Des quantités de sel (du chlorure de sodium) couvrent de vastes zones de la surface de Europe, le satellite de Jupiter qui possède un océan liquide sous sa croûte glacée. Cette mise en évidence a été faite grâce à une analyse spectrale en lumière visible de la surface d'Europe et est publiée cette semaine dans Science Advances par des planétologues américains.
Le spectromètre infra-rouge de la sonde Galileo qui avait visité Europe avait permis de déduire la présence de sulfate de magnésium, mais il ne pouvait pas détecter du chlorure de sodium aux longueurs d'ondes qui étaient les siennes. Samantha Trumbo (Caltech) et ses collègues ont eu l'idée de faire de la spectroscopie dans le visible sur Europe avec le télescope Hubble, suite à des observations avec le télescope Keck à Hawaï qui semblaient montrer autre chose que du sulfate de magnésium, peut-être des chlorures...
Ils n'ont pas cette idée par hasard car un chercheurs du Jet Propulsion Laboratory avait montré il y a quelques années que lorsqu'on soumettait du sel de mer à un rayonnement typique de l'environnement de Europe, celui-ci devenait jaune, avec une raie d'absorption caractéristique qui pouvait être détectée par un bon spectrographe monté sur un bon télescope. Et la zone dénommée "Tara Regio" sur Europe montrait justement une teinte jaune très proche de celle qu'avait produit Kevin Hand au JPL.
S'il n'y avait aucune irradiation sur la surface de Europe, le chlorure de sodium resterait invisible. C'est donc l'environnement hautement radiatif de l'orbite de Jupiter qui a permis aux planétologues de comprendre que de grandes quantités de sel se trouvaient à la surface de Europe, avec les conséquences que cela a sur la nature de la géologie du satellite et de son océan liquide.
Samantha Trumbo et ses collaborateurs ont utilisé les archives du télescope spatial Hubble pour caractériser sur Europe cette raie d'absorption à 450 nanomètres (dans le bleu). Quand le bleu manque, le jaune ressort... Avant de conclure qu'il ne pouvait s'agir que d'une signature du chlorure de sodium, les chercheurs ont testé si cette raie d'absorption pouvait être associée à d'autres types de sels irradiés : chlorure de magnésium, chlorure de potassium, plusieurs sulfates et carbonates. Mais seul le NaCl correspond aux observations.
L'équipe de planétologues ne peut pas encore conclure avec certitude sur une origine océane mais ils préconisent cependant une réévaluation de géochimie active sur Europe. Si c'est le cas, cela signifierait en effet que le plancher océanique de Europe serait parsemé de sources hydrothermales, indiquant donc que le satellite Jovien est un corps beaucoup plus intéressant qu'il n'y paraît, de même qu'Encelade là encore.
Quant au sulfate de magnésium qui avait été détecté par Galileo, il ne signerait pas une activité thermale mais simplement la composition des roches du fond océanique dont des traces remonteraient jusqu'à la surface. On commence à avoir hâte de voir décoller les prochaines missions américaine et européenne vers Europe dans quelques années...
Source
Sodium chloride on the surface of Europa
Samantha K. Trumbo et al.
Science Advances 5 (6) (10 June 2019)
Illustration
Europe imagé par Galileo (en double), Tara Regio est la région jaune au centre (NASA/JPL/University of Arizona)
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