattering
S. Elhatisari et al.
Nature 528, 111–114 (03 December 2015)
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