Pages

mardi 1 février 2022

Un deuxième astéroïde Troyen accompagne la Terre autour du Soleil


Les astéroïdes Troyens sont de petits corps qui accompagnent l'orbite d'une planète, orbitant autour des points de Lagrange L4 ou L5 du système Soleil-planète, c'est-à-dire situés à environ 60° en avance ou en retard sur la planète, sur la même orbite. On ne connaissait jusqu'à aujourd'hui qu'un seul astéroïde de ce type en résonance avec la Terre, 2010 TK7. Mais un deuxième vient d'être confirmé par une équipe d'astronomes internationale. Ils publient leur étude dans Nature Communications

Malgré de nombreux efforts d'observation au cours de la dernière décennie, l'astéroïde 2010 TK7 est resté depuis 2011 le seul astéroïde Troyen terrestre connu jusqu'à présent. Rappelons que des astéroïdes Troyens sont connus depuis longtemps pour accompagner Vénus, Mars, Jupiter, Uranus et Neptune. 
La possibilité d'astéroïdes Troyens pour la Terre a été longtemps débattue et leur faisabilité avait été démontrée du point de vue de la mécanique céleste. En particulier, leur existence possible a été démontrée par des études théoriques au moyen de simulations numériques. Des stratégies d'observation ont aussi été définies pour tenter de détecter de nouveaux astéroïdes Troyens, mais aucune n'a permis de découvrir de nouveaux membres de cette population, y compris une étude in situ par la sonde spatiale OSIRIS-REx dans la région de L4, et des observations de L5 par la sonde Hayabusa2 alors en route vers l'astéroïde Ryugu. L'échec de la détection de nouveaux astéroïdes Troyens a fourni des contraintes sur leur population concernant leur nombre et leur taille.
Une des raisons de ce faible taux de réussite de découverte est aussi liée à la géométrie défavorable d'un objet orbitant aux points L4 ou L5 de la Terre et du Soleil vus de notre planète. Ces objets sont en effet observables très près du Soleil (à de faibles élongations solaires) et sous de grands angles de phase (l'angle Soleil-objet-observateur), ce qui implique qu'une fraction importante de l'objet est ombragée vu de la Terre, et donc sa luminosité est toujours faible. Et cela implique également que des objets qui sont situés aussi près du Soleil en projection vus de la Terre ne peuvent être observés que proches de l'horizon (peu de temps avant le lever du Soleil ou peu après son coucher. La masse d'air élevée, à laquelle on peut ajouter le fond plus élevé de la lumière zodiacale, n'arrange rien pour observer sereinement d'éventuels astéroïdes Troyens. 
Le nouveau venu, qui est nommé 2020 XL5 a été découvert par le relevé Pan-STARRS le 12 décembre 2020. Peu après sa découverte, des observations de suivi ont permis de déterminer des premières valeurs des paramètres de l'orbite. Le comportement de cette orbite suggérait fortement que 2020 XL5 puisse être un candidat pour devenir le deuxième Troyen connu, mais l'incertitude des paramètres due au trop court arc couvert par les observations était trop importante pour confirmer sa nature.



Toni Santana-Ros (Université de Alicante) et ses collaborateurs, ont donc cherché à en savoir plus en allant fouiller dans des images d'archives enregistrées entre 2012 et 2019 à la recherche de tout ce qui permettait de déterminer les paramètres orbitaux de 2020 XL5. Ils ont ensuite complété leurs premières analyses avec de nouvelles observations dédiées, en 2021, avec trois télescopes différents. Les données montrent que 2020 XL5 se trouve au point de Lagrange L4. Ils confirment qu'il s'agit bien d'un astéroïde Troyen qui accompagne la Terre dans sa course autour du Soleil. En faisant l'hypothèse réaliste que l'astéroïde a un albédo de 0,06 (c'est très sombre), les chercheurs en déduisent la taille du caillou : il a un diamètre de 1,15 ± 0,08 km, ce qui est plus grand que son prédécesseur 2010 TK7. Et Santana-Ros et ses collaborateurs, à partir de l'observation fine de l'orbite de 2020 XL5 et de la configuration du système solaire, prédisent que l'astéroïde Troyen restera au point de Lagrange L4 pendant au moins 4000 ans mais guère plus longtemps. C'est donc un accompagnateur transitoire, de manière similaire d'ailleurs au premier Troyen de la Terre 2010 TK7 qui se trouve également au niveau du point L4. 
La découverte d'un deuxième astéroïde Troyen va améliorer notre connaissance de la dynamique de cette population insaisissable. En comparant la nature orbitale des deux Troyens connus maintenant, nous pouvons mieux comprendre les mécanismes qui permettent leur stabilité transitoire. En ce qui concerne la caractérisation physique de 2020 XL5, Santana-Ros et son équipe fournissent une amélioration des paramètres de son orbite (et donc de ses éphémérides) jusqu'au niveau de la seconde d'arc, ce qui ouvre de nouvelles possibilités d'observations. Par exemple, il est maintenant possible de planifier des observations avec des instruments ayant de petits champs de vue. On peut maintenant espérer la collecte de nouvelles données photométriques de l'astéroïde pendant sa fenêtre d'observation annuelle favorable (de novembre à décembre). Des études plus spécifiques résultant d'observations en infrarouge ou spectroscopiques amélioreront également notre connaissance de cet objet dynamiquement exotique. Elles devraient fournir de meilleures contraintes sur l'estimation de sa taille et sa composition. Si les observations de suivi confirment sa composition supposée, une explication raisonnable de l'orbite de ce corps serait une capture transitoire à partir de la ceinture d'astéroïdes principale, après qu'il a été éjecté par l'une des résonances avec Jupiter (modes 2:1 et 5:2). Santana-Ros et ses collaborateurs n'excluent pas non plus que ces astéroïdes proviennent de la région Hungaria, une source possible de corps co-orbitaux dans le système solaire interne, qui montrent des périodes de libration autour de 10000 ans, en accord avec les résultats pour 2020 XL5. De plus, la région Hungaria est connue pour être dominée par des cailloux de types C et S, surtout pour ceux de petite taille, ce qui est également cohérent avec la classification taxonomique actuelle de 2020 XL5.

A terme, les futures études sur les régions L4 et L5 permettront d'obtenir des contraintes plus strictes sur les populations d'astéroïdes Troyens et, peut-être, de découvrir des corps primordiaux, qui sont, eux, là depuis toujours. Leur étude pourrait contribuer à améliorer les modèles d'évolution du système solaire et de sa formation. 


Source

Orbital stability analysis and photometric characterization of the second Earth Trojan asteroid 2020 XL5
T. Santana-Ros et al.
Nature Communications volume 13, 447 (1 february 2022) 

Illustrations

1. Images de 2020 XL5 obtenues avec Pan-STARRS et le Lowell Discovery Telescope (T. Santana-Ros et al.)
2. Visualisation des lignes d'iso-potentiel et des 5 points de Lagrange dans le système Soleil-Terre (NASA)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci !