Un FRB répétitif a été détecté à nouveau, mais cette fois pour la première fois à haute fréquence et pour la première fois par le radiotélescope japonais du Usuda Deep Space Center de la JAXA. Mais la densité d'énergie du sursaut détecté ressemblait d'avantage à celle d'un FRB non répétitif... L'étude est parue dans Publications of the Astronomical Society of Japan.
Il s'agit du FRB dénommé FRB 20201124A qui avait été détecté pour la première fois le 24 novembre 2020 par le radiotélescope canadien CHIME/FRB. Certains FRBs répétitifs, et certains, comme FRB 20121102 et FRB 20180916B ont montré une périodicité par fenêtre d'activité. FRB 20201124A fait partie de cette catégorie, il est entré dans une période de haute activité en avril 2021 (très suivie par CHIME/FRB), au cours de laquelle plusieurs observatoires ont enregistré des centaines de sursauts de la source. Récemment, elle est à nouveau entrée dans une phase active entre janvier et mars 2022 Cependant, aucune détection n'a été signalée dans la bande de haute fréquence au-dessus de 2 GHz.
Les FRB sont remarquablement énergétiques : un FRB brillant peut émettre autant d'énergie en quelques millisecondes que notre Soleil en quelques jours à quelques semaines. Et le sursaut observé par les astrophysiciens japonais est le plus brillant pour cette source à ce jour. Les ondes radio formant ces sursauts sont dispersées lorsqu'elles traversent la matière dans le milieu interstellaire, ce qui signifie que la partie à haute fréquence du sursaut arrive sur le radiotélescope avant la partie à basse fréquence. Les FRB montrent des niveaux de dispersion si élevés que la matière intervenant dans la Voie lactée ne suffit pas à elle seule à l'expliquer, ce qui avait permis de savoir que les FRB pour la plupart viennent d'autres galaxies.
Certains FRB n'ont été vus qu'une seule fois et n'ont jamais été redétectés, tandis que d'autres peuvent se répéter continuellement pendant des années, de manière aléatoire. La séparation entre les FRB répétitifs et non répétitifs a conduit à l'hypothèse (provisoire) que les FRB ne peuvent pas être causés par une seule classe de source, mais peut-être deux : d'un côté les supernovas et d'autres événements cataclysmiques (comme les fusions de trous noirs) qui pourraient créer des FRB uniques, et de l'autre côté les FRB répétitifs pourraient être émis par des étoiles à neutrons, des magnétars ou d'autres objets qui vivent pendant de longues périodes.
FRB 20201124A est l'un des FRB à répétition les plus actifs. Sota Ikebe (Université de Tokyo) et ses collaborateurs n'ont eu besoin que de huit heures d'observation le 18 février 2022 avec le radiotélescope de 64 m de Usada, focalisées à l'emplacement de ce FRB, pour détecter un sursaut à la fréquence de 2,2 GHz (mais en revanche aucun à la plus haute fréquence de 8,4 GHz également recherchée). Aucun FRB n'a eu d'émission détectée au-dessus de 8 GHz, et FRB 20201124A n'avait spécifiquement jamais été détecté au-dessus d'environ 1,8 GHz avant cette détection. Les chercheurs japonais notent que la luminosité de ce sursaut est remarquable, car les analyses de la population de FRB suggèrent que les FRB répétitifs sont moins énergétiques que les FRB uniques en moyenne. Lorsqu'on trace un diagramme de dispersion de la durée de sursaut en fonction de la densité d'énergie de nombreux FRB uniques et répétitifs, on observe une séparation assez nette entre les deux familles de FRB : répétitifs et non répétitifs. Mais ce nouveau sursaut de FRB20201124A vient chambouler ce beau graphe : le point qui correspond à ces paramètres tombe au milieu des points des sursauts uniques, et pas dans le nuage de points des sursauts répétitifs, alors que l'on sait que c'est un FRB répétitif !
FRB 20201124A est si énergétique que son emplacement sur le nuage de points le fait ressembler à s'y méprendre à un FRB unique. Les chercheurs japonais savaient qu'ils observaient un FRB répétitif, mais imaginons que CHIME n'ait jamais détecté ce FRB et que la détection de Sota Ikebe et ses collaborateurs ait été la première sur cette source sans que l'on sache s'il allait se répéter ou non... Le fait qu'il n'aurait été vu qu'un seul sursaut, et qu'il était beaucoup plus lumineux qu'un FRB répétitif typique, aurait amené à la conclusion que ce FRB ne se répéterait jamais, et les études futures pourraient ne pas avoir donné de priorité aux observations futures de ce FRB... Selon les chercheurs japonais, cette découverte ouvre donc la porte à la possibilité qu'en fait un bon nombre des FRB à sursaut unique seraient en réalité des FRB répétitifs mais qui n'auraient malheureusement encore jamais été redétectés.
Il se trouve que de précédentes analyses de population de FRB ont montré que le taux d'occurrence estimé des FRB uniques dépasse le taux d'occurrence des événements cataclysmiques qui pourraient les créer, ce qui renforce l'idée qu'au moins certains d'entre eux (si ce n'est tous) pourraient être des répéteurs non détectés comme tels. La détection de ce nouveau sursaut de FRB 20201124A est ainsi une motivation forte pour revenir sur les FRB que l'on pensait uniques, pour tenter de voir si on n'en aurait vu que la pointe d'un vaste iceberg.
Source
Detection of a bright burst from the repeating FRB 20201124A at 2 GHz
Sota IKEBE et al.
Accepté pour publication dans Publications of the Astronomical Society of Japan
Illustrations
1. Plot de la durée des sursaut en fonction de leur densité d'énergie révélant deux populations (ou pas) (IKEBE et al.)
2. Le sursaut détecté le 18 février 2022 à haute fréquence (corrigé de la dispersion) (IKEBE et al.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci !