Les radiogalaxies géantes (GRG) sont des sources d'ondes radio plus grandes que 0,7 Mpc. On en connaissait 350 jusqu'à aujourd'hui, dont la plus vaste, J1420–0545, s'étend sur 4,69 Mpc. Ces sources radio ont en commun de montrer des jets produits par un trou noir supermassif, qui se terminent par des lobes fortement émetteurs d'ondes radio. Un nouveau relevé du ciel radio vient d'être effectué par l'instrument LOFAR (Low-Frequency Array) et mène à la découverte de 225 nouvelles radiogalaxies géantes, en ayant scanné seulement 2% de l'hémisphère nord...
Pratik Dabhade (Université de Leiden) et ses collaborateurs cherchent à répondre à la question : comment les radiogalaxies géantes sont-elles devenues aussi grandes ? ou encore : est-ce que leur jet de particules relativistes est particulièrement puissant ou bien la grande distance qu'ils atteignent est-elle dûe à un environnement particulièrement peu dense. Et pour trouver des réponses, il fallait bien sûr augmenter le nombre de spécimens de radiogalaxies géantes connues. Leur nombre a donc maintenant presque doublé grâce au relevé obtenu par le grand réseau de radiotélescopes européen LOFAR, un relevé qui est appelé le Two-metre Sky Survey (LoTSS).
Avec sa haute résolution spatiale et sa grande sensibilité, le relevé LoTSS a révélé les morphologies des plus de 200 GRG avec des détails sans précédents. On y découvre la forme de l'émission des coeurs, des jets, des lobes et des zones diffuses). A peu près 90% de ces radiogalaxies géantes sont des GRG dites de type II de Fanaroff–Riley, c'est à dire que leurs lobes sont plus brillants que leur noyau, ce qui indiquent qu'elles possèdent des jets très puissants.
Parmi les 239 GRG observées (dont 225 nouvelles), 6 d'entre elles sont hybrides, avec une luminosité asymétrique, 40 d'entre elles sont aussi des quasars, 20 autres résident au centre d'un amas de galaxies dense, et 14 GRG possèdent deux paires de lobes radio.
Quand on les trie en fonction de leur distance (ou redshift), on observe cependant que la proportion des GRG qui se trouve au centre d'un amas de galaxie augmente quand on se trouve dans l'Univers local : pour z<0,5, c'est le cas de 16% d'entre elles.
Surtout, ce que Dabhade et ses collègues indiens et européens observent, c'est qu'aucune de ces galaxies n'est une galaxie spirale. Toutes les GRG qui sont trouvées sont des galaxies elliptiques. Mais les GRG ont un point commun avec des radiogalaxies de taille plus petite : leur indice spectral (la forme de leur spectre), ce qui fait dire aux chercheurs qu'elles font bien partie de la même population de galaxies actives.
Les 225 nouvelles radiogalaxies géantes dénichées dans cette petite zone de 424 degrés² ont une taille qui va de 0,7 Mpc jusqu'à 3,5 Mpc, pour un redshift qui s'étale entre 0,1 pour la plus proche et 2,3 pour la plus lointaine. Sept d'entre elles dépassent une taille de 2 Mpc.
Les chercheurs détaillent dans leur article toutes les caractéristiques physique des 239 GRG de leur nouveau catalogue.
Les 14 GRG qui montrent de surprenants doubles paires de lobes (et qui sont appelées des "double doubles") sont expliquées par le fait que les jets émis par le trou noir supermassif se seraient arrêtés à un moment donné puis auraient redémarré un peu plus tard, produisant alors deux lobes successifs.
Bien sûr, les 239 radiogalaxies géantes identifiées par le relevé LoTSS de LOFAR ne sont que le sommet d'un iceberg, du fait de la limitation des données dans le visible associées, qui sont essentielles pour identifier la galaxie hôte associée à la source radio et notamment sa distance (son redshift).
En faisant l'hypothèse d'isotropie et d'homogénéité de l'Univers (il est similaire à grande échelle partout et dans toutes les directions), le nombre de GRG que serait capable de trouver LOFAR par leur émission radio, à la fin de sa couverture de tout le ciel boréal, est estimé à 12000. Ensuite, selon Dabhade et ses collaborateurs, les futurs relevés spectroscopiques profonds dans le visible comme WEAVE-LOFAR pourraient apporter une identification et une caractérisation certaine pour un millier de ces radiogalaxies géantes.
Source
Giant radio galaxies in the LOFAR Two-metre Sky Survey-I
P. Dabhade, H. J. A. Rottgering, J. Bagchi, T. W. Shimwell, M. J. Hardcastle, S. Sankhyayan, R. Morganti, M. Jamrozy, A. Shulevski, and K. J. Duncan
à paraître dans Astronomy&Astrophysics
Illustrations
1) Exemple de deux GRG à double paires de lobes (Dabhade et al).
2 Extrait du catalogue de nouvelles GRG (Dabhade et al)
Bonjour,
RépondreSupprimerLa taille des GRG est celle de l'extension de ses lobes radio, mais quelle est la taille de la galaxie hote ? Est-ce toujours une elliptique géante elle aussi ? Y a-t-il une corrélation entre la taille des lobes et celle de la galaxie ? Cela ne me parait pas évident à priori.
Dans le cas des doubles paires de lobes, sont-elles désaxées ? Ce qui impliquerait un changement du plan du disque d'accrétion, voire à terme du plan de rotation du trou noir ?
Oui Pascal, c'est l'extension des lobes. La galaxie hôte est de taille "normale", mais toujours elliptique. Je ne crois pas que l'on connaisse la relation entre taille des lobes et taille de la galaxie, mais comme la taille des lobes varie d'un facteur 6, on peut comprendre qu'il n'y a pas de corrélation directe.
RépondreSupprimerNon, les doubles lobes ne sont pas désaxés, ils se suivent dans le même axe...
Bonjour,
RépondreSupprimerEst-ce que le disque d'accrétion s'aligne dans le même plan que la rotation du trou noir?
Je suppose que les objets qui approchent du T.N. doivent avoir des rotations aléatoires, comme les étoiles autour de Sgr A.
plus on s'approche du TN, plus le plan de rotation du gaz s'aligne avec l'équateur du TN... il semblerait.
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