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20/06/20

FRB : deuxième cas d'émission répétée périodique



Il y a un mois, je vous racontais la découverte d'un motif périodique dans les signaux répétés de FRB 121102, en précisant que c'était en fait la seconde découverte de ce genre. L'étude relatant la découverte du premier FRB répétitif périodique, FRB 180916, vient enfin d'être publiée, dans Nature. L'existence de deux FRB de ce type ruine au passage tous les fantasmes de civilisation intelligente qui y serait liée.



C'est donc la collaboration canadienne CHIME/FRB (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment Fast Radio Burst Project) qui aura détecté la première un motif périodique dans le signal d'un FRB, mais publié en second, grillée sur le poteau par une autre équipe, et un autre FRB... Il s'agit ici de la source FRB 180916, qui fait partie des sursauts radio rapides répétitifs qui ont été découverts par CHIME/FRB en 2018 et ont pu être localisés dans une galaxie lointaine.
Les chercheurs ont enregistré les ondes radio en provenance de FRB 180916 entre le 16 septembre 2018 (jour de sa découverte) et le 2 février 2020 et ont détecté pas moins de 38 sursauts radio. En analysant comment se répartissent dans le temps ces sursauts, les chercheurs canadiens observent qu'ils apparaissent toujours regroupés par paquets sur 5 jours et même par sous-paquets de 0,6 jours à l'intérieur d'un macropulse. Et le motif semble se répéter tous les 16,35 ± 0,15 jours, le reste du temps étant silencieux.
Le mécanisme sous-jacent qui est à l'origine de ces sursauts radio ne peut donc pas être purement sporadique, d'après les spécialistes. Quelque chose doit produire cette modulation périodique, et cela peut provenir du mécanisme d'émission lui-même ou bien d'un élément externe qui produirait soit une amplification du signal soit une absorption, de manière régulière et périodique.
On notera que le motif qui est observé sur FRB 180916 est très différent de celui qui a été vu sur FRB 121102 : ce dernier montre une activité répétée qui dure 88 jours suivi d'une phase silencieuse de 69 jours, avec une période de 157 jours. Ici, avec FRB 180916, la période est 10 fois plus petite et le rapport activité/inactivité est plus faible : 5 jours actifs, 11 jours silencieux. Les galaxies d'origine de ces deux FRB sont aussi très différentes : une galaxie naine située à plusieurs milliards d'années lumière pour FRB 121102 et une galaxie spirale massive relativement proche pour FRB 180916.

Le radiotélescope CHIME possède l'avantage d'avoir un grand champ de vue qui couvre environ 200° carré. Il est idéal pour détecter des FRB rapidement, étant sensible à des fréquences radio entre 400 et 800 MHz. Par chance, FRB 180916 se retrouve régulièrement dans le champ de vue du radiotélescope et a donc pu être suivi quasi quotidiennement depuis deux ans. Et on a besoin de beaucoup de temps d'observation pour espérer pouvoir détecter une évolution périodique à longue période sur un objet particulier. L'analyse statistique rigoureuse qui a été effectuée pour définir la réalité de la périodicité du signal indique que la chance pour que la périodicité annoncée soit dûe en fait au hasard est de 1 sur 10 millions... 

Il y aurait donc au moins deux FRB répétitifs qui montrent des motifs périodiques. Est-ce que ça nous aide pour comprendre l'origine des FRB (toujours inconnue) ? Oui et non. A ce jour, il existe une cinquantaine de modèles théoriques qui expliquent l'origine des FRB. Le fait d'avoir découvert que certains FRB se répétaient a permis d'exclure les modèles proposant une origine purement cataclysmique (destruction d'une étoile ou équivalent). Maintenant, l'ajout de l'existence possible d'un motif périodique ne permet pas encore d'exclure les modèles qui ne prédisent pas de périodicité, tant que nous n'avons pas montré que tous les FRB répétitifs ont un motif périodique...
La plupart des modèles théoriques mettent au centre de leur proposition un pulsar ou sa version ultra-magnétisée, un magnétar. Comme ce sont des objets qui tournent sur eux-mêmes avec une période très courte, inférieure à la seconde, l'observation d'une période du même type dans le signal des FRB serait une signature quasi définitive. Or, il n'y a que le durée des sursauts qui est de l'ordre de quelque millisecondes dans les FRB, pas encore leur période de répétition, et loin de là... 
Et de fait, aucun modèle théorique de FRB ne prédisait l'existence d'une périodicité de plusieurs jours, que ce soit 16 jours ou de 157 jours... avant cette découverte. Depuis, les cerveaux ont chauffé et plusieurs idées spéculatives ont émergé. 
Une possibilité qui est évoquée serait qu'un système binaire serait impliqué, incluant une étoile à neutrons et un compagnon. La période observée serait la période orbitale du couple. Selon ce modèle, l'émission radio en sursauts serait produite lorsqu'un intense vent de particules émis par l'étoile compagne interagirait avec la magnétosphère du pulsar. Mais la distance requise entre les deux étoiles semble difficile à réconcilier avec la période orbitale "observée". Une autre hypothèse serait l'image inversée de la précédente : il existerait une émission continue de sursauts radio mais elle serait obscurcie en permanence par le vent stellaire du compagnon, excepté dans une "fenêtre" qui serait ouverte par le vent de l'étoile à neutrons... avec une périodicité égale à la périodicité orbitale du couple.
Une troisième possibilité qui est avancée serait que l'étoile à neutrons générant les FRB serait déformée et que la région émettrice subirait une précession (un mouvement de toupie). Dans ce cas, même si la  période de rotation de l'étoile à neutrons est de l'ordre de la seconde ou moins, comme le signal FRB formerait un faisceau très fin, c'est le mouvement de précession qui pourrait pointer le faisceau vers la Terre tous les 16 jours. Reste à savoir si une précession pourrait être suffisamment lente pour produire la période de 157 jours vue sur FRB 121102. Il semble que ce soit difficile à concilier... 
Notons qu'une telle précession d'une étoile à neutrons pourrait avoir une origine intrinsèque à l'étoile à neutrons ou être induite par un compagnon. En tous cas, cette idée n'expliquerait que la périodicité et non le signal FRB en tant que tel.
Une quatrième solution serait tout simplement qu'il puisse exister des magnétars ayant une période de rotation intrinsèque très longue (une rotation très lente), correspond aux 16,35 jours de FRB 180916 et jusqu'aux 157 jours de FRB121102. Mais aujourd'hui, nous ne savons absolument pas si de tels objets peuvent d'une part exister et d'autre part si ils peuvent générer des signaux radio répétés...

Ces deux FRB vont donc continuer à être observés très attentivement, ainsi que les autres FRB répétitifs qui ont pu être détectés par CHIME/FRB ou d'autres radiotélescopes. Si ne serait-ce qu'un seul sursaut est observé durant la phase silencieuse du motif périodique déterminé, toute l'excitation apparue ces derniers mois sera à jeter à la corbeille et certains pousseront des ouf! de soulagement. Mais le fait que nous connaissions désormais deux FRB qui semblent se répéter périodiquement indique qu'il ne s'agirait pas d'un phénomène isolé ou très particulier. Il est aussi possible que nous découvrions bientôt que tous les FRB se répètent, et que tous se répètent périodiquement avec des périodes longues assez diverses... Cela signifierait que le mécanisme lié à la répétition périodique des sursauts radio rapides pourrait être au coeur du mécanisme de production des ondes radio des FRB... Les quelques mois et années qui viennent vont être passionnants.

Source

Periodic activity from a fast radio burst source
The CHIME/FRB Collaboration
Nature volume 582 (17 june 2020)

Illustration

Schéma de deux mécanismes imaginés pouvant potentiellement expliquer un signal de FRB à longue période, mais restant très spéculatifs (Nature).

2 commentaires:

  1. Bonjour Eric,
    Certaines hypothèses expliqueraient les FRB répétitives.
    OK...
    Mais du coup, elles n'expliquent plus les FRB non répétitives.
    Si il s'agit d'un faisceau qui balaie l'espace, il devrait être fameusement focalisé pour donner un flash aussi court!

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  2. les FRB non répétitives pourraient être simplement des cas où on n'a pas réussi à détecter les bursts suivants (il n'ont pas la même intensité de l'un à l'autre...). A mon humble avis, toutes les FRB sont répétitives... (périodique, on verra...)

    Dans le cas des pulsars millisecondes, le burst est très court aussi, mais les distances n'ont rien à voir non plus... Dans les FRB, la durée du burst ne doit pas être lié à la rotation intrinsèque, mais la fréquence de répétition sans doute. La notion de balayage dans ce cas serait surtout vue sous l'angle de la précession de l'astre (image de la toupie inclinée qui tourne sur elle-même très vite ainsi qu'autour de l'axe vertical).

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