Vedant Chandra (Johns Hopkins University) et ses collaborateurs ont utilisé des mesures de redshift gravitationnel, un effet relativiste, déduites de données collectées par le Sloan Digital Sky Survey et par le télescope astrométrique Gaia sur plus de 3000 naines blanches.
En mesurant le redshift gravitationnel, les chercheurs ont pu déterminer observationnellement le lien existant entre la masse des étoiles de leur échantillon et leur rayon. Le redshift gravitationnel est le décalage des longueurs d’ondes de la lumière vers le rouge qui est induit par la courbure de l’espace-temps produit par la gravitation, celle de l’étoile elle-même en l’occurrence. Son effet dépend du ratio entre masse et rayon de l’étoile.
Les astrophysiciens ont mesuré la vitesse radiale des naines blanches à partir des raies d’absorption, leur rayon à partir des données de photométrie et de parallaxes, et leur gravité de surface à partir des spectres et de modèles atmosphériques. Bien évidemment, la lumière des étoiles est affectée par un autre décalage spectral qui est lié à leur vitesse relative par rapport à nous. Il a donc fallu éliminer cette part de décalage spectral avant de pouvoir isoler le décalage du redshift gravitationnel.
Les chercheurs ont pour cela classé les naines blanches de leur grand échantillon en fonction de leur rayon et de leur gravité de surface, puis ont moyenné le redshift des étoiles qui avaient les mêmes tailles, sachant qu’en moyenne, sur des grands nombres, le décalage spectral Doppler lié à la vitesse relative doit s’annuler, les mouvements étant aléatoires, avec autant s’éloignant de nous que s’approchant. Cette méthode laisse donc apparaître uniquement le redshift gravitationnel intrinsèque des étoiles.
Comme l’échantillon de plusieurs milliers d’étoiles est divisé en groupes selon leur rayon, les astrophysiciens déterminent comment évolue le ratio masse/rayon en fonction du rayon, ou de la masse si on préfère, et donc comment évolue le rayon en fonction de la masse.
Comme les naines blanches deviennent plus petites lorsqu’elles sont plus massives, le redshift gravitationnel augmente également avec la masse, puisqu’elles sont plus denses.
C’est exactement ce qu’observent Vedant Chandra et ses collaborateurs. Ces résultats sont conformes avec la théorie de Chandrasekhar et ils montrent surtout que la méthode utilisée est tout à fait efficace et pourra permettre dans le futur à mieux contraindre les caractéristiques des naines blanches comme leur composition et leur évolution, en plus de l’équation d’état des électrons dégénérés, le phénomène quantique auquel elles doivent leur existence. La relation masse-rayon doit en effet être légèrement différente pour les naines blanches de types O/Ne et C/O, notamment pour les masses les plus grandes (les rayons les plus petits). Les incertitudes malgré tout toujours existantes ici ne permettent pas encore de distinguer les deux types de naines blanches à partir des courbes obtenues donnant le rayon en fonction de la masse, mais les astrophysiciens estiment que cela deviendra atteignable avec un échantillon de naines blanches plus grand et surtout avec l’exploitation d’étoiles binaires, dont la mesure de la vitesse radiale de la compagne pourra fournir une détermination plus précise de la vitesse radiale de la naine blanche du couple et donc de son redshift gravitationnel.
Un dernier paramètre peut influer sur la relation masse-rayon : c’est l’épaisseur de la couche d’hydrogène que contient la naine blanche. La masse d’hydrogène présente a été considérée dans cette étude par Verant Chandra et ses collaborateurs égale à 0,0001 fois la masse de l’étoile, soit une enveloppe plutôt épaisse. Comme la couche d’hydrogène doit varier en fonction de la masse de la naine blanche et de sa température, elle peut produire une variation comprise entre 1 et 15% sur la courbe de la relation masse-rayon. Là encore, l’incertitude des mesures ne permet pas de déterminer si la couche d’hydrogène est plutôt épaisse ou plutôt fine, mais ce n’est qu’une question de statistiques et un plus gros échantillon devrait résoudre la question.
Il est finalement tout à fait remarquable qu’une propriété quantique des étoiles naines blanches, la relation non triviale masse-rayon ait pu être mise en évidence grâce à un effet de la relativité générale. Comme quoi les deux théories irréconciliables de la physique peuvent parfois s’épauler…
Source
A Gravitational Redshift Measurement of the White Dwarf Mass-Radius Relation
Vedant Chandra et al.
Accepté pour publication dans The Astrophysicial Journal
Illustration
La nébuleuse planétaire NGC2440 dont l'étoile centrale est la naine blanche la plus chaude connue (Pixabay / Wikiimages)
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