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jeudi 3 mars 2022

Les rayons X de GW170817 ne faiblissent plus 4 ans après la kilonova


L’événement GW170817 qui a vu le 17 août 2017 la fusion de deux étoiles à neutrons dans une myriade de rayonnements à toutes les longueurs d’ondes, des ondes radio aux ondes gravitationnelles en passant par les infra-rouges, les rayons X et les rayons gamma a très probablement produit un trou noir, qui serait le plus petit que l’on connaisse. Mais ce trou noir est-il né tout de suite après la fusion des étoiles à neutrons ? Une observation du signal de rayons X résiduel de la collision apporte une réponse. L’étude est à paraître dans The Astrophysical Journal Letters. 

Plus de quatre ans (déjà !) après cette fabuleuse kilonova, un signal rémanent est toujours observable, dans la gamme des rayons X. Cette rémanence s'explique par le rebond de la matière provenant des étoiles à neutrons fusionnées, qui a traversé et chauffé la matière autour du système binaire. Cette matière chaude a permis au vestige de continuer à briller pendant plus de quatre ans, mais elle aurait dû décroître bien plus vite que ce qui est observé. Aprajita Hajela (Northwestern University) et ses collaborateurs ont analysé les données enregistrées avec le télescope spatial Chandra dédié à la détection des rayons X de basse énergie entre 1209 et 1258 jours après la fusion. Ils ont suivi l’émission de rayons X du 9 au 13 décembre 2020 puis du 18 janvier au 27 janvier 2021 pour un total de 189,1 ks d’exposition. Les précédentes observations en rayons X de l’émission résiduelle de la kilonova s’était auparavant arrêtée 939 jours après la fusion, près d’un an avant ces nouvelles observations. Le taux de comptage de photons entre 0,5 keV et 8 keV se monte ici à 0,77 10-4 coups.s-1, ce qui veut dire la détection de 14 photons durant ces 52,5 heures d’exposition.  Et ces 14 photons observés forment une émission X en excès d’un facteur 4 par rapport au cas où les étoiles à neutrons auraient produit immédiatement un trou noir.
On se souvient que de très nombreux télescopes avaient rapidement suivi la kilonova associée à GW170817 qui, ensemble, avaient permis de confirmer la théorie selon laquelle de nombreux éléments lourds sont produits à la suite de telles fusions à l'intérieur d'éjectas chauds qui produisent une kilonova brillante. La kilonova brille grâce à la lumière émise lors de la désintégration d'éléments radioactifs, comme le platine et l'or, produits dans les débris de la fusion. Chandra n'avait vu aucun rayon X jusqu'à neuf jours plus tard, ce qui suggère que la fusion a produit un jet étroit de matière qui, en entrant en collision avec la matière autour des étoiles à neutrons, a émis un cône de rayons X qui a d'abord manqué la ligne de visée de la Terre. Ce n'est que quelques jours plus tard que la tête du jet s'est agrandie et a commencé à émettre des rayons X visible depuis la Terre. Les émissions de rayons X du jet ont ensuite augmenté pendant 160 jours, puis elles se sont progressivement atténuées à mesure que le jet ralentissait et s'élargissait. Mais Hajela et son équipe remarquent qu'à partir de mars 2020, environ 900 jours après la fusion, le déclin s'est arrêté, et les émissions de rayons X sont restées d'une luminosité à peu près constante. Les chercheurs parlent ainsi d’un excès de rayons X, par rapport à ce qu’on pourrait normalement attendre dans une kilonova et la rémanence de son jet associé.


Si les étoiles à neutrons fusionnées s'effondrent directement en un trou noir sans étape intermédiaire, ce qui est classiquement attendu, il est très difficile d'expliquer l'excès de rayons X qui est observé, parce qu'il n'y aurait pas de surface « dure » sur laquelle la matière aurait pu rebondir à grande vitesse pour créer plus tard ce signal rémanent. Tout tomberait simplement dans le trou noir nouvellement formé. Le fait que les rayons X aient cessé de s'estomper rapidement est la meilleure preuve à ce jour que quelque chose en plus d'un jet est détecté dans les rayons X de cette source, selon les chercheurs. Ils suggèrent que l'excès de rayons X est produit par une onde de choc distincte des jets produits par la fusion. Ce choc serait le résultat de l'effondrement retardé des étoiles à neutrons fusionnées, probablement parce que leur rotation rapide a très brièvement contrecarré l'effondrement gravitationnel. Il suffit d’une seule seconde de délai pour que la matière autour des étoiles à neutrons bénéficie d'un rebond supplémentaire produisant une queue très rapide d'éjecta à l'origine du choc dans le milieu circumbinaire. Le rayonnement ne nous parvient que maintenant car il aurait fallu du temps pour que les éjectas massifs soient décélérés dans l'environnement à faible densité et pour que leur énergie cinétique soit convertie en chaleur par les chocs. Il s'agit du même processus qui produit les rayons X et radio du jet, mais comme le jet est beaucoup plus « léger », il est immédiatement décéléré par l'environnement et brille en rayons X et radio dès les tout premiers instants.
S'il s'agit bien d'une rémanence de kilonova, une émission d’ondes radio devrait être détectée à nouveau dans les prochains mois ou années. En revanche, si ces rayons X en excès sont produits par la matière qui est actuellement en train de tomber sur le trou noir nouvellement formé, la production de rayons X devrait rester stable ou décliner rapidement, et aucune émission radio ne sera détectée. Les deux hypothèses sont possibles d’après Hajela et ses collaborateurs et sont donc vérifiables assez rapidement. Si ce n’est pas un bref délai dans la naissance du trou noir qui est à l’origine des rayons X en surplus observés, l’émission X détectée serait une chance d'étudier comment la matière tombe sur un trou noir quelques années seulement après sa naissance, ce qui n’a jamais encore été observé.

L’équipe de Hajela a récemment annoncé que le télescope Chandra avait détecté de nouveau des rayons X lors d'observations de GW170817 réalisées en décembre 2021. L'analyse de ces données est en cours mais on sait déjà qu’aucune détection radio associée aux rayons X n'a été signalée… 

Source

The emergence of a new source of X-rays from the binary neutron star merger GW170817
Hajela et al.
A paraître dans The Astrophysical Journal Letters

Illustrations

1. Vue d’artiste de la kilonova associée à GW170817 (NASA/CXC/M. Weiss)
2. Evolution du flux de rayons X depuis l’événement de fusion GW170817 qui montre un excès après 900 jours (Hajela et al.)

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