22/12/23

Rétrospective des 23 plus belles découvertes de 2023

L'heure de la rétrospective annuelle est venue ! Je vous propose de retrouver ci-dessous les 23 découvertes qui ont marqué cette année 2023, sous la forme d'un classement qui se veut tout à fait subjectif... 

Bonne année à toutes et tous ! 

23 : Découverte d'une galaxie sans étoiles (07.03)

22 : Caractérisation d'un sursaut gamma ultra-long et ultra-lointain (29.09)

21 : La vitesse ultime des trous noirs errants (25.08)

20 : Découverte d'une étoile produite dans un résidu de supernova par instabilité de paires (07.06)

19 : IceCube détecte les neutrinos de la Voie Lactée (07.07)

18Vénus a une activité volcanique actuellement (19.03)

17Nouvelle image du trou noir M87* obtenue grâce à l'intelligence artificielle (13.04)

16 : Les anomalies du fond diffus cosmologique expliquées par un effet d'avant plan galactique (09.07)

15Découverte d'un trou noir de 100 millions de masses solaires 470 megannées post Big Bang (9.11)

14 : Le panache d'eau de Encelade analysé par le télescope Webb (01.06)

13 : Du phosphore détecté dans les panaches de Encelade (16.06 )

12 : De nombreuses molécules organiques identifiées dans les panaches de Encelade (15.12)

11 : Première mesure de la masse d'une naine blanche isolée (02.02)

10  : Mesure inédite de H0 grâce à une supernova démultipliée réapparue avec un retard, et nouveau pavé dans la mare (13.05)

9 : Détection d'une particule de 244 milliards de GeV, soit 40 Joules (29.11)

8 : Mesure inédite du ringdown dans GW190521 et réévaluation à la hausse de la masse du trou noir résultant (5.12 )

7 : La masse de la Voie Lactée divisée par 5 par une mesure précise de sa courbe de rotation (10.10)

6 : Découverte de 8 sursauts radio ultra-rapides (ultra FRB) (20.10)

5 : Découverte de 6 galaxies candidates très massives environ 600 mégannées post Big Bang (24.02)

4 : L'antimatière tombe vers le bas ! (27.09)

3 : L'espace-temps rayonne à proximité des trous noirs et des étoiles à neutrons (04.06)

2 : Détection du fond diffus d'ondes gravitationnelles à basse fréquence (29.06)

1 : GRB 221009A : le sursaut gamma le plus brillant depuis 10 000 ans (30.03)


15/12/23

De nombreuses molécules organiques identifiées dans les panaches de Encelade


Une équipe de chercheurs a exploité les données de la sonde Cassini lors de son survol des panaches d'eau de Encelade et qui étaient archivées depuis 2017. Dans leurs analyses des composés chimiques, en plus des composés organiques qui avaient déjà été identifiés (H2O, CO2, CH4, NH3 et H2), ils identifient aujourd'hui d'autres molécules très intéressantes : HCN, C2H2, C3H6, C2H6. mais aussi un alcool (CH3OH). L'étude est publiée dans Nature Astronomy.

13/12/23

M81* : deux trous noirs supermassifs au lieu d'un seul


La galaxie proche M81 qui possède un noyau actif serait animée non pas par un trou noir supermassif de 70 millions de masses solaires, mais par un couple de trous noirs très rapprochés. C'est la conclusion que tire une équipe internationale qui a étudié les archives des émissions radio et de rayons X du coeur de M81 sur plus de trente ans. Les chercheurs publient leurs travaux dans The Astrophysical Journal

11/12/23

Le modèle ΛCDM produit bien des galaxies massives très déficientes en matière noire


Après la découverte il y a quelques années de galaxies très déficientes en matière noire et les nombreuses études qui ont suivi, un consensus s'est peu à peu formé autour de l'idée que ces objets exotiques pouvaient naturellement apparaître dans le modèle ΛCDM en raison d'interactions de marée et du processus de stripping (dépouillement). La découverte récente d'une galaxie massive dépourvue de matière noire, NGC 1277, sans voisine plus massive, a suscité la perplexité. Les auteurs de la découverte avaient proposé deux scénarios possibles pour expliquer ce phénomène, l'un d'entre eux étant que la galaxie aurait perdu sa matière noire très tôt. Aujourd’hui, une équipe d’astrophysiciens teste cette hypothèse à l’aide du simulateur Illustris TNG. Ils découvrent qu’effectivement, le modèle ΛCDM qui est le fondement de cette simulation, peut aussi produire une galaxie massive isolée très déficiente en matière noire. Ils publient leur étude dans Astronomy&Astrophysics.

Les galaxies très déficientes en matière noire sont généralement des petites galaxies satellites de galaxies plus massives, dont la masse stellaire est comprise entre 100 millions et 1 milliard M⊙. La découverte en juillet 2023 par Comeron et al. de la composition étonnante de la galaxie massive relique NGC 1277, qui apparaît dépourvue de matière noire (entre autres caractéristiques déconcertantes, voir épisode 697 du 15 mars 2018)  a posé un nouveau challenge aux astrophysiciens. 

Ana Mitrašinović (Observatoire de Belgrade) et ses collaborateurs ont recherché quelle pouvait être la trajectoire d'évolution d'une de ces galaxies. Ils ont pour cela fait tourner la simulation cosmologique Illustris TNG300 qui reproduit l’évolution de l’univers au cours du temps dans un certain volume. On y voit la formation de galaxies puis leurs interactions et leur assemblage en amas puis en superamas au fil du temps. Ce type de simulation permet de déterminer pour chaque galaxie sa masse baryonique (étoiles et gaz) et sa masse invisible (matière noire). En cherchant dans toutes les galaxies qu’avait produites la simulation, Mitrašinović et ses collaborateurs ont trouvé un spécimen qui ressemble à NGC 1277. Il s’agit de la première galaxie pauvre en matière noire située dans un environnement isolé qui est trouvée dans les simulations cosmologiques, et un spécimen qui ne représente pas un artefact numérique.

Cette galaxie a une masse stellaire de M⋆ ≃ 6,8 milliards M⊙, pas de gaz, et un ratio Mnoire/Mbaryonique ≃ 1,31, et elle a un rayon de demi-masse stellaire de 2,45 kpc. Bien que ses caractéristiques ne correspondent pas toutes à celles de la galaxie NGC 1277, sa trajectoire évolutive est un parfait exemple de la façon dont une galaxie qui perd sa matière noire et son enveloppe gazeuse très tôt, devenant pauvre en matière noire, peut ensuite réussir à fuir l'environnement de son amas et ses voisines massives.

Mitrašinović et ses collaborateurs montrent que la galaxie a perdu la majorité de sa matière noire effectivement très tôt dans son histoire (en commençant par une rencontre à multi-corps sans fusion), entre un redshift de 2,32 et de 1,53 (il y a environ 9,6 milliards d'années), avant même d'avoir formé sa composante stellaire actuelle. 

Voilà son histoire telle que l'a produite le simulation : 

- Elle naît à un redshift z=10 (480 millions d'années post Big Bang) avec une masse de 2,6 milliards M⊙ et un rapport Mnoire/Mbaryonique ≃ 5,9. 

- Entre z=10 et z=7,01 (770 millions d'années post Big Bang), la galaxie acquiert une quantité importante de matière noire par accrétion, ce qui la mène à une masse de 9,7 milliards de masses solaires et un rapport Mnoire/Mbaryonique de 10,8. 

- A partir de z=7,01 débute la phase de fusions successives avec des petites galaxies, en tout 16 fusions dont une seule fusion majeure (avec une galaxie 1,66 moins massive), qui a lieu à z=3,71 (il y a 12 milliards d'années). 

- Cette phase se termine à z=2,44 (il y a 11 milliards d'années), date à laquelle notre galaxie atypique possède une masse de 117 milliards de masses solaires et un rapport Mnoire/Mbaryonique de 6,9. Les masses de gaz et d'étoiles valant respectivement MG ≃ 14,3 milliards M⊙, et M⋆ ≃ 594 millions M⊙. Ce faisant, on voit également un trou noir supermassif de 18,2 millions M⊙.

- A z=2,32 (il y a 10,85 milliards d'années), la galaxie commence sa première chute dans un groupe d'un peu plus de 20 galaxies dont la masse totale avoisine les 2000 milliards M⊙. Lorsque la chute commence, la galaxie interagit immédiatement avec un groupe de galaxies déjà en interaction, dont l'une est la galaxie la plus massive du groupe. 

- il y a 9,77 milliards d'années, la simulation Illustris indique que l'amas de galaxies hôte initial fusionne avec un autre amas de galaxies massif voisin qui fait 16100 milliards de masses solaires et qui contient une centaine de galaxies. Dans ce processus, notre galaxie atypique est brusquement dépouillée d’environ la moitié de sa masse totale à sa périphérie, tant en matière noire qu’en gaz. Puis sur son chemin vers le premier passage péricentrique dans l'amas, il y a environ 8,99 milliards années, la galaxie a accrété une quantité considérable de gaz, déclenchant une explosion de la formation d'étoiles ce qui a augmenté fortement la masse stellaire jusqu'à la valeur actuelle. La majorité du gaz qui restait a ensuite été éliminée entre le deuxième et le troisième passage péricentrique de la galaxie dans l'amas, et la galaxie s'est finalement retrouvée totalement vide de gaz il y a environ 6,67 gigannées. Pendant cette période, le rapport de la masse de matière noire sur la masse baryonique Mnoire/ Mbaryonique chute jusqu'à 0,52. Et depuis lors, le rapport Mnoire/Mbaryonique remonte légèrement et fluctue autour de 1, jusqu'à aujourd'hui.



Et ce n'est pas fini ! 

- Il y a 5,72 milliards d'années, l'amas de galaxies fusionne avec un autre amas massif proche. L'amas résultant a une masse de 825 000 milliards de masses solaires, avec plus de 4 000 galaxies membres. Au cours de son temps passé dans cet amas, notre galaxie atypique galaxie s'enflamme, 

- il y a 3,62 gigannées, la galaxie atteint le premier et unique péricentre et sa vitesse relative culminent à 3016,95 km s-1. Autour du péricentre