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lundi 27 mars 2023

La température de la planète TRAPPIST-1 b mesurée par Webb


Une équipe internationale de chercheurs a utilisé le télescope spatial Webb pour mesurer la température de l'exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 b grâce à l'instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) via son émisssion thermique. Les données indiquent que la planète est trop chaude pour posséder une atmosphère. L'étude est publiée dans Nature.

Cette détection effectuée par Thomas Greene (Ames Research Center de la NASA) et ses collaborateurs, dont des physiciens français du CEA est la première détection de toute forme de lumière émise par une exoplanète aussi petite et aussi froide que les planètes rocheuses de notre propre système solaire. Ce résultat marque une étape importante pour déterminer si les planètes en orbite autour de petites étoiles actives comme TRAPPIST-1 peuvent maintenir les atmosphères nécessaires à la vie. Cela augure également bien de la capacité de Webb à caractériser des exoplanètes tempérées de la taille de la Terre à l'aide de MIRI. Aucun télescope précédent n'avait la sensibilité nécessaire pour mesurer une lumière infrarouge moyenne aussi faible.
L'équipe a utilisé une technique appelée photométrie d'éclipse secondaire , dans laquelle MIRI a mesuré le changement de luminosité du système lorsque la planète se déplaçait derrière l'étoile. Bien que TRAPPIST-1 b ne soit pas assez chaude pour émettre sa propre lumière visible, elle émet une lueur infrarouge. En soustrayant la luminosité de l'étoile seule (mesurée pendant l'éclipse secondaire) de la luminosité de l'étoile et de la planète combinées (hors éclipse), les chercheurs ont pu calculer la quantité de lumière infrarouge émise par la planète seule.
La diminution de la luminosité lors de l'éclipse secondaire est inférieure à 0,1 %. MIRI a pu détecter des changements aussi petits que 0,027 %. L'équipe a analysé les données de cinq observations d'éclipses secondaires distinctes.

Ils ont alors pu comparer la température de la face diurne de TRAPPIST-1 b telle que mesurée avec Webb avec celle déduite de modèles de ce que serait la température dans diverses conditions. Les modèles tiennent compte des propriétés connues du système, notamment la température de l'étoile et la distance orbitale de la planète. La luminosité côté jour de TRAPPIST-1 b à la longueur d'onde de 15 microns correspond à une température de 503 ±27 K. Cette valeur est cohérente avec le modèle on l'on suppose que la planète est verrouillée par les effets de marées (le même côté faisant face à l'étoile à tout moment), et avec une surface de couleur sombre, pas d'atmosphère, et pas de redistribution de la chaleur du côté jour vers le côté nuit. Si l'énergie thermique de l'étoile était répartie uniformément autour de la planète (par exemple, par une atmosphère sans dioxyde de carbone en circulation), la température à 15 microns serait de 400 K. Et Greene et ses collaborateurs montrent que si il existait une atmosphère contenant une quantité substantielle de dioxyde de carbone, elle émettrait encore moins de lumière à 15 microns et semblerait encore plus froide. Bien que TRAPPIST-1 b soit donc plutôt chaude, elle est tout de même plus froide que le côté jour de Mercure, qui elle aussi est composée de roche nue sans aucune atmosphère significative. Pour comparaison, Mercure reçoit environ 1,6 fois plus d'énergie du Soleil que TRAPPIST-1 b de son étoile.
On rappelle que le système de TRAPPPIST-1 a été découvert en 2017 et est composé de 7 planètes rocheuses, l'étoile étant une naine rouge froide située à 40 années-lumière. Ces 7 planètes sont très similaires en taille et en masse avec les planètes rocheuses internes de notre système solaire. Et elles orbitent toutes à une distance inférieure à la distance Soleil-Mercure... 
TRAPPIST-1 b est la planète la plus interne, a une distance orbitale d'environ 0,01 UA et reçoit quatre fois la quantité d'énergie que la Terre reçoit du Soleil. Bien qu'elle ne se trouve pas dans la zone habitable du système, les observations de cette planète peuvent fournir des informations importantes sur ses planètes sœurs, ainsi que sur celles d'autres systèmes autour d'étoiles naines, qui ont une probabilité deux fois plus grande d'accueillir des planètes rocheuses que des étoiles du type Soleil. 
Le système de TRAPPIST-1 est un superbe laboratoire pour étudier les éventuelles atmosphères de planètes rocheuses. Les observations précédentes de TRAPPIST-1 b avec les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer n'avaient trouvé aucune preuve d'une atmosphère diffuse, mais n'avaient pas été en mesure d'exclure totalement une atmosphère dense. C'est désormais chose faite via la mesure de la température, et c'est la première fois que nous pouvons détecter l'émission d'une planète rocheuse et tempérée, une étape importante dans l'histoire de la découverte des exoplanètes.
Maintenant, Greene et ses collaborateurs souhaitent effectuer (toujours avec Webb) des observations de la courbe temporelle de l'émission thermique sur une majeure partie de l'orbite de la planète (qui a une période orbitale de 36 heures), de manière à  mesurer le contraste qui existe entre ses côtés jour et nuit. Cela permettrait de mesurer plus directement le transfert de chaleur et de déterminer s'il existe une atmosphère ténue, comme cela a été fait avec le télescope spatial Spitzer sur la planète rocheuse LHS 3844 b, beaucoup plus chaude. D'autres observations d'éclipses secondaires ou de courbes de phase thermiques sur d'autres planètes similaires, y compris d'autres planètes du système TRAPPIST-1 pourraient également révéler les propriétés systémiques des planètes entourant des étoiles naines de type M et en quoi elles diffèrent de celles de notre  système solaire et de son étoile de type G.

Source

Thermal Emission from the Earth-sized Exoplanet TRAPPIST-1 b using JWST
Thomas Greene et al.
Nature (27 march 2023)


Illustration

Schéma de la méthode de mesure de l'éclipse secondaire utilisée (NASA)

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