Des astrophysiciens américains et britanniques viennent de découvrir l'étoile la plus massive connue à ce jour ayant produit une supernova, et cette supernova est d'un type très particulier : une supernova par instabilité de paires. C'est la première fois qu'est observé ce type de supernova, prédit théoriquement il y a 50 ans. Une étude parue dans The Astrophysical Journal.
La supernova SN 2016iet a été découverte pour la première fois par le télescope Gaia le 14 novembre 2016. Elle a rapidement été suivie avec d'autres télescopes et ce durant près de trois ans, ce qui a permis de révéler un certain nombre de caractéristiques très inhabituelles : une durée très longue, une énergie dissipée très importante, des traces chimiques inédites, le tout dans un environnement très pauvre en métaux. Aucune supernova avec ces caractéristiques n'avait été observée à ce jour. La supernova était localisée à 1 milliard d'années-lumière.
Les astrophysiciens ont utilisé plusieurs télescopes pour effectuer leur suivi optique et spectral de SN 2016iet : le MMT Observatory en Arizona, ainsi que les télescopes Magellan de l'Observatoire de Las Campanas au Chili et le Gemini North à Hawaï.
Sebastian Gomez (Harvard) et ses collèges n'en croyaient pas leurs yeux en dépouillant leurs données, ils pensaient même que c'étaient les données qui étaient corrompues tant de nombreux paramètres semblaient bizarres pour une supernova : la variation de luminosité dans le temps, le spectre, le type de galaxie hôte, et même la localisation de la supernova dans sa galaxie. Mais finalement, après avoir testé plusieurs modèles pour expliquer la source d'énergie nécessaire pour coller avec les observations, Gomez et ses collaborateurs concluent qu'il ne peut s'agir que d'une supernova par instabilité de paires.
Le analyses de la lumière de la supernova qu'ont effectuées Gomez et ses collaborateurs montrent que l'étoile progénitrice avait une masse énorme comprise entre 120 et 260 masses solaires, avec un coeur d'oxygène et de carbone de masse entre 55 et 120 masses solaires, exactement la plage de masse attendue pour les progénitrices de supernovas par instabilité de paires..
La supernova se trouvait un peu isolée, à 54 000 années-lumière du centre de sa galaxie hôte. Les chercheurs déterminent que l'étoile avait perdu près de 85% de sa masse durant les quelques millions d'années de sa courte existence, avec un taux de perte de masse dans ses 10 dernières années de 3 masses solaires par an... Les débris de l'explosion sont entrés en collision avec les éjectas de gaz qui avaient été expulsés dans les dix années précédent l'explosion, ce qui a produit la courbe de luminosité très atypique qui a été observée, selon les astrophysiciens.
La supernova se trouvait un peu isolée, à 54 000 années-lumière du centre de sa galaxie hôte. Les chercheurs déterminent que l'étoile avait perdu près de 85% de sa masse durant les quelques millions d'années de sa courte existence, avec un taux de perte de masse dans ses 10 dernières années de 3 masses solaires par an... Les débris de l'explosion sont entrés en collision avec les éjectas de gaz qui avaient été expulsés dans les dix années précédent l'explosion, ce qui a produit la courbe de luminosité très atypique qui a été observée, selon les astrophysiciens.
Mais le relatif isolement de l'étoile progénitrice reste étonnant pour les chercheurs, la plupart des étoiles très massives que nous connaissons prenant en effet naissance au sein d'amas massifs de plusieurs milliers d'étoiles que l'on trouve surtout vers le centre des galaxies. C'est d'ailleurs sa très forte luminosité et son isolement qui a permis de suivre cette supernova durant près de trois ans.
Les supernovas par instabilité de paires ont été prédites théoriquement il y a plus de 50 ans. Contrairement aux supernovas par effondrement de coeur "classiques" dans lesquelles une étoile massive s'effondre du fait de l'arrêt de la production d'énergie de fusion une fois que le coeur de l'étoile est arrivé à la formation du fer (qui ne peut pas fusionner), puis éjecte son enveloppe pleine d'éléments lourds dans une énorme onde de choc en laissant derrière elle une étoile à neutron ou un trou noir, les supernovas à instabilité de paires ne laissent rien derrière elles. On les appelle comme ça car le processus d'explosion est basé sur la production de quantités énormes de rayonnement gamma qui génèrent des paires de particules/antiparticules déclenchant indirectement l'explosion thermonucléaire cataclysmique.
Les étoiles qui peuvent produire ce processus sont des étoiles de plus de 140 masses solaires dont la température du coeur peut atteindre 300 millions de degrés. A cette température, ce ne sont plus seulement des photons de lumière visible qui sont produits mais aussi et surtout des photons beaucoup plus énergétiques, des photons gamma. Les photons gamma produisent une intense pression de radiation qui s'oppose à la force de gravitation qui a tendance à faire effondrer l'étoile. Il y a stabilité tant que la densité d'énergie des photons gamma contrebalance exactement la force de gravitation. Mais à partir d'une certaine énergie, égale à 1022 keV, les photons gamma peuvent se transformer en paires électron-positron au voisinage des noyaux d'atomes. Ce processus de création de paires de particules/antiparticules fait donc disparaître des photons gamma en grande quantité, ce qui fait chuter la pression de radiation. Les couches externes de l'étoile commencent alors très vite à s'effondrer sur le coeur, qui s'échauffe encore plus, produisant des photons gamma d'énergie encore plus élevée, ce qui augmente leur efficacité de création de paires électrons-positrons : plus le coeur s'échauffe, moins il y a de photons pour participer à la pression radiative et plus l'étoile s'effondre et s'échauffe... C'est l'emballement final qui finit en à peine quelques secondes à l'effondrement définitif puis au rebond de l'onde de choc : la supernova emporte toute la matière de l'étoile initiale sans laisser d'objet compact derrière elle.
Ce phénomène ne peut avoir lieu que dans les étoiles très massives et donc très chaudes. Les modèles de ces supernovas prédisent également qu'elles doivent se produire dans un environnement pauvre en métaux (où peuvent se former des étoiles très massives), comme les galaxies naines de l'Univers jeune. C'est dans une telle galaxie qu'était localisée SN 2016iet mais une galaxie située pas très tôt dans l'Univers, à environ seulement 1 milliard d'années-lumière de nous.
Ce phénomène ne peut avoir lieu que dans les étoiles très massives et donc très chaudes. Les modèles de ces supernovas prédisent également qu'elles doivent se produire dans un environnement pauvre en métaux (où peuvent se former des étoiles très massives), comme les galaxies naines de l'Univers jeune. C'est dans une telle galaxie qu'était localisée SN 2016iet mais une galaxie située pas très tôt dans l'Univers, à environ seulement 1 milliard d'années-lumière de nous.
Il n'y a pas encore si longtemps, certains astrophysiciens doutaient de l'existence d'étoiles aussi massives. La découverte de la supernova SN 2016iet est une claire évidence que ces étoiles ultramassives existent et qu'elles ne forment pas forcément un trou noir en explosant. Cette découverte apporte ainsi une belle avancée sur la physique stellaire et les supernovas, et un nouvel éclairage sur ce qui se passait dans l'Univers jeune peuplé des premières étoiles qui devaient ressembler à la progénitrice de SN 2016iet.
Source
SN 2016iet: The Pulsational or Pair Instability Explosion of a Low-metallicity Massive CO Core Embedded in a Dense Hydrogen-poor Circumstellar Medium
Sebastian Gomez et al.
The Astrophysical Journal, Volume 881, Number 2 (15 august 2019)
Illustrations
1) Vue d'artiste de SN 2016iet (Gemini Observatory/NSF/AURA/ illustration by Joy Pollard)
2) Evolution du spectre dans le visible entre J+132 et J+772 après l'explosion (Gomez et al.)
3) Image de SN 2016iet et sa galaxie hôte avec le Low Dispersion Survey Spectrograph sur le télescope Magellan Clay de 6.5-m au Las Campanas Observatory le 9 Juillet 2018 (Gomez et al.)
4) Mesure de la masse de l'éjecta de la supernova selon plusieurs modèles pour la source d'énergie, indiquant clairement la nature de supernova par instabilité de paires quel que soit le modèle (Gomez et al.)
Magnitude de -19 c'est quand même énorme, mais dans quelle constellation ?
RépondreSupprimerJ'imagine que des personnes ont pu la voir, même en plein jour...
J'ai regardé l'article archix : https://arxiv.org/pdf/1904.07259.pdf
Il donne la localisation:
R.A.=12h32m33s.23,
decl.=+27◦0701500.49
Mais bon il faut d'autres données pour pouvoir localiser avec une calculatrice du type:
http://www.met.reading.ac.uk/~ross/Astronomy/AltAzi.html
Si vous avez trouvé, je suis curieux.
Merci pour votre travail.
Je vous conseille l'utilisation du logiciel Stellarium, dans lequel vous pouvez localiser tout ce que vous voulez dans les différentes coordonnées.
RépondreSupprimerDans notre cas ici, elle se trouve dans la Chevelure de Bérénice, tout près de l'étoile Gamma Comae. La magnitude apparente de cette SN était de l'ordre de +19 lors de sa découverte en 2016...
"la supernova emporte toute la matière de l'étoile initiale sans laisser d'objet compact derrière elle."
RépondreSupprimerPas de trou noir ou d'étoile à neutron de créé ?
Merci pour tous vos papiers
"Les chercheurs déterminent que l'étoile avait perdu près de 85% de sa masse durant les quelques millions d'années de sa courte existence, avec un taux de perte de masse de 3 masses solaires par an."
RépondreSupprimerCe serait pas plutôt 3 masses… terrestres… par an ?
Quelque chose m'a probablement échappé, mais quand vous dites que l'étoile avait perdu 85% de sa masse avant l'explosion, avec un taux de perte de masse de l'ordre de 3 masses solaires par an, c'est vraiment dans les dernières années avant l'explosion ?
RépondreSupprimerOui, bien sûr, j'aurai dû le préciser, ce taux de perte de masse est ce qui a été calculé pour la dizaine d'années précédent l'explosion, à partir des résidus en expansion.
RépondreSupprimerBonjour Eric,
RépondreSupprimerOn n'a pas d'explication à la position décentrée de cette étoile gigantesque aussi loin de la galaxie?
Serait-elle située dans un amas globulaire?
A-t-on une idée des éléments qui sont éjectés?
Non, on n'a pas d'explication particulière sur la position un peu isolée de cette étoile par rapport au centre de sa galaxie.
RépondreSupprimerConcernant les éléments formés, c'est assez similaire à ce que produisent d'autres supernovas plus classiques, de type Ib ou Ic, un peu tous les éléments y compris au delà du fer, avec pas mal de nickel...