mardi 14 novembre 2017

Observation d'événements transitoires très énergétiques au centre de galaxies


Cela ne fait plus de doute, il s’agit bien d’un nouveau phénomène transitoire de très grande énergie qui a été détecté vers le centre d’une galaxie lointaine, mais les astronomes ne parviennent pas encore à déterminer sa nature : explosion d’étoile très massive ou bien destruction d’une petite étoile par le trou noir central de sa galaxie hôte...




L’explosion a été observée le 15 août 2010 et porte le nom de PS1-10adi. Elle se trouvait exactement au centre de la galaxie J204244.74+153032.1 répertoriée dans le grand relevé Sloan Digital Sky Survey.  L’équipe européenne et américaine qui l’a étudiée a pu suivre son évolution dans le temps, très atypique, durant près de 1000 jours. Erkki Kankare (Queen’s University) et ses collègues montrent dans l’étude qu’ils publient dans Nature Astronomy que l’énergie qui a été libérée par ce phénomène est très élevée. Beaucoup trop élevée pour que ce soit une supernova « classique ». Il faudrait que l’étoile ait eu une masse très grande (plusieurs centaines de masses solaires) et que de grandes quantités de gaz soient présentes dans le voisinage pour pouvoir expliquer toutes les caractéristiques photométriques et spectrales de PS1-10adi.
Ils avancent alors une seconde hypothèse qui serait la destruction d’une étoile plus normale par les forces de marée gravitationnelle induites par le trou noir supermassif situé non loin de là. Car PS1-10adi se trouve dans une position très proche du centre de sa galaxie, à tel point que l’apparition de la luminosité soudaine de PS1-10adi pouvait être considérée provenir de l’activité changeante de la région d’accrétion du trou noir. Mais Erkki Kankare et ses collaborateurs montrent qu’il ne s’agit pas de l’activité liée au disque d’accrétion du trou noir mais bien d’un événement ayant eu lieu légèrement en avant-plan du trou noir. Mais les caractéristiques spectrales bizarres de PS1-10adi indiquent, selon les chercheurs, que s’il s’agit d’une destruction gravitationnelle, celle-ci devrait être d’un nouveau genre, encore inconnu. En effet, par exemple, ils ne voient pas les raies d'émission de l'hydrogène et de l'hélium comme ce qu'on devrait voir s'il s'agissait de ce phénomène, et comme c'est le cas de ASASSN-15lh dont nous avions parlé ici même.


L’énergie totale émise par PS1-10adi vaut la bagatelle de 2.3 1052 erg, soit environ 50 fois plus que ce que produit une supernova de type II classique. Les caractéristiques observées indiquent un apport d’énergie par un choc entre de la matière en expansion ou en mouvement rapide et de grandes quantités de matière dense dans le milieu.
Bref, des deux hypothèses avancées, aucune des deux ne semble pleinement satisfaisante. Ce qui est très intéressant, c’est que durant les quelques années de suivi de PS1-10adi depuis sa découverte, l’équipe de Kankare a réussi à trouver 5 autres événements qui paraissent très semblables à  PS1-10adi et qui vont pouvoir être analysés plus en profondeur. Les chercheurs en concluent que PS1-10adi n’est pas un cas isolé et qu’il pourrait exister toute une population de ces phénomènes transitoires dans les régions centrales des galaxies à proximité des trous noirs supermassifs. Ces brusques bouffées de lumière auraient même pu être mal interprétées en étant attribuées à l’activité variable du disque d’accrétion du trou noir. 

Comme souvent, les astronomes attendent maintenant patiemment les nouveaux outils qui seront bientôt à leur disposition et qui leur permettront d'investiguer beaucoup plus facilement ces étonnants phénomènes : le LSST (Large Synoptic Survey Telescope), mis en service en 2022, découvrira plusieurs centaines d'objets transitoires du type de PS1-10adi, et le ELT (Extremely Large Telescope), avec sa résolution de 6 milliarcsecondes dans la longueur d'onde utile, pourra visualiser à partir de 2025 ce qui se passe à l'échelle quelques dizaines d'années-lumière. 

Source 
A population of highly energetic transient events in the centres of active galaxies
E. Kankare, R. Kotak, […]C. Waters
Nature Astronomy (13 novembre 2017)
http://dx.doi.org/10.1038/s41550-017-0290-2

Illustrations
1) Vue d'artiste d'un événement transitoire très énergétique
2) Le télescope William Herschel (Canaries), utilisé dans cette étude. (photo Nik Szymanek)

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