Une équipe de chercheurs de l'université de Christchurch en Nouvelle-Zélande vient de publier un article dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters, dans lequel ils montrent grâce à des observations de supernovas, que l'accélération de l'expansion cosmique que l'on en déduit n'est pas uniforme et isotrope, de quoi tout remettre en question...
Astronomie, Astrophysique, Astroparticules, Cosmologie. L'infini se contemple, indéfiniment. ISSN 2272-5768
Pages
31/12/24
Energie noire : la grande illusion ?
Une équipe de chercheurs de l'université de Christchurch en Nouvelle-Zélande vient de publier un article dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters, dans lequel ils montrent grâce à des observations de supernovas, que l'accélération de l'expansion cosmique que l'on en déduit n'est pas uniforme et isotrope, de quoi tout remettre en question...
21/12/24
Nouvelles mesures de la masse étendue entourant Sgr A*
L’étude du mouvement orbital des étoiles autour de Sagittarius A* au centre de la Galaxie offre une opportunité unique de sonder le potentiel gravitationnel à proximité du trou noir supermassif au cœur de notre Galaxie. Les données interférométriques obtenues avec l’instrument GRAVITY du Very Large Telescope Interferometer (VLTI) depuis 2016 ont permis d’atteindre une précision sans précédent dans le suivi des orbites de ces étoiles. Les données de GRAVITY ont notamment été essentielles pour détecter la précession de Schwarzschild prograde dans le plan de l’orbite de l’étoile S2, qui était prédite par la relativité générale. En combinant les données astrométriques et spectroscopiques de plusieurs étoiles, dont S2, S29, S38 et S55, pour lesquelles on dispose de données sur leur temps de passage au péricentre avec GRAVITY, on peut désormais renforcer la signification statistique de cette détection à un niveau de confiance d’environ 10σ.
14/12/24
Absence d'océan de magma peu profond sur Io
Io est la lune galiléenne la plus proche de Jupiter, exécutant une orbite autour de la planète géante toutes les 42h30. Son diamètre est de 3 643 km et sa densité de 3 528 kg/m³, ce qui la rend environ 5 % plus grande en diamètre et en densité que la Lune. En raison de l'orbite excentrique de Io, sa distance par rapport à Jupiter varie d'environ 3 500 km, ce qui entraîne des variations très importantes de l'attraction gravitationnelle de Jupiter. À l'instar des marées sur la Lune provoquées par la Terre, ces variations gravitationnelles, ces effets de marée, entraînent des déformations sur Io, qui seraient la principale source d'énergie de l'intense activité volcanique et des émissions infrarouges qui sont observées à sa surface. La quantité d'énergie dissipée à l'intérieur de Io est immense, avec une puissance totale de l'ordre de 100 TW...
Depuis des décennies, on suppose que ce réchauffement extrême dû aux marées pourrait être suffisant pour faire fondre une fraction substantielle de l'intérieur d'Io, formant vraisemblablement un océan de magma souterrain global. On pense d'ailleurs que de nombreux mondes ont possédé des océans de magma au début de leur évolution - notamment la Lune primitive, dont on pense qu'elle a eu un océan de magma peu profond au cours des 100 premiers millénaires, causé par l'impact géant qui lui a donné naissance. Le volcanisme extrême d'Io suggère fortement l'existence d'un intérieur au moins partiellement en fusion.
La question de savoir si l'intérieur de Io contient ou non un océan de magma global peu profond est restée en suspens depuis la découverte du volcanisme de Io. Il existe en fait deux modèles pour l'intérieur de Io : un intérieur partiellement fondu mais principalement solide, ou bien un intérieur avec un océan magmatique global. Un noyau métallique avait également été indiqué par des mesures gravitationnelles il y a quelques années, et serait dans ce cas probablement liquide. L'existence d'un océan magmatique global a été prédite grâce à deux types d'analyse. La première repose sur des mesures d'induction magnétique de la mission Galileo qui ont suggéré l'existence d'un océan de magma à l'intérieur d'Io, avec l'hypothèse d'une couche superficielle proche d'environ 50 km d'épaisseur avec plus de 20% de matière fondue - bien que les résultats aient fait l'objet d'un débat substantiel. Et puis plus récemment, la cartographie globale des volcans de Io par Juno a été utilisée pour montrer que la distribution du flux de chaleur volcanique est cohérente avec la présence d'un océan magmatique global.
