Pages

samedi 15 juin 2019

Nouveau catalogue de 186 bouffées de rayons gamma


Les astrophysiciens qui exploitent les données du télescope spatial Fermi-LAT spécialisé dans la détection des rayons gamma, viennent de publier dans The Astrophysical Journal leur deuxième catalogue recensant 10 ans de données avec pas moins de 186 bouffées de rayons gamma (les GRB, Gamma Ray Bursts).




Le Large Area Telescope (LAT), qui est installé à bord du satellite Fermi est conçu pour observer des rayons gamma très énergétiques, entre 30 MeV et 100 GeV. Il fonctionne à la perfection depuis 2008. Sur les 186 GRB détectées jusqu'au 4 août 2018, 17 d'entre elles sont détectées uniquement avec une énergie relativement basse entre 30 et 100 MeV, et les autres sont détectées au-dessus de 100 MeV.
La plupart de ces sources de rayons gamma transitoires ont été détectées également par d'autres instruments comme le second détecteur de Fermi, le GBM (Gamma-ray Burst Monitor) qui est, lui, vraiment dédié à la détection des GRB, à plus basse énergie (il en a détecté en tout 2300) , mais aussi les télescopes spatiaux Swift, AGILE et INTEGRAL. Fermi-LAT a cependant identifié tout seul 4 GRB. Marco Ajello (Université de Clemson) et ses 120 collègues internationaux ont étudié en détail chacune des 186 GRB à l'aune de leurs propriétés temporelles et spectrales, notamment pour celles qui montraient des photons d'énergie supérieure à 100 MeV, et jusqu'à 100 GeV.
Parmi leurs observations, ils trouvent que le télescope LAT est surtout sensible aux GRB les plus brillantes qui sont détectées par le GBM. Et ils trouvent aussi un lien entre énergie et durée de la bouffée : plus l'énergie est élevée, plus la bouffée dure longtemps. Certaines bouffées atteignent une durée record de plus de 10 000 secondes, plusieurs heures...
Un nombre intéressant de GRB peut également être observé avec une estimation de leur décalage spectral, ce qui permet aux spécialistes d'étudier leurs propriétés à la fois dans le référentiel de l'observateur, mais aussi dans le référentiel de la source. Et les comparaisons entre résultats et prédictions théoriques révèlent que, aujourd'hui, aucun modèle n'est capable d'expliquer toutes les observations en même temps. Fermi-LAT se révèle ainsi un outil incontournable pour nourrir les astrophysiciens théoriciens.
Chaque bouffée apparaît en fait unique en son genre, et c'est vraiment en étudiant un grand échantillon que l'on peut arriver à déduire des caractéristiques communes et comprendre les mécanismes physique qui sont en jeu.  


La plupart des GRB apparaissent lorsque des étoiles massives en fin de vie s'effondrent gravitationnellement et forme un trou noir. Et d'autres GRB sont directement associées à la fusion de deux étoiles à neutrons qui finit par former là aussi un trou noir. Ces deux types d'événement ont également en commun la production de jets de plasma à des vitesses proches de la vitesse de la lumière. La bouffée de rayons gamma est liée à ces jets de matière. Les photons gamma sont produits dans les collisions de ces particules accélérées, à l'intérieur des jets, ainsi que lorsque les jets interagissent avec le gaz environnant de l'étoile ou du couple d'étoiles moribondes.  

Les deux types d'origine des GRB sont identifiables par les astrophysiciens, grâce à la durée de leur émission à basse énergie : les fusions d'étoiles à neutron produisent des GRB courtes, de moins de 2 secondes, tandis que les collapses stellaires de supernova produisent des GRB longues qui peuvent durer plusieurs minutes ou dizaines de minutes. Le nouveau catalogue de Fermi-LAT comporte 17 GRB courtes et 169 GRB longues.

