19/11/17

Un "serpent cosmique" utilisé comme sonde astrophysique


Le "Serpent Cosmique" ("Cosmic Snake") est une structure très étonnante, une structure très allongée qui semble s'étendre sur le bord d'un amas de galaxies massif. Il s'agit en fait d'une illusion, un effet de lentille gravitationnelle où se retrouvent entremêlées quatre images de la même galaxie située bien plus loin en arrière plan de l'amas MACS1206.2-0847. Mais ces quatre images très déformées et amplifiées sont modifiées différemment par la courbure de l'espace-temps, ce qui apporte de précieuses informations qu'ont exploitées une équipe d'astrophysiciens étudiant la formation des étoiles dans les galaxies très lointaines.




C'est le télescope spatial Hubble qui a permis de voir en détails le "serpent cosmique", et plus exactement le programme Cluster Lensing And Supernova survey with Hubble (CLASH). La galaxie démultipliée qui le compose montre également une cinquième image, mais elle située de l'autre côté de l'amas MACS1206.2-0847. 
Antonio Cava et ses collègues s'intéressent aux processus de formation des étoiles qui ont lieu dans les galaxies très distantes. Des observations avaient montré la présence de grumeaux de gaz géant de plusieurs milliers d'années-lumière de large, alors que l'on ne retrouve pas ce type de structure dans les galaxies plus proches. Avant de conclure sur des processus différents dans le formation stellaire, il subsistait un doute sur les effets de résolution des images obtenues sur les galaxies les plus lointaines. C'est là que l'intérêt du "Serpent Cosmique" surgit : les quatre images de la même galaxie qui forment le serpent ne sont pas amplifiées de la même façon entre elles et surtout avec la cinquième image, ce qui donne une sorte de vision du même objet avec des "grossissements" différents, des niveaux de résolution différents.  Alors que la cinquième image, isolée et moins déformée, est amplifiée par un facteur 5, les images formant le serpent le sont jusqu'à un facteur 100.

Antonio Cava et ses collaborateurs ont étudié plus particulièrement les régions formant des grumeaux de gaz où se forment quantité d'étoiles. Ils publient leurs résultats dans Nature Astronomy. Ce que voient les chercheurs dans cette galaxie de 40 milliards de masses solaire qui produit des étoiles au taux de 30 masses solaires par an, c'est qu'au lieu de quelques grumeaux de gaz très vastes, la galaxie montre en fait un grand nombre de plus petits grumeaux, pas si différents de ceux qui peuvent être observés dans des galaxies proches. La différence de taille était de l'ordre de 1000 entre les grumeaux de gaz des galaxies lointaines et des galaxies proches. Cava et ses collègues ramènent cet écart à un facteur 10 grâce à leurs observations du serpent cosmique.

Des astronomes qui étudiaient les régions de formation stellaire dans des galaxies proches avaient déjà réalisé que s'ils les observaient sans une résolution suffisante, cela pouvait produire une vue "moyennée" ayant pour effet de fusionner les petits grumeaux pour les faire apparaître comme des plus grosses entités. Il semble donc que cet effet de fusion virtuelle de grumeaux de gaz soit à l'oeuvre dans l'observation, difficile, des galaxies très distantes. 

Source

The nature of giant clumps in distant galaxies probed by the anatomy of the cosmic snake
Antonio Cava, Daniel Schaerer, Johan Richard, Pablo G. Pérez-González, Miroslava Dessauges-Zavadsky, Lucio Mayer & Valentina Tamburello
Nature Astronomy (2017)


Illustration

Les sous-structures du "Serpent Cosmique", images multiples et grumeaux de formation d'étoiles  (Cava et al., Nature Astronomy)

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