Une équipe internationale d'astrophysiciens vient de publier la découverte d'une structure considérée comme un proto-amas de galaxies situé 3 milliards d'années après le Big Bang, un proto-amas en passe de devenir rapidement un superamas de galaxies tant son taux de formation stellaire est élevé. L'étude est publiée dans Astronomy&Astrophysics.
Les astronomes savent depuis un certain temps que les galaxies ont tendance à se rassembler en groupes et en amas, mais le processus qui permet de passer de la formation galactique aux amas reste aujourd'hui une question ouverte en cosmologie.
Maria Polletta (INAF) et ses collaborateurs américains et français (de l'IRAP à Toulouse, de l'IAS à Paris-Saclay et du CRAL à Lyon) ont observés près de 2000 sources émettant dans l'infra-rouge lointain qui avaient été détectées par le satellite Planck comme étant des potentiels proto-amas à forte formation d'étoiles et en ils en ont formellement identifié une grâce à ces caractéristiques spectroscopiques. Cette structure est nommée PHz G237.01+42.50, ou G237 plus brièvement.
Les chercheurs ont utilisé le Large Binocular Telescope en Arizona et le télescope Subaru au Japon pour déterminer la présence de 31 galaxies appartenant au proto-amas G237 qui forme une surdensité qui s'étale sur une zone de 10′ × 11′ . Des observations de suivi ont également été obtenues à l'aide de données d'archives de l'observatoire spatial Herschel et du télescope spatial Spitzer.
La masse qui est observée dans la surdensité qui est identifiée à un redshift z=2,16 est projetée à ce qu'elle serait dans l'Univers actuel à z=0 : environ 500 000 milliards de masses solaires !.. C'est considérable, comparable à la taille du superamas de la Vierge.
Ce qui rend ce proto-amas de galaxie stupéfiant, c'est son taux de formation d'étoiles. Les galaxies qui le composent forment environ 4000 masses solaires d'étoiles par an, ce qui est donc environ 5000 fois plus que ce que produit notre petite galaxie. Les premières données du satellite Planck menaient même à une valeur physiquement impossible de 10000 masses solaires par an, mais les chercheurs se sont rendus compte de la présence d'un signal parasite grâce au suivi approfondi de G237. Mais 4000 masses solaires par an reste un taux de formation stellaire bien supérieur à ce que prédisent les simulations.
Les chercheurs ont analysé les spectres ultraviolets (UV) et les distributions d'énergie spectrale dans l'UV et l'infrarouge lointain des membres de G237 pour en déduire leur taux de formation stellaire (SFR), leur masse stellaire et leur métallicité. Les galaxies membres comprennent des galaxies bleues à formation d'étoiles et des noyaux galactiques actifs (AGN) dont les SFR et les masses stellaires sont compatibles avec la séquence principale. La masse stellaire des galaxies de G237 va de 2 milliards à 200 milliards de masses solaires. Les noyaux galactiques actifs, identifiés par spectroscopie optique ou par des données de rayons X, représentent une fraction significative (20 ± 10%) de tous les membres du proto-amas et ils sont suffisamment puissants pour produire une rétroaction radiative (une réduction, voire un arrêt de la formation d'étoiles), même si aucun signe de quenching significatif n'est observé dans ces AGN. Le cœur de G237, en plus d'être plus dense, comprend des membres qui sont, en moyenne, plus massifs et plus formateurs d'étoiles, et contient aussi une plus grande fraction d'AGN que l'échantillon complet, ce qui suggère un effet potentiel de l'environnement sur la croissance des galaxies. Une comparaison entre PHz G237.01+42.50 et d'autres proto-amas à des décalages vers le rouge similaires révèle des traits communs et des différences qui reflètent une diversité dans les propriétés intrinsèques qui n'est pas encore totalement comprise.
Toutes les galaxies de l'univers observable font partie d'une structure géante qui ressemble à une forme de toile tridimensionnelle qu'on appelle la toile cosmique. Les filaments de cette toile cosmique se croisent aux niveau de nœuds, qui correspondent aux amas de galaxies. Pour produire autant d'étoiles par an, un groupe de galaxies doit être alimenté en permanence par un flux de gaz frais. Pour les chercheurs, les filaments servent très probablement de médiateur pour le transfert de l'hydrogène gazeux du milieu intergalactique vers ces structures galactiques nouvellement formées dans les nœuds de la toile cosmique.
Pour mieux comprendre comment évoluent dans le temps les amas de galaxies comme G237, Polletta et ses collaborateurs comptent désormais beaucoup sur les futurs outils qui seront à leur disposition pour sonder les galaxies toujours plus loin dans l'espace-temps. Par exemple, la mission Euclid sera capable de détecter tous les membres spectroscopiques de G237 dans son large relevé optique-proche IR. Le télescope spatial James Webb, et les observations terrestres d'imagerie à optique adaptative pourraient aussi fournir des observations à haute résolution spatiale afin de déterminer si les fusions sont le principal processus d'alimentation. La spectroscopie NIR profond à grand champ avec le VLT pourrait permettre quant à elle d'identifier un grand nombre de membres de proto-amas et de mieux contraindre leur population stellaire. De plus, des observations en rayons X profonds avec le télescope spatial Athena pourraient détecter le gaz chaud du milieu qui imprègne ces structures, et sonder les masses et le niveau de maturité de leur halo. Et enfin, des observations du gaz moléculaire en ondes millimétriques ou submillimétriques avec IRAM ou ALMA permettraient d'identifier avec certitude les galaxies de type poussiéreuses et d'obtenir des informations sur les propriétés du gaz moléculaire. Bref, l'observation à multi-longueurs d'ondes des proto-amas de galaxies ne fait que commencer et un avenir prometteur est devant nous pour la compréhension des processus physiques qui se produisent dans ces objets complexes.
Source
Spectroscopic observations of PHz G237.01+42.50: A galaxy protocluster at z = 2.16 in the Cosmos field
M. Polletta et al.
Illustrations
1. Image à 3 couleurs obtenue avec Herschel du champ de G237 (10′ × 12′). La surdensité (l'"excès rouge" détecté initialement avec Planck est visualisé par les contours jaunes (Polletta et al.)
2. Carte de densité des sources SPIRE, l'excès "rouge" détecté par Planck est représenté par les contours mauve. Les cercles et les diamants représentent des galaxies membres (Polletta et al.)
Bonjour
RépondreSupprimerQuel serait dans les simulations le paramètre dont l'augmentation permettrait de rejoindre l' observation de ce taux anormal de création d'étoile ?