Pour tenter de trancher la question, Ryan Park (Jet Propulsion Laboratory, NASA) et ses collaborateurs qui exploitent la sonde Juno, ont décidé d'utiliser une nouvelle méthode, fondée sur la mesure de la réponse de Io aux effets de marée, donc sa déformabilité. Il s'agit d'un diagnostic clé pour distinguer si Io a un océan magmatique global ou un océan magmatique peu profond.
Si Io a un océan de magma, la réponse de marée doit être grande (et inversement elle doit être petite si il ne possède pas d'océan de magma). La réponse de marée de Io peut être quantifiée par un nombre complexe qu'on appelle le nombre de Love gravitationnel k2=Re(k2)+i.Im(k2). La composante réelle Re(k2) caractérise la réponse en phase, qui est définie comme le rapport entre le potentiel gravitationnel imposé par Jupiter et le potentiel induit par la déformation de Io. La partie imaginaire de la réponse de marée Im(k2) est souvent définie comme -|k2|/Q, où Q est le facteur de qualité de la dissipation, et est une mesure de la quantité de chaleur que Io devrait générer. Des études antérieures ont utilisé des mesures astrométriques pour déterminer |k2|/Q, mais n'ont pas pu déterminer Re(k2) indépendamment.
La méthode de Park et ses collaborateurs repose sur la mesure très précise du mouvement de la sonde Juno (qui explore le système jovien depuis la mi-2016) lors de ses survols rapprochés de Io. Ce faisant, on peut déterminer le champ de gravité d'un corps perturbateur. En juin 2024, Juno avait effectué un total de 62 orbites autour de Jupiter, et les données acquises au cours de cette période ont été utilisées pour améliorer la compréhension de l'environnement dynamique de Jupiter, en particulier les orbites des satellites galiléens ainsi que le champ de gravité et l'orientation de Jupiter. Les deux survols de Io sont dénommés I57 et I58, et ont eu lieu respectivement le 30 décembre 2023 et le 3 février 2024. I57 a notamment fourni une occasion unique d'acquérir les données de gravité pour l'hémisphère nord d'Io. Les deux survols ont eu lieu à des altitudes d'environ 1500 km et ont fourni des données Doppler de proximité, avec une précision 10 fois plus grande que celle des données Doppler qu'avait obtenue la sonde Galileo. Park et ses collaborateurs ont combiné les données de Juno avec les données précédemment acquises de Galileo, ainsi que les observations astrométriques. Ils ont ainsi pu déterminer Re(k2) = 0,125 ± 0,047 et Q = 11,4 ± 3,6, ce qui donne |k2|/Q = -Im(k2) =0,0109 ± 0,0054.
Sans océan magmatique, Re(k2) peut être aussi petit qu'environ 0,1; avec un océan magmatique, Re(k2) n'est jamais inférieur à 0,8 lorsque la hauteur de la couche liquide h=50 km parce que l'effet de découplage de la couche liquide conduit à une plus grande réponse de la marée. Ces résultats fournissent donc des preuves solides démontrant qu'il n'existe pas d'océan magmatique souterrain global peu profond capable d'être la source de l'activité volcanique de Io. Un manteau supérieur viscoélastique plus épais recouvrant l'océan magmatique réduira la déformation de la surface. Les chercheurs montrent qu'un manteau supérieur de 250 km d'épaisseur réduit Re(k2), mais pas suffisamment pour satisfaire les mesures de Juno. Cependant, un manteau supérieur d'une épaisseur d'environ 500 km peut reproduire à la fois les valeurs de Re(k2) et |k2|/Q mesurés. Dans le cas d'un océan magmatique sous un manteau viscoélastique, le résultat montre que l'épaisseur du manteau doit dans tous les cas être supérieure à 318 km.
Les résultats de Juno n'excluent donc pas la possibilité d'un océan magmatique profond existant à une profondeur supérieure à 318 km, mais un océan magmatique profond ne pourrait pas être la source de l'activité volcanique d'Io. Les chercheurs notent qu'un océan magmatique très mince (< 2 km) et peu profond pourrait aussi produire une petite valeur de Re(k2) compatible avec les observations, mais Park et ses collaborateurs rappellent que la topographie de surface de Io a des amplitudes d'environ 1 km et que les variations isostatiques devraient résulter en une topographie basale d'au moins quelques kilomètres, dépendant du contraste de densité. Dans ce cas, pour un océan magmatique très fin, l'océan magmatique ne serait plus global. Ils en concluent qu'un océan magmatique global et peu profond est exclu par les résultats de Juno.
Comme on s'attend à ce qu'un océan magmatique global profond découple mécaniquement la croûte, Park et ses collaborateurs ont aussi étudié la possibilité de mesurer les librations diurnes de la surface pour fournir des contraintes supplémentaires. Leur analyse montre que les distributions de probabilité a posteriori des amplitudes de libration pour les cas avec et sans océan magmatique se chevauchent de manière significative. Pour un scénario sans océan magmatique, l'amplitude de libration varie de 250 à 268 m. Pour le scénario avec océan magmatique, l'amplitude de libration pourrait être plus importante, allant de 261 à 317 m.
Les résultats de Park et ses collaborateurs indiquent donc qu'il n'existe pas d'océan magmatique global peu profond sur Io. Sur Terre, les matières fondues profondes peuvent être plus denses que le manteau environnant et restent donc séquestrées dans un océan de magma basal. Sur Io, en revanche, les pressions sont beaucoup plus faibles, de sorte que l'on s'attend à ce que la fonte du manteau soit toujours moins dense que le manteau solide qui l'entoure. Le magma aura donc tendance à remonter, rendant le maintien d'un océan magmatique profond dynamiquement problématique. Inversement, si les masses fondues sont denses (par exemple, si elles sont suffisamment riches en fer), avec un océan magmatique profond, il serait difficile d'expliquer comment une telle masse fondue pourrait remonter et entrer en éruption.
Ces considérations font dire à Park et son équipe que le volcanisme qui est observé à la surface d'Io ne proviendrait pas d'un océan magmatique global. Bien qu'on ne puisse pas exclure totalement l'existence d'un manteau hétérogène dans lequel se trouvent à la fois des matières fondues denses et profondes et des magmas éruptifs flottants, aucune observation actuelle ne confirme l'existence d'une couche de matière fondue profonde.
Comment la Lune primitive a-t-elle pu conserver un océan de magma peu profond pendant une période relativement longue, alors que Io, qui est continuellement chauffé par les marées, ne le fait pas ? Selon Park et ses collaborateurs, il il y a deux possibilités : premièrement l'absence relative de volatiles sur la Lune pour alimenter les éruptions, et deuxièmement la présence d'une croûte anorthositique de faible densité, qui empêche la migration de la matière en fusion vers le haut et l'éruption. L'océan magmatique de la Lune a été formé par un impact géant; mais en l'absence d'un tel événement catastrophique, le chauffage par les marées seul semble insuffisant pour permettre à un tel océan de magma de se développer sur Io.
Il est important de comprendre le chauffage par les marées en tant que cause principale des océans dans notre système solaire, tels que ceux sur Europe et Encelade, et potentiellement au delà. Bien que les planétologues supposent généralement qu'un chauffage intense dû aux marées peut conduire à des océans de magma, l'exemple d'Io montre que ce n'est pas nécessairement le cas. Les arguments qui impliquent que Vesta ou d'autres astéroïdes très précocement créés ont formé des océans de magma à partir du chauffage par désintégration radioactive de l' 26Al doivent également être réexaminés selon les chercheurs. La migration rapide de la matière fondue et l'éruption peuvent entraver le développement des océans de magma, à moins qu'il n'existe une barrière au mouvement ascendant. De telles barrières existaient probablement sur la Lune primitive, ainsi que sur les satellites glacés, où la masse fondue (l'eau) est plus dense que la croûte (la glace) et où les océans sont fréquents.Pour résumer les résultats de cette étude : ni le volcanisme silicaté superficiel intense observé sur Io, ni son chauffage extrême par les marées de Jupiter n'impliquent un océan magmatique peu profond sur Io comme on pouvait s'y attendre. Le 24 novembre 2024, la sonde Juno a effectué son 66ème survol des sommets nuageux de Jupiter. Sa prochaine approche de la géante gazeuse aura lieu le 27 décembre, la sonde s'approchera alors à environ 3 500 kilomètres au-dessus des nuages de Jupiter et aura parcouru 1,039 milliard de kilomètres depuis son entrée dans l'orbite de la géante gazeuse en 2016.
Quant à Io, les profondeurs du corps le plus volcanique du système solaire continueront à n'en pas douter à être sondées à partir d'autres mesures, telles que l'obliquité, la précession, la nutation, et le champ de gravité à haute résolution.
Source
Io’s tidal response precludes a shallow magma ocean
R. S. Park, et al.
Nature (12 december 2024)
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08442-5
Illustrations
1. Io imagé par Juno (NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS Image processing by Gerald Eichstädt)
2. Vue d'artiste de l'intérieur de IO sans océan magmatique (Sofia Shen / NASA / JPL / Caltech)
3. Ryan Park
08/12/24
Un pas de plus vers la compréhension de la formation des galaxies
Une équipe internationale d'astrophysiciens a découvert des preuves montrant que les anciennes galaxies elliptiques de l'univers peuvent se former à partir d'une intense formation d'étoiles au sein des premiers noyaux de galaxies. Cette découverte publiée dans Nature approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies ont évolué depuis l'Univers primitif.
Les galaxies de l'Univers actuel sont de morphologies diverses et peuvent être grossièrement divisées en deux catégories : les galaxies spirales jeunes, en forme de disque, comme la Voie Lactée, qui forment encore de nouvelles étoiles, et les galaxies elliptiques plus anciennes, dominées par un renflement central, et qui ne forment plus d'étoiles et qui manquent généralement de gaz.
La plupart des étoiles de l'Univers actuel résident dans ce qu'on appelle des sphéroïdes, qui sont des renflements de galaxies spirales et de galaxies elliptiques. Leur formation est toujours un problème non résolu aujourd'hui. Les astrophysiciens ont longtemps soupçonné que les galaxies brillantes en infrarouge et ondes radio submillimétriques, à décalage vers le rouge élevé, étaient liées à la formation de sphéroïdes. Mais la preuve de ce lien a été jusqu'à présent entravée par un important obscurcissement par la poussière ou par des méthodologies limitées.
Qing-Hua Tan (Observatoire de la Montagne Pourpre, académie des sciences chinoise) et ses collaborateurs (dont les français Fréderic Bournaud, David Elbaz et Jérôme Pety) ont avancés vers cette preuve en découvrant des sites de naissance de galaxies elliptiques géantes par l'analyse des données du réseau ALMA sur plus de 100 galaxies brillantes dans le domaine submillimétrique avec des décalages vers le rouge les situant à l'ère du « midi cosmique », lorsque l'univers avait entre 1,6 et 5,9 milliards d'années, et que de nombreuses galaxies formaient activement des étoiles. Cette étude fournit la première preuve observationnelle solide que des sphéroïdes peuvent se former directement par formation intense d'étoiles au sein des noyaux de galaxies à flambée d'étoiles de l'Univers primitif.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé une analyse statistique de la distribution de la luminosité de surface induite par les émissions de poussière, combinée à une nouvelle technique d'analyse. Ils ont découvert que les émissions submillimétriques de la plupart des galaxies échantillonnées sont très compactes, avec des profils de luminosité de surface s'écartant considérablement de ceux des galaxies à disques. Pour Tan et ses collaborateurs, cela suggère que ces émissions submillimétriques proviennent de structures qui sont déjà de type sphéroïde.
D'autres preuves de cette forme sphéroïdale proviennent d'une analyse détaillée de la géométrie 3D des galaxies. La modélisation montre que le rapport entre le plus court et le plus long de leurs trois axes est, en moyenne, de 0,5 environ et augmente avec la compacité spatiale. Cela indique que la plupart de ces galaxies à forte formation d'étoiles sont intrinsèquement sphériques plutôt qu'en forme de disque. Autrement dit, la plupart de ces galaxies sont entièrement triaxiales plutôt que des disques plats. Appuyée par des simulations numériques, cette découverte montre que le mécanisme principal à l’origine de la formation de ces galaxies tridimensionnelles (les sphéroïdes) serait l’action simultanée de l’accrétion de gaz froid dans des flux non coplanaires ainsi que des interactions et des fusions entre galaxies. Selon les chercheurs, ce processus aurait été assez courant dans l’Univers primitif, à l’époque où la plupart des sphéroïdes se formaient.
Ils calculent la densité numérique des formations stellaires pour des galaxies ayant un taux de formation d'étoile supérieur à 620 M⊙ par an et situées à un redshift z = 2,7 (qui sont les valeurs médianes de leur échantillon) et dont la densité est de 4 × 10-5 galaxies par Mpc3. L'échantillon de Tan et al. couvre 1,5 milliards d'années de temps cosmique, ce qui correspond à 2,7 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3 et par gigannée. Les chercheurs calculent que le produit final de leur échantillon est à peu près le double de sa masse stellaire médiane de 100 milliards M⊙, en supposant que 50 % des fractions de gaz sont en place au moment de l'observation. Les astrophysiciens évaluent ensuite le taux de formation des galaxies quiescentes de plus de 200 milliards M⊙. Ils trouvent que cela nécessite également environ 2 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3 et par gigannée, un valeur stable sur la plage de redshift comprise entre 1,5 et 3,5. Cela suggère selon eux que les sursauts de formation stellaire brillants en ondes radio submillimetriques qui forment des sphéroïdes pourraient être un canal de formation dominant à l'époque du "midi cosmique".
Tan et ses collaborateurs expliquent en outre que les vents stellaires qui sont provoqués par ces flambées de formation de sphéroïdes empêcheront probablement toute nouvelle formation d'étoiles substantielle et pourraient induire une extinction par rétroaction, au moins dans le noyau galactique. Ainsi, pour les sphéroïdes se formant directement à l'intérieur des galaxies brillantes en submillimétrique, une extinction de la formation d'étoiles devrait suivre leur assemblage. Pour les chercheurs, les disques extérieurs déjà vieillissants pourraient finalement contribuer aux halos étendus des galaxies aux profils de Sérsic élevés dans les galaxies elliptiques si l'accrétion s'arrête. Et alternativement, des spirales de type précoce pourraient se former dans les disques qui continuent d'être alimentés par du gaz froid entrant.
Cette avancée aura en tous cas un impact significatif sur les modèles d'évolution des galaxies et approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies se forment et évoluent à travers l'Univers.
Source
In situ spheroid formation in distant submillimetre-bright galaxies
Qing-Hua Tan, et al.
Nature volume 636 (5 december 2024)
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08201-6
Illustration
1. Exemple de galaxies exploitées dans cette étude (Tan et al.)
2. Classification des galaxies par leur morphologie triaxiale (Tan et al.)
3. Qing-Hua Tan
29/11/24
L'origine d'un transitoire radio à longue période identifié pour la première fois
Des astrophysiciens ont trouvé une explication plausible pour un type de signal radio répétitif de longue période identifié pour la première fois il y a deux ans, mais qui apparaît désormais à de nombreux endroits dans le ciel. Ils ont identifié un tel signal périodique qu'ils ont pu clairement associer à une étoile naine rouge. Mais elle ne serait pas seule... C'est son interaction avec une naine blanche qui serait à l'origine du signal radio détecté. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.
24/11/24
Détection d'un excès de chaleur sur la planète naine Makémaké
Une équipe de planétologues a observé la planète naine Makémaké avec le télescope Webb et ont découvert un excès très important dans l'infrarouge moyen. L'excès détecté indique des températures d'environ 150 K, bien supérieures à celles que les surfaces solides à la distance héliocentrique de Makémaké pourraient atteindre par irradiation solaire. Pour les chercheurs, qui publient leur découverte dans The Astrophysical Journal Letters, cela indique que Makémaké est active, ou bien qu'elle possède un anneau de poussière carbonée... Les deux scénarios indiquent des phénomènes sans précédent parmi les objets transneptuniens, et pourraient avoir un impact considérable sur notre compréhension de ces mondes lointains.
19/11/24
Trois galaxies massives furieusement efficaces pour former des étoiles 1 milliard d'années post Big Bang
Les récentes observations du télescope spatial Webb ont révélé une abondance inattendue de galaxies massives candidates dans l'Univers jeune. Ces galaxies candidates observées avec Webb ont été interprétées comme remettant en cause la cosmologie du modèle ΛCDM, mais, jusqu'à présent, les observations n'ont pas eu de confirmation spectroscopique de leurs décalages vers le rouge. Une équipe d’astrophysiciens a effectué une étude systématique de 36 galaxies massives obscurcies par la poussière avec des décalages vers le rouge compris 5 et 9 provenant du relevé FRESCO du télescope Webb. Ils ne trouvent aucune tension avec le modèle standard dans leur échantillon. En revanche, ils ont déniché trois galaxies ultra-massives, de plus de 100 milliards de masses solaires, qui montrent une efficacité monstrueuse pour fabriquer des étoiles… L’article est publié dans Nature.
Les masses stellaires des galaxies de l’échantillon sont comparées à la masse maximale à laquelle on pourrait s'attendre à trouver une galaxie dans le volume étudié, compte tenu de la fonction de masse du halo de matière noire entourant les galaxies et de la fraction de baryons cosmique. Dans ce paradigme de type ΛCDM, Mengyuan Xiao (université de Genève) et ses collaborateurs (dont le français David Elbaz) dérivent la masse la plus grande du halo de matière noire à différents redshifts dans le volume d'étude correspondant (environ 1,2 × 106 Mpc3 à z entre 5 et 9) selon la fonction de masse du halo. La masse stellaire maximale est ensuite déduite de la masse maximale du halo de matière noire, avec une fraction baryonique cosmique fb = Ωb/Ωm = 0,158 (Ωb est le paramètre de densité baryonique et Ωm le paramètre de densité de matière), et l'efficacité théorique maximale (ϵ) de la conversion des baryons en étoiles. Xiao et ses collaborateurs considèrent deux cas possibles pour ϵ : l'efficacité la plus élevée obtenue à partir de modélisations phénoménologiques basées sur les observations (ϵ max,obs = 0,2) et l'efficacité maximale théoriquement permise (ϵ = 1).
Ils calculent ensuite les limites inférieures de l'efficacité des galaxies de leur échantillon, afin de vérifier si les galaxies massives à haut z pourraient former des étoiles avec une efficacité étonnamment élevée (ϵ > 0,2 ou même ϵ > 1). Dans cette analyse, les chercheurs supposent de manière conservatrice que chaque galaxie est située dans le halo de matière noire le plus massif.
Xiao et ses collaborateurs ne trouvent aucune galaxie avec ϵ > 1, ce qui suggère donc que l’échantillon ne présente pas de tension significative avec le modèle ΛCDM. La fiabilité de cette conclusion vient du fait que les astrophysiciens disposent à la fois de masses stellaires et de décalages vers le rouge robustes.
En revanche, il y a tout de même 5 galaxies extrêmes dans cet échantillon de 36 galaxies, qui montrent un ϵ > 0,2, c'est-à-dire une efficacité accrue dans la conversion du gaz en étoiles. Trois galaxies sont à z ≈ 5 à 6 (donc entre 0,9 et 1,2 milliards d'années après le Big Bang), et deux à z ≈ 7 -8. Xiao et ses collègues se concentrent sur les trois objets à plus faible décalage vers le rouge car les masses stellaires dérivées sont significativement moins robustes pour les objets à z ≈ 7 – 8. Les trois monstres sont nommées S1, S2 et S3. Elles ont été détectées précédemment par des observations du Submillimetre Common-User Bolometer Array 2 (SCUBA-2), mais seule S2 (aussi connue sous le nom de GN1035), avait un décalage vers le rouge et une masse stellaire fiables avant les observations de Webb.
Xiao et al. constatent que S1, S2 et S3 sont extrêmement massives (plus de 100 milliards de M⊙ en étoiles, rouges, et fortement atténuées par la poussière. Ils trouvent qu'elles ont également des taux de formation d'étoiles très élevés, spécifiquement 795 ± 40 M⊙ par an pour S1, 1030 ± 190 M⊙ par an pour S2 et 988 ± 49 M⊙ par an pour S3. Cela indique que ces galaxies sont dans un processus de production d’étoiles très efficace. L’étude des raies d'émission, de la morphologie des sources et des données multi-longueurs d'onde ne révèle aucun signe d'une contribution significative des noyaux actifs de galaxie (AGN). Par conséquent, la nature ultra-massive de ces trois galaxies est fiable. Ces galaxies ultramassives (pour l’époque où elles se trouvent) sont surnommées des « red monsters » par les astrophysiciens
En comparant les masses de ces galaxies avec les prédictions, il est clair qu’elles nécessitent une conversion en étoiles extrêmement efficace de tous les baryons disponibles d'environ 0,5 en moyenne, c’est-à-dire 2 à 3 fois l'efficacité la plus élevée observée à un redshift inférieur (ϵ max,obs ≈ 0,2). Ces 3 galaxies se situent à z ≈ 5 - 6, démontrant que l'existence de galaxies ultra-massives qui défient les modèles d'assemblage de galaxies, n'est pas limitée à l'univers le plus lointain à z > 8 mais inclut également des galaxies à des époques plus tardives qui étaient auparavant cachées par l'obscurcissement de la poussière.
L'efficacité élevée de la conversion baryons (gaz) - étoiles dans ces trois galaxies ultra-massives pourrait également être démontrée dans l'autre sens. En supposant une efficacité maximale observée de ϵ max,obs = 0,2, les masses stellaires de S1, S2 et S3 correspondent à des masses de halo de matière noire de 10 12.88 , 10 12.68 et 10 12.54 masses solaires respectivement. La densité volumique de galaxies observée est d'environ 3.0 × 10-6 Mpc-3 à z ≈ 5 - 6 dans les 124 arcmin2 des champs de l'étude FRESCO. Pour le cas le plus extrême, S1, comparé aux densités cumulées théoriques de galaxies d'environ 2,8 × 10-9 Mpc-3 ayant une masse totale de 10 12,88 masses solaires, la probabilité de détecter une telle galaxie dans un champ aléatoire aussi grand que celui de FRESCO n'est que 0,0008. En d'autres termes, si la distribution des galaxies dans l'Univers était homogène, et si ϵ = 0.2, on s’attendrait à ne détecter qu'une seule galaxie telle que S1 dans un champ 1188 fois plus grand que celui de FRESCO. Pour S2 et S3, les probabilités sont de 0,017 et 0,08 respectivement, ce qui requiert des champs 58 fois et 12 fois plus grands que le champ de l’étude FRESCO pour les détecter. Cela démontre que l'efficacité de la formation d'étoiles dans ces galaxies doit être significativement plus élevée que celle normalement trouvée à des redshifts plus faibles dans le modèle standard de formation des galaxies au sein de halos de matière noire froide.
Et Xiao et ses coauteurs calculent que les galaxies extrêmement massives contribuent de manière significative à la densité totale du taux de formation d'étoiles dans l'Univers jeune. Ils trouvent que en incluant seulement S1, S2 et S3, la densité du taux de formation d'étoiles atteint une valeur de 2,4 10-3 M⊙ par an Mpc-3 (à z=5,8). Cette valeur correspond à 17% de la densité totale du taux de formation d'étoiles à ce redshift. Selon les chercheurs, ce résultat suggère qu’il existe une proportion importante de formation stellaire extrêmement efficace dans l'Univers jeune.
Avec les mesures sûres du décalage spectral et de la masse stellaire, ces résultats fournissent des preuves solides que l'Univers primitif doit être deux à trois fois plus efficace dans la formation de galaxies massives que la tendance moyenne trouvée par des études antérieures à des époques plus tardives. La découverte de Xiao et al., ainsi que l'excès possible de galaxies lumineuses en UV à z > 8 révélé par les observations du JWST, indique que les modèles de formation des premières galaxies doivent être révisés, bien que en restant dans le cadre du modèle cosmologique ΛCDM.
Pour conclure, les astrophysiciens notent que deux des trois galaxies ultra-massives ont récemment été localisées dans une structure à grande échelle en cours de formation. Par conséquent, selon eux, les effets potentiels de la variance cosmique doivent être soigneusement pris en compte avant de concevoir des modèles. En outre, les galaxies les plus massives situées dans les régions les plus denses de l'Univers peuvent avoir une histoire de formation spécifique, ce qui nécessite des modèles uniques de formation des galaxies pour expliquer comment la formation d'étoiles est effectivement augmentée à un taux significatif dans ces régions. Pour Xiao et ses collaborateurs, des variations dans la fonction de masse initiale pourraient également reproduire les propriétés extrêmes observées dans leur échantillon. Des scénarios doivent encore être étudiés par des observations plus détaillées. Avec une plus grande résolution spatiale et/ou sensibilité, les futures observations spectroscopiques de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), du NOrthern Extended Millimeter Array (NOEMA) et du télescope Webb pourraient aider à consolider la nature massive de ces galaxies grâce à des mesures de masse dynamique, et pourquoi pas tester différents scénarios pour leur formation avec l'analyse de la cinématique et de la composition chimique du milieu interstellaire.
Source
Accelerated formation of ultra-massive galaxies in the first billion years
Xiao, M., et al.
Nature 635, 311–315 (14 novembre 2024 )
https://doi.org/10.1038/
Illustration
1. Images des galaxies S1, S2 et S3 (Xiao, M., et al.)