Parmi toutes ces GRB, on peut relever une petite sélection de cinq qui montrent quelque chose d'intriguant pour les chercheurs ou qui ont battu un record:

1. GRB 081102B (2 novembre 2008)
Cette GRB courte est simplement la plus courte détectée par Fermi-LAT. La bouffée a duré 0,1 seconde ! Alors qu'elle est apparue dans la première année d'observation du télescope, elle n'avait pas été incluse dans le premier catalogue qui avait été publié en 2013 (et qu comportait 35 GRB). Ce sont des améliorations des analyses de données qui ont permis d'identifier des sources candidates comme de réelles GRB, comme celle-ci.

2. GRB 160623A (23 juin 2016)
Cette bouffée est la plus longue détectée par Fermi-LAT : presque 10 h dans les énergies détectables par le LAT, mais curieusement, le détecteur GBM, à plus basse énergie, ne l'a détectée que durant 107 petites secondes. Cette observation confirme la tendance observée : la durée est plus longue à haute énergie qu'à basse énergie, et un décalage temporel entre es deux parties du spectre existe aussi.

3. GRB 130427A (27 avril 2013)
Cette bouffée possède le record en énergie. Les photons les plus énergétiques de GRB 130427A avaient 94 GeV. Ils ont parcouru une distance de 3,8 milliards d'années-lumière avant de venir interagir dans LAT. Cette bouffée porte également le record de celle qui possède le plus de photons de plus 10 GeV : 17 au compteur (le nombre de photons détectés par bouffée reste relativement faible et se compte en quelques unités ou dizaines).
Les spécialistes n'ont pas encore un modèle théorique correct pour expliquer une énergie aussi élevée.

4. GRB 080916C (16 septembre 2008)
Cette GRB détectée il y a plus de 10 ans est simplement la plus lointaine du catalogue de Fermi-LAT. Les astrophysiciens estiment la distance de la source à 12,2 milliards d'années-lumière (trajet lumière). Il faut savoir que l'estimation des distances des GRB n'est pas chose aisée et seules les distances de 34 parmi les 186 bouffées de rayons gamma du catalogue sont connues. Cette GRB très lointaine était donc aussi très puissante, les astrophysiciens ont estimé sa puissance à 9000 supernovas!

5. GRB 090510 (10 mai 2009)
Voilà une GRB qui a duré pendant 3 minutes environ. Ces trois minutes ont été précieuses pour les chercheurs qui ont pu tester la théorie de la relativité générale en montrant à cette occasion que des photons d'énergie très différente se déplaçaient à la même vitesse dans le vide.

A cette shortlist, il faudrait ajouter une bouffée courte, la plus célèbre d'entre elles : GRB 170817A (17 août 2017). C'est la star des GRB, sans doute celle qui a fait le plus parler d'elle. Mais elle n'a pas été détectée par le LAT de Fermi mais par le GBM... Elle est donc absente du catalogue de Fermi-LAT. Ce jour là malheureusement, LAT était éteint pour cause de passage du satellite Fermi dans une zone de son orbite à forte activité radiative... Ce jour-là, c'était la première fois qu'étaient détectées en même temps les photons gamma de la bouffée et les ondes gravitationnelles produites par la coalescence de deux étoiles à neutrons avant de fusionner pour former un trou noir... De quoi donner du travail aux spécialistes pour plusieurs années...

Le catalogue des bouffées de rayons gamma de Fermi-LAT est un superbe travail de compilation de multiples données sur les GRB dans toute leur diversité qui va aider à comprendre la population de ces événements transitoires très énergétiques.


Sources

A Decade of Gamma-Ray Bursts Observed by Fermi-LAT: The Second GRB Catalog
Marco Ajello et al.
The Astrophysical Journal, Volume 878, Number 1 (13 june 2019)



Illustrations

1) Localisation dans le ciel gamma des 186 GRB cataloguées par la collaboration Fermi-LAT (NASA/DOE/Fermi LAT Collaboration)

2) Vue d'artiste du télescope Fermi-LAT (le LAT est le gros cube sur le dessus du satellite) (NASA/DOE/Fermi LAT Collaboration)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci !