Les ondes
électromagnétiques polarisées
linéairement et qui passent à travers une champ magnétique subissent ce qu’on
appelle une rotation de Faraday : le vecteur polarisation acquiert un
mouvement de rotation, dont l’intensité, qui est appelé la MR (mesure
rotationnelle) dépend bien sûr de l’intensité du champ magnétique, mais aussi
de la densité d’électrons, de la distance traversée, et des constantes
classiques que sont le nombre pi, la masse et la charge de l’électron et la
vitesse de la lumière.
Il se trouve que
l’émission radio qui est associée au trou noir supermassif du centre
galactique, Sgr A*, possède la MR la plus énorme qu’on connaisse de toutes les
sources de la galaxie ; elle vaut -5 105 rad.m-2.
On pense qu’elle est produite par une colonne de gaz chaud magnétisé depuis le
flux d’accrétion tombant dans le trou noir.
Mais la rotation de
Faraday que subit l’émission radio de Sgr A*, qui doit traverser toute la
colonne de gaz en accrétion, est dominée par les plus petites échelles. Pour
pouvoir mesurer la magnétisation du disque d’accrétion aux échelles les plus
externes, d’autres source radio polarisées sont nécessaires.
Les pulsars sont bien sûr des
candidats idéaux. Je vous ai déjà parlé ici de l’utilisation d’un pulsar en
orbite autour de Sgr A* pour étudier le champ gravitationnel. Et bien, ils
peuvent donc également être utilisés pour étudier le champ magnétique, c’est ce
qu’on fait des astrophysiciens grâce à la découverte d’un magnétar très proche
de Sgr A*, qui se nomme PSR J1745-2900, et qui se trouve à moins de 35
années-lumière du centre galactique.
Son émission radio
montre une très forte polarisation linéaire, ce qui permet d’en étudier
facilement sa rotation de Faraday. Cette a été mesurée sur trois
radiotélescopes différents, et la valeur de MR obtenue n’est ni plus ni moins
que la plus importante, après celle de Sgr A*.
Les astrophysiciens
parviennent à en déduire la distance à laquelle se trouve le plasma magnétisé à
l’origine de la rotation de Faraday, à moins de 100 années-lumière du trou.
Grâce à cette valeur, ils cherchent ensuite à calculer la valeur du champ
magnétique, évidemment. Mais pour cela ils ont eu besoin d’informations
supplémentaires sur le gaz en présence. Il y a en fait deux sous-populations de
gaz de différentes températures dans cette zone. Ils trouvent finalement une
valeur du champ magnétique qui serait de l’ordre de 2,6 mGauss à une distance
de 0,12 parsecs (0.4 A.L) du trou.
Or, comme il s’agit
d’un disque d’accrétion, la densité et le champ magnétique sont sensés croître plus le rayon est petit, plus on s’approche de l’horizon du trou. La modèle de
l’émission de Sgr A* dit qu’il doit produire un champ magnétique compris entre
30 et 100 Gauss pour expliquer le rayonnement synchrotron qui a lieu au niveau
de l’horizon.
Il suffit d’appliquer
une simple évolution de l’intensité du champ magnétique en inverse de la
distance, ce que dit la théorie, pour trouver que le passage de 0.12 parsec,
qui est égal à 300000 fois le rayon de l’horizon du trou noir (pourtant déjà
grand), à 1 ou 2 fois le rayon, donne un champ magnétique de plusieurs
centaines de Gauss… ce qui est tout à fait cohérent avec la plupart des modèles
d’accrétion, où une équirépartition de l’énergie magnétique, cinétique et
gravitationnelle dans le gaz accrété est supputée…
Référence :
A strong magnetic field
around the supermassive black hole at the centre of the Galaxy
R. P. Eatough et al.
Nature (2013) 20 August 2013