La forte baisse de luminosité de la supergéante rouge Bételgeuse avait commencé en décembre 2019 et ce n'est qu'à la mi-février 2020 qu'elle commença à remonter. Très vite, les astrophysiciens ont essayé de comprendre ce qui se passait. L'analyse du spectre de l'étoile montrait qu'il ne pouvait pas s'agir d'un refroidissement partiel ou total de Bételgeuse, mais plutôt de la présence d'un écran situé entre elle et nous. Pourtant, de telles supergéantes sont connues pour arborer de gigantesques zones froides, des taches stellaires monstrueuses bien plus grandes que les petites taches dont se pare notre Soleil de manière cyclique. A elles seules, de telles taches stellaires auraient pu expliquer la baisse de luminosité observée. Mais quelque chose ne collait pas avec cette explication. Toutes les longueurs d'ondes n'étaient pas diminuées de la même façon...
Andrea Dupree (Center for Astrophysics, Harvard & Smithsonian (CfA)) et ses collaborateurs avaient par bonheur observé Bételgeuse en ultra-violet à partir de janvier 2019, une étude planifiée sur trois ans avec l'objectif de monitorer les variations de l'atmosphère externe de Bételgeuse. Il faut se rappeler que Bételgeuse est une étoile variable, qui gonfle et dégonfle périodiquement sur un cycle de 420 jours, avec les variations de luminosité qui vont avec. Dupree et ses collaborateurs utilisent Hubble pour scruter les hautes couches atmosphériques de la supergéante qui sont échauffées par les cellules de convection turbulentes, notamment en observant les raies d'émission du magnésium ionisé.
Et ce qu'ils ont vu à dès septembre 2019 permet d'expliquer clairement ce qui s'est passé par la suite.
Le flux intense de plasma qu'ils ont vu s'échapper d'une vaste cellule de convection sur la surface de la supergéante est selon eux passé de la chaude atmosphère aux couches plus froides où il se serait rapidement refroidi formant très vite de grains de poussière. Le nuage ainsi produit pouvait bloquer la lumière sur plus d'un quart de sa surface.
L'imagerie directe de Bételgeuse avait montré en janvier dernier qu'une bonne partie de son hémisphère sud était devenue beaucoup moins brillante que le reste de son disque. Or c'est environ au même endroit, au sud-est de Bételgeuse, que Dupree et ses collaborateurs américains et européens ont observé à l'automne cette grosse éruption de plasma deux à quatre fois plus brillante en UV que la normale se propageant à presque 900 km/s.
Les chercheurs pensent que la forte éjection de masse de l'automne dernier est liée au cycle de pulsation de Bételgeuse. A l'aide du télescope STELLA du Leibniz Institute, les astrophysiciens ont pu mesurer l'évolution de la vitesse du gaz à la surface de la supergéante. Et Bételgeuse gonfle en même temps que remontent ces cellules de convection. Ils en déduisent que les pulsations ébranlant l'étoile en fin de vie pourraient avoir aidé la propulsion du plasma dans son atmosphère et la production de poussière.
L'équipe de Dupree prévoit de poursuivre ses observations de Bételgeuse à partir de la fin août car elle est actuellement encore trop près du Soleil pour le télescope Hubble. mais un autre télescope spatial, STEREO, dédié à l'étude du Soleil, a déjà pu faire des images de Bételgeuse et a montré une étrange nouvelle baisse de luminosité entre mai et juillet... certes beaucoup moins importante que celle de l'hiver dernier, mais qui sait ? Le suivi de alpha Orionis n'en finit pas d'être haletant...
Source
Spatially Resolved Ultraviolet Spectroscopy of the Great Dimming of Betelgeuse
Andrea K. Dupree et al.
The Astrophysical Journal, Volume 899, Number 1 (13 August 2020)
Illustration
Schéma du phénomène ayant produit la forte diminution de luminosité de Bételgeuse (NASA, ESA, and E. Wheatley (STScI))
Bonjour Eric,
RépondreSupprimerJe ne vois pas bien comment la première hypothèse d'une grosse tache stellaire pouvait coller avec la rotation rapide de Bételgeuse
???
C'est vrai, à moins qu'il y en ai eu plusieurs, suffisantes pour faire tout le tour...
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