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07/06/23

Découverte d'une étoile produite dans un résidu de supernova par instabilité de paires


Une équipe d’astrophysiciens chinois vient de découvrir une étoile dont la composition très particulière indique qu’elle a été formée à partir des résidus d’une supernova par instabilité de paires, l’explosion d’une étoile de première génération très massive, de plus de 140 masses solaires … Ils publient leur étude dans Nature.

Sur la base de simulations numériques, on a longtemps supposé que la masse des étoiles de première génération pouvait atteindre plusieurs centaines de masses solaires. Ces étoiles très massives de la première génération, d'une masse comprise entre 140 et 260 masses solaires, devraient enrichir le milieu interstellaire primitif par le biais de supernovas d’un type particulier qu’on appelle des supernovas par instabilité par paires. Mais des décennies d'observations n'ont pas permis d'identifier de manière unique les empreintes de ces étoiles très massives sur les étoiles les plus pauvres en métaux de la Voie lactée, les étoiles de deuxième génération qui venaient juste après.
Pour rappel, une supernova par instabilité de paires apparaît lorsqu'une étoile est tellement massive que que lors du début de sa contraction, sa température devient vite très élevée et produit un rayonnement qui dépasse l'énergie de 1,022 MeV. Lorsque des photons atteignent l'énergie de 1,022 MeV, qui est égale au double de la masse de l'électron, ils peuvent se matérialiser en produisant un couple électron/positron et disparaissent. La disparition des photons de plus de 1,022 MeV entraîne une chute brutale de la pression de radiation créée par les photons dans le cœur de l'étoile, ce qui entraîne que la gravitation gagne encore plus sur la pression, et très vite. Un effondrement exponentiel apparaît, la contraction faisant s'échauffer encore d'avantage le cœur, qui produit alors toujours plus de paires électrons-positrons accélérant le processus de façon exponentielle qui finit par l'effondrement gravitationnel, suivi d'un rebond qui disloque toute l'enveloppe restante sans laisser d'astre compact derrière lui (à l'image des supernovas de type Ia). 
Qian-Fan Xing (observatoires astronomiques nationaux chinois) et ses collaborateurs ont étudié de près une étoile du halo de notre galaxie très pauvre en métaux, qui s’appelle LAMOST J1010+2358, et ils trouvent des signes évidents qu’elle s’est formée à partir de la matière d’une supernova par instabilité de paires. Sa composition chimique montre des abondances de sodium et de cobalt extrêmement faibles. Le sodium par rapport au fer dans cette étoile est 100 fois moins abondant que dans le Soleil. Plus de 400 étoiles très pauvres en métaux ont été identifiées grâce à l'étude LAMOST et à des observations de suivi avec des spectres à haute résolution, mais aucune de ces étoiles ne présente des abondances d'éléments α aussi faibles que J1010+2358. Les rapports remarquablement bas entre les éléments α et le fer, ainsi que l'absence inhabituelle de sodium et de baryum, sont des signes d’une histoire d'enrichissement chimique complètement différente de celle de la plupart des étoiles du halo. Cette étoile a des rapports [X/Fe] inférieurs aux valeur solaires pour de nombreux éléments : Na, Mg, Ca, Ti, Cr, Mn, Co, Ni et Zn. Alors que son rapport Na/Fe ([Na/Fe] < -2,02) est inférieur à 1/100e de la valeur solaire, presque toutes les autres étoiles pauvres en métaux présentent des rapports Na/Fe ([Na/Fe] > -1) supérieurs à 1/10e de la valeur solaire. En outre, le rapport Mg/Fe de J1010+2358 ([Mg/Fe] = -0,66) est nettement inférieur au rapport d'abondance typique des étoiles du halo galactique ayant des métallicités similaires. L'abondance du Co dans cette étoile est aussi inhabituellement faible pour sa métallicité. 
Les chercheurs chinois montrent aussi que cette étoile présente une très grande différence d'abondance entre les éléments à nombre de charges pair et impair, comme par exemple le sodium par rapport au magnésium et le cobalt par rapport au nickel. Xing et ses collaborateurs notent également quelque chose de remarquable dans les spectres de cette étoile : l'absence de raies d'absorption d'éléments issus de captures de neutrons tels que Sr et Ba. Les limites supérieures des abondances en Sr et Ba qui sont obtenues sont inférieures à celles attendues pour une étoile très pauvre en métaux. Cela indique qu'il n'y a pas de preuve d'enrichissement en éléments de capture rapide ou lente des neutrons qui sont généralement observés dans les supernovas à effondrement de coeur. Selon les chercheurs, cette différence pair-impair particulière, ainsi que les déficiences en sodium et plus généralement en éléments α comme le magnésium, ainsi que le déficit en Sr et Ba, sont tous cohérents avec une origine de J1010+2358 dans la matière d’une supernova à instabilité de paires, elle-même issue d’une étoile plus massives que 140 masses solaires.
J1010+2358 est donc la preuve indirecte de l’existence d’étoiles très massives dans la première génération d’étoiles, avec une masse de plus de 140 masses solaires, et qui ont explosé très vite en supernova par instabilité de paires. La métallicité de J1010+2358 ([Fe/H] = -2,42) montre que les étoiles de seconde génération formées dans la matière enrichie par les supernovas des premières étoiles massives sans métal n'ont pas forcément besoin d'être extrêmement pauvres en métaux ([Fe/H] < -3) comme on le pensait auparavant. Les étoiles pauvres en métaux de population II sont essentiellement formées dans le gaz vierge pollué par un très petit nombre de supernovas à effondrement de cœur provenant d'étoiles de Population III de masse inférieure à 100 M⊙.
Etant donné que ces étoiles de Population III de moins de 100 M⊙ vivent plus longtemps que les étoiles progénitrices des supernovas à instabilité de paires (140-260 M⊙), les étoiles de seconde génération avec des métallicités relativement élevées comme J1010+2358, devraient s’être formées dans des nuages dominés par des résidus de supernovas à instabilité de paires, avant la naissance des étoiles de même génération mais ayant des empreintes de supernovas plus classiques à effondrement coeur.

Les abondances particulières de J1010+2358 fournissent des caractéristiques clés pour identifier la signature de supernovas à instabilité de paires. Des études détaillées des étoiles très pauvres en métaux déjà enregistrées dans les grandes bases de données devraient permettre la découverte d'autres étoiles ayant des traces de supernovas à instabilité de paires, ce qui pourra conduire à une meilleure connaissance de la fonction de masse initiale des étoiles dans les premières centaines de millions d’années de l’Univers. 


Source

 A metal-poor star with abundances from a pair-instability supernova 
 Qian-Fan Xing et al. 
 Nature (7 june 2023) 

Illustration 

Schéma du processus d'instabilité de paires dans une étoile très massive (NASA/CXC/M. Weiss)

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