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mardi 8 novembre 2022

Détermination des masses du système sextuple Castor


Castor n'est pas une simple étoile qui accompagne Pollux dans la constellation des Gémeaux. Castor est un système sextuple ! Six étoiles qui forment 3 binaires qui se tournent autour. Des astronomes ont tenté de démêler cette complexité pour trouver la masse de chacune des six étoiles et pouvoir mieux les caractériser. Pour cela, ils ont dû exploiter plus de 200 ans de données... Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal. 

Les systèmes multiples, binaires, étoiles triples, et même des configurations d'ordre supérieur à 4, 5 ou, comme ici à 6 étoiles, ont beaucoup à nous apprendre. En mesurant leurs orbites et en appliquant les lois de Kepler, les astronomes peuvent déterminer la masse de chaque étoile. Il s'agit de mesures extrêmement importantes, car les autres mesures de masse sur des étoiles seules ne sont fondées que sur une hypothèse sur la lumière qu'elles émettent. Dans le cas de systèmes multiples, on accède à ce qu'on appelle la masse "dynamique". Et une fois que l'on connaît la masse et le type spectral d'une étoile, on peut en déduire son âge par exemple.
Castor est très proche de la Terre, à seulement 15 pc, elle a la particularité d'être la première vraie binaire physique à avoir été reconnue comme telle par Herschel en 1803, sur la base de l'observation des changements de direction de la ligne joignant les deux "étoiles" principales observés sur quelques décennies. Avec l'avènement des télescopes, les astronomes des 18e et 19e siècles ont ensuite confirmé que Castor était une étoile binaire : Castor A et Castor B. Puis, Castor est devenue un système stellaire triple lorsqu'on a découvert que YY Geminorum était en orbite autour du couple AB mais avec une très longue période de plus de 10000 ans, on l'a alors appelée Castor C. Mais en 1897, Castor B a été mesurée par Beloposki deux fois avec un spectrographe à quatre jours d'intervalle et il a montré que la vitesse radiale de l'étoile avait changé de façon spectaculaire entre les deux observations, il a ensuite montré que Castor B était une binaire spectroscopique, avec une période de 2,4 jours. Des observations ultérieures de Castor A par Curtis en 1906 ont mené à la même conclusion, il s'agissait également d'une binaire, avec une période un peu plus longue de 9,2 jours. Et Castor C à son tour, a ensuite rapidement prouvé qu'elle était elle aussi une binaire (mais composée de deux étoiles naines)...
Le mouvement de Castor AB est enregistré depuis le 18e siècle (A et B se tournent autour en 459 ans et les étoiles qui les composent on l'a vu ont une très courte période). Les chercheurs d'aujourd'hui disposent donc d'un grand nombre de données d'archives pour travailler. Mais Guillermo Torres (Harvard Smithonian Center for Astrophysics) et ses collaborateurs ne se sont pas contentés des archives pour caractériser complètement les orbites de ce système complexe, ils ont également effectué leurs propres observations.


Avec les seules vitesses radiales, il est impossible de déterminer une solution orbitale complète, car les vitesses radiales ne renseignent que sur le mouvement d'une étoile qui se rapproche ou s'éloigne de l'observateur. Dans une binaires spectroscopique, les étoiles sont si proches l'une de l'autre que même les plus grands télescopes dotés de puissants systèmes d'optique adaptative ne peuvent pas les séparer. Torres et son équipe ont donc observé les binaires Castor A et Castor B à l'aide du réseau CHARA (Center for High Angular Resolution Astronomy), un interféromètre optique à longue base qui est situé sur le Mont Wilson en Californie. Grâce au pouvoir de résolution de l'interférométrie, ils ont pu mesurer directement la position de chaque paire de binaires spectroscopiques au fil du temps, réussissant à cartographier chaque orbite dans les trois dimensions pour la première fois. Ensuite, en combinant les mesures d'astrométrie de Castor A et B archivées sur 30 ans, avec les données d'Hipparcos, et de vitesse radiale archivées depuis 1778, ils ont pu ajuster chaque trajectoire orbitale et déterminer ainsi les masses dynamiques de tous les composantes du système AB. Il faut préciser ici que Gaia ne pouvait pas être exploitée car Castor est trop brillante pour le télescope astrométrique européen... 
Torres et ses collaborateurs obtiennent les masses suivantes pour les quatre étoiles de Castor A et B :
Aa :  2,371 ± 0,015 M⊙
Ab :  0,3859 ± 0,0018 M⊙
Ba : 1,789 ± 0,016 M⊙
Bb : 0,3865 ± 0,0020 M⊙
On notera que les étoiles Ab et Bb sont quasi totalement identiques... Quant aux rayons des deux étoiles principales, ils valent : respectivement : 
Aa : 2,089 ± 0,005 R⊙,
Ba : 1,648 ± 0,011 R⊙.
Les auteurs arrivent à une précision de 1% sur la masse des quatre étoiles de Castor A et B. A partir de là, ils ont pu les caractériser complètement, en termes de paramètres orbitaux, angle d'inclinaison, excentricité, etc, et déduire leur âge. Ils montrent que les orbites des paires de binaires les unes autour des autres ne sont pas coplanaires, mais le système est tout de même dynamiquement stable.
L'orbite interne de A est presque à angle droit (92°) par rapport à l'orbite de AB, et celle de B est inclinée d'environ 59 degrés par rapport au plan orbital de AB. Les astronomes déterminent aussi les rayons des étoiles primaires des deux sous-systèmes à partir de leurs diamètres angulaires mesurés avec CHARA. Avec la donnée des rayons, il ne leur restait plus qu'à utiliser des modèles d'évolution stellaire pour déduire l'âge du système : 290 millions d'années. La nouvelle connaissance des orbites permet de mesurer également plus finement le mouvement très lent de la troisième binaire Castor C autour du quadruple AB. Torres et ses collaborateurs réévaluent la période orbitale de Castor C autour du couple de binaires AB à 14500 ans, sachant que la masse totale des six étoiles vaut 6,2 masses solaires (le couple Castor C ne fait que 1,28 masses solaires). 
Toutes ces nouvelles données et les nouvelles contraintes dynamiques sur les multiple orbites de Castor devraient aider les futures études sur la stabilité et de l'évolution de ce remarquable système sextuple et d'autres système complexes du même type.

Source

The orbits and dynamical masses of the Castor System
Guillermo Torres et al.
Accepté pour publication par The Astrophysical Journal

Illustrations

1. Schéma du système sextuple de Castor (NASA/JPL)
2. Tailles relatives au soleil des six étoiles de Castor (NASA/JPL)



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