La grande majorité des étoiles massives se font éjecter de l'amas où elles sont nées. Deux études différentes arrivent à la même conclusion en étudiant des étoiles massives isolées situées dans le Petit Nuage de Magellan. Et on sait aussi comment ça se passe (là-haut). Deux études publiées dans The Astrophysical Journal.
Les étoiles massives qui se trouvent isolées, hors d'amas d'étoiles, sont appelées des "étoiles de champ". John Dorigo Jones (Université du Michigan) et ses collaborateurs ont étudié les étoiles de champ massives qui existent dans le Petit Nuage de Magellan, l'une des deux plus grosses galaxies satellites de notre Voie Lactée, dans le but de comprendre comment elles se retrouvent ainsi isolées et indirectement comment elles se sont formées. La formation des amas d'étoiles est aussi important à comprendre pour saisir comment évoluent les galaxies naines comme le Petit Nuage de Magellan.
C'est environ 25% des étoiles massives qui sont isolées. Ce que montrent les astrophysiciens dans leur étude, c'est que ces étoiles massives isolées ont en fait été éjectées comme des malpropres par leur amas de naissance. Dorigo Jones et son équipe examinent comment ces étoiles massives peuvent être éjectées de leur amas. Il existe deux mécanismes possibles. Le premier est une éjection dynamique, produite par des interactions gravitationnelles entre étoiles, et la seconde est une éjection plus violente, associée à une explosion de supernova dans un système binaire, l'étoile étant éjectée lors de l'explosion de sa compagne.
Les chercheurs exploitent 304 étoiles de champ de type OB (des étoiles massives de plus de 8 masses solaires) recensées dans le relevé Runaways and Isolated O-Type Star Spectroscopic Survey of the SMC (RIOTS4). A partir de la connaissance de la masse et de la vitesse des étoiles de champ qu'ils observent, les astrophysiciens peuvent comparer la distribution de ces paramètres avec ce que prédisent les modèles théoriques et ils peuvent donc faire le tri. La vitesse des étoiles mesurée est en moyenne d'environ 40 km/s, avec la plus rapide atteignant 250 km/s...
Le résultat est sans appel : les éjections dynamiques sont entre 2 et 3 fois plus nombreuses que les éjections par supernovas. Mais les chercheurs montrent qu'il existe aussi une importante sous-population, étonnante, qui semble montrer une combinaison des deux mécanismes. Ces étoiles éjectées en deux temps sont pour la première fois caractérisées par l'observation. Cette sous population d'étoiles doublement accélérées a été trouvée parmi les étoiles issues d'éjection par supernova, mais elles étaient un peu trop nombreuses et surtout trop véloces vis à vis des prédictions des modèles. Les astrophysiciens pensent donc qu'elles auraient été tout d'abord éjectées (en couple!) par interactions dynamiques puis aurait subi ensuite un kick de supernova (une accélération lors de l'explosion de la compagne). C'est la moitié des étoiles massives éjectées par kick de supernova qui auraient subi auparavant une éjection dynamique dans leur amas selon Dorigo Jones et ses collaborateurs.
Irene Vargas-Salazar (Université du Michigan) et son équipe, eux, parviennent à la conclusion similaire que la majorité des étoiles de champ massives sont des étoiles fugitives. Ils se sont également focalisés sur le Petit Nuage de Magellan, et avec le même relevé d'étoiles mais cette fois en recherchant la présence de petits amas d'étoiles autour de 210 étoiles de champ massives. Le principe est relativement simple puisqu'il s'agit de compter les étoiles présentes en fonction de leur distance relative à l'étoile massive observée.
L'algorithme qu'ils ont développé mesure la densité d'étoiles entre l'étoile cible et ses 20 plus proches compagnes. Un amas est repéré par la densité en étoiles plus importante qu'une référence connue par ailleurs. Et le résultat est à nouveau sans appel : Irene Vargas-Salazar et ses collègues montrent que seulement 5% des étoiles massives se trouvent encore au sein d'un amas. Cela signifie simplement que la très grande majorité des étoiles massives qui sont aujourd'hui isolées ne proviennent pas de là où elles se trouvent aujourd'hui. Elles ont bien été éjectées de leur amas d'origine. Ce résultat vient confirmer l'analyse de Dorigo Jones et ses collaborateurs, qui eux offrent en plus une information importante sur l'origine de ces éjections.
Sources
A Search for In-Situ Field OB Star Formation in the Small Magellanic Cloud
Irene Vargas-Salazar at al.
The Astrophysical Journal, Volume 903, Number 1
Runaway OB Stars in the Small Magellanic Cloud: Dynamical versus Supernova Ejections
John Dorigo Jones et al.
The Astrophysical Journal, Volume 903, Number 1 (30 october 2020)
Illustration
L'amas d'étoiles Westerlund 1 (ESA/NASA)
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