Une équipe d’astrophysiciens a compilé 1145 sursauts radio du célèbre FRB répétitif FRB 20121102A à partir d'observations archivées, réalisées à l'aide de nombreux radiotélescopes. Ils découvrent l’existence d’une nouvelle périodicité dans les sursauts radio de ce FRB, une période de 4,605 jours, qui s’ajoute à la période de 157 jours qui avait été trouvée il y a quelques années. Cela permet d’imaginer la structure du système qui est à l’origine de ces sursauts radio : une étoile à neutron en couple avec une naine blanche, et qui possède une planète très rapprochée… L’étude est parue dans The Astrophysical Journal.
Plus de 700 sources de FRB (Fast Radio Burst) ont été identifiées à ce jour, dont 50 répétitives. Les galaxies hôtes de certains FRB ont été localisées et pour certains, la polarisation et l'énergie des sursauts ont été mesurées, et la distribution de l'énergie ainsi que la période d'activité ont été identifiées pour quelques sources répétitives (dans les études de Zhang en 2020 et Petroff et al. en 2022).
On pense aujourd'hui que les FRB proviennent d'une étoile à neutrons ou plus précisément d'un magnétar. Mais la découverte d'activités périodiques de sources répétitives suggère qu’elles ont probablement des progéniteurs dans des systèmes binaires, ou bien proviennent de précessions de magnétars éruptifs.
Pour FRB 20121102A, qui a été le premier FRB répétitif détecté, une période d’environ 160 jours a été trouvée à partir d'observations approfondies en 2018 et 2020. FRB 20121102A est la source de FRB de loin la plus prolifique en sursauts radio, on en a déjà détecté plus de 1600, et ça continue tous les jours ou presque. En octobre 2021, une analyse effectuée sur 1652 sursauts détectés avec le radiotélescope FAST (voir https://www.ca-se-passe-la-
Jixuan Li (Sun Yat-Sen University, Zhuhai, Chine) et ses collaborateurs qui avaient trouvé cette bimodalité il y a 3 ans, ont donc cherché à en savoir plus en essayant d’identifier si il existerait une seconde périodicité spécifique en plus de la périodicité qui avait déjà été identifiée dans les signaux il y a quelques années. Les chercheurs chinois ont exploité les données archivées des radiotélescopes FAST, Arecibo, Green Bank Telescope, du télescope de Effelsberg, du télescope MeerKAT, du télescope Lovell, du Deep Space Network, du Very Large Array et enfin du radiotélescope de Westerbork, qui ont tous été utilisés à un moment ou à un autre pour capter des sursauts radio rapides en provenance de FRB 20121102A.
L’analyse détaillée de la distribution dans le temps des sursauts radio montre l’existence d’une première quasi-période de 157,1 jours (+4,8 /-5,2 jours) et d’une seconde quasi-période ("candidate" pour l'instant) de 4,605 jours (0,010/-0,003 jours)
La première période de 157,1 jours est cohérente avec les résultats des études précédentes, mais la seconde est une découverte. Les astrophysiciens chinois montrent que la périodicité de 4,605 jours est plus évidente dans les sursauts à haute énergie dont la fluence est supérieure à 1038 erg. Li et ses collaborateurs essayent donc de comprendre quelle peut être l’origine de cette nouvelle quasi période d’un peu moins de 5 jours dans les sursauts radio rapides de FRB 20121102A et comment elle peut s’inscrire dans la périodicité plus longue de plus de 150 jours.
Il faut se rappeler que les jeunes magnétars sont des étoiles à neutrons très actives. Leur rotation et leur champ magnétique puissant alimentent des flux de vent de particules, et des « ondes de souffle » peuvent également être lancées par ces magnétars, qui produisent des chocs quand elles interagissent avec la matière environnante. Les chocs accélèrent les particules, ce qui entraîne l'émission d’ondes radio. Ces chocs dans les flux magnétiques, c'est le scénario que Beloborodov a proposé en 2017 et 2020 pour expliquer l'origine des FRBs. Il existe aussi d’autres explications très pertinentes qui ont été proposées ces dernières années et qui font intervenir des tremblements de la croûte de l’étoile à neutrons. Dans le scénario magnétosphérique de Beloborodov, le champ magnétique de FRB 20121102A doit être de 1014 Gauss.
Avec des périodicités comprises entre une dizaine et une centaine de jours qui ont été trouvées dans des FRBs répétitifs, un consensus s'est établi sur le fait que la périodicité des sursauts est associée soit aux périodes orbitales de systèmes binaires, la compagne étant une étoile dégénérée ou une étoile massive, soit à la précession d'un magnétar. Et une origine possible par une étoile à neutrons à très longue période de rotation sur elle même ne peut toujours pas être exclue pour les FRBs ayant les périodes les plus courtes.
Pour FRB 20121102A, une orbite binaire très excentrique avec une séparation critique rc de 4,67 UA entre l’étoile à neutrons et l’étoile dégénérée (probablement une naine blanche) est supposée expliquer sa période de ∼160 jours et un cycle d'activité de 50% comme l’ont montré Du et al. en 2021.
Li et son équipe partent donc de cette image de binaire pour tenter d’expliquer la petite période de 4,605 jours qu’ils ont identifiée. Dans ce scénario, du plasma magnétisé résulte du flux d'accrétion de la naine blanche compagne et se propage entre la naine blanche et l'étoile à neutrons lorsqu'elles ont des séparations inférieures à la distance critique rc.
Pour Li et ses collaborateurs, une explication possible de la période de 4,605 jours est l'existence d'une planète proche de l'étoile à neutrons. Pour une étoile à neutrons de 1,4 masses solaires (masse typique), cette période de 4,605 jours implique une séparation orbitale de la planète de 0,061 UA seulement (6 fois plus proche de l'étoile que Mercure du Soleil). La planète résiderait donc dans la magnétosphère de l'étoile à neutrons et interagirait avec le vent de l'étoile à neutrons et l'afflux de matière lors de l'accrétion à partir de la naine blanche.
Ainsi, l'interaction entre la planète et le plasma magnétisé qui l'entoure devrait former une instabilité de type « aile d'Alfvén », qui donne lieu à des impulsions radio, contribuant aux variations quasi-périodiques des impulsions observées dans le FRB. Le phénomène de focalisation relativiste fait se concentrer les sursauts radio de haute intensité dans une gamme étroite de directions. Et lorsque la direction du rayonnement passe par la ligne de visée à chaque orbite de la planète, un nombre croissant de sursauts radio devrait être vu par l'observateur. Ce n'est que lorsque l'interaction binaire entre l’étoile à neutrons et la naine blanche est activée qu'il peut y avoir des flux d'accrétion autour de l'étoile à neutrons qui héberge la planète, de sorte que celle-ci peut interagir avec le plasma qui l'entoure et produire des sursauts.
Mais il existe aussi d'autres mécanismes possibles pour les sursauts radio rapides dans le même cadre géométrique, comme le décrivent Li et ses collaborateurs.
La première possibilité alternative est une reconnexion magnétique, comme celles observées dans l'environnement spatial du système solaire, qui convertit l'énergie stockée dans les champs magnétiques en énergie cinétique de particule. Ces particules à haute énergie peuvent ensuite produire une émission cohérente ou rayonner leur énergie par effet synchrotron. A une distance r<rc , l'étoile naine blanche fournit un flux d'accrétion dans lequel il y aurait suffisamment de particules chargées pour être accélérées dans la reconnexion donnant lieu à des sursauts radio détectables, selon les chercheurs.
La reconnexion magnétique se produit également entre le magnétar et la planète voisine si cette dernière est magnétisée. Cette reconnexion peut donc être modulée par l'orbite de la planète, c'est-à-dire maximisée lorsque le fort champ magnétique de la magnétosphère asymétrique de la planète fait face au magnétar en rotation.
La seconde alternative est l'induction unipolaire. L'interaction de marée entre une planète rocheuse et son étoile hôte (surtout une étoile à neutrons très proche) peut provoquer des intenses activités volcaniques sur la planète, qui produiront une induction unipolaire et fourniront du plasma autour de la planète à même de produire une émission radio par effet maser. Cependant, le plasma externe d'accrétion ou du vent de magnétar dans le système binaire contient généralement des particules de haute énergie, qui sont toujours cruciales pour les sursauts radio détectables. Dans ces différentes variantes, le point commun est la configuration géométrique impliquant une binaire avec une naine blanche et une étoile à neutrons (un magnétar) qui héberge une planète en orbite étroite.
Cette configuration permet d'expliquer en même temps la présence de deux quasi périodes dans les sursauts de FRB 20121102A et l’existence de deux sous-populations de sursauts, distinguées par leur énergie, qui avaient été trouvées par Li et al. en 2021. Car dans cette configuration impliquant une étoile compagne et une planète proche, les sursauts de FRB 20121102A peuvent être divisés en deux classes, résultant de processus différents. La plupart des sursauts, en particulier ceux de basse énergie et certains sursauts de haute énergie, proviendraient des ondes de chocs induits par les vents de magnétar interagissant avec le plasma environnant. Et simultanément, une fraction substantielle des sursauts à haute énergie serait causée par le choc ou l'interaction magnétique entre le magnétar et la planète en orbite autour de lui, qui produit des particules plus énergétiques par rapport au choc dans le plasma environnant, ce qui conduit à des sursauts radio plus lumineux.
Source
A Candidate Period of 4.605 Days for FRB 20121102A and One Possible Implication of Its Origin
Jixuan Li et al.
The Astrophysical Journal (25 June 2024 )
https://doi.org/10.3847/1538-
Illustration
Exemples de sursaut radio rapides issus de la source FRB 20121102A