Des chercheurs italiens viennent de mettre en évidence l'existence d'un vaste halo émetteur de rayons gamma de très haute énergie autour d'un des pulsars les plus proches de nous. Ces observations pourraient élucider le vieux mystère de l'excès de positrons observé dans notre voisinage. Leur étude est parue dans Physical Review D.
Mattia Di Mauro (Goddard Space Flight Center) et ses collaborateurs italiens ont exploité près de 8 ans de données enregistrées par le télescope spatial Fermi-LAT dans la région du pulsar Geminga. Geminga est l'un des pulsars les plus brillants du ciel en rayons gamma. Il est situé à 800 années-lumière (dans la constellation des Gémeaux) et tourne sur lui-même 4,2 fois par seconde.
Un pulsar est naturellement entouré d'un nuage d'électrons et de positrons qui est produit par l'intense champ magnétique de l'étoile à neutron qui arrache les particules chargées. Celles-ci peuvent ensuite s'échapper de l'étoile à neutrons en formant ce qu'on appelle un vent de pulsar. Les positrons et les électrons énergétiques galactiques (qui viennent d'au delà du système solaire) forment une grande partie du rayonnement cosmique qui impacte la Terre. Or depuis 10 ans, le détecteur de particules AMS-02 installé sur l'ISS, ainsi que d'autres expériences, détectent un excès de positrons de haute énergie encore très mal expliqué. Les pulsars proches comme Geminga et Monogem avaient été suspectés, mais sans obtenir de preuves définitives, la direction des particules chargées étant extrêmement difficile à retracer précisément car étant constamment défléchies par les champs magnétiques rencontrés au cours de leur trajet.
En 2017, les physiciens de la collaboration HAWC exploitant le multidétecteur éponyme avaient déjà entraperçu ce qui ressemblait à un halo d'émission gamma s'étendant sur 2° autour de Geminga. Or de tels photons gamma de très haute énergie (entre 5 et 40 TeV) peuvent être les produits secondaires d'interactions des électrons et des positrons de la nébuleuse du vent de pulsar. On appelle ce processus de production la diffusion Compton inverse : un électron (ou un antiélectron, ou positron) interagit avec un photon de lumière visible en diffusant sur lui (collision élastique) en lui transmettant une grande partie de son énergie cinétique. Le photon de lumière acquiert alors une grande quantité d'énergie et devient un photon gamma. Mais, d'après la taille du halo gamma qu'ils avaient mesurée, les chercheurs de la collaboration HAWC avaient conclu que les positrons entourant Geminga ne pouvaient quasiment pas atteindre la Terre, l'excès de positrons détecté par AMS-02 devait donc venir d'une source plus exotique. Mais Mattia Di Mauro et ses collaborateurs ont poursuivi les investigations autour de Geminga. Ils ont exploité les données de Fermi-LAT enregistrées depuis 2010 sur des photons gamma de plus faible énergie que ceux détectés par HAWC. Après avoir soustrait toutes les sources gamma diffuses parasites issues de collisions de rayons cosmiques divers et variés provenant du milieu interstellaire dasn cette zone très peuplée proche du plan galactique, les chercheurs obtiennent une image étonnante : il y a bien un halo gamma autour de Geminga, et il est énorme. Et sa taille dépend directement de l'énergie des photons : plus l'énergie des photons gamma est faible, plus la zone est étendue. A 10 GeV, le halo s'étend sur 20° dans le ciel ! (aussi vaste que la constellation de la Grande Ourse). La zone de production de photons gamma s'étendrait ainsi jusqu'à 300 années-lumière du pulsar (qui se trouve, on le rappelle, à 800 années-lumière de nous).
Le halo gamma qui est observé n'est pas sphérique mais de forme un peu oblongue. Di Mauro et ses collaborateurs expliquent sa forme, différente selon l'énergie, par le fait que le pulsar possède une vitesse non négligeable qui le fait se déplacer dans le ciel durant les 10 ans d'observation et surtout par le fait que les électrons et positrons de plus basse énergie parcourent une distance plus grande avant d'interagir avec les photons de lumière ambiante. Le halo gamma de "basse énergie" apparaît donc plus vaste que le halo de "haute énergie".
Les chercheurs calculent que pour expliquer le flux gamma via le processus de diffusion Compton inverse induit par des électrons et des positrons, il faut que 1% de l'énergie de ralentissement du pulsar soit transférée aux particules.
Les physiciens italiens précisent que les données de Fermi-LAT sont compatibles avec les observations précédentes de HAWC : Geminga peut être responsable de 20% (au maximum) des positrons de haute énergie qui sont vus par AMS-02. Mais en extrapolant cette valeur à toute la population des pulsars de notre galaxie, on en arrive à dire, après cumul, que tout l'excès de positrons de AMS-02 peut être expliqué par l'ensemble de ces pulsars...
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Source
Detection of a γ-ray halo around Geminga with the Fermi-LAT data and implications for the positron flux
Mattia Di Mauro, Silvia Manconi, and Fiorenza Donato
Physical Review D 100 (17 December 2019)
Illustrations
1) Le ciel gamma imagé par Fermi-LAT indiquant les pulsars émetteurs gamma; le pulsar Geminga se trouve tout à droite non loin du pulsar du Crabe (NASA/DOE/Fermi LAT Collaboration)
2) Modèle du halo gamma entourant le pulsar Geminga, en fonction de l'énergie des photons gamma (NASA’s Goddard Space Flight Center/M. Di Mauro)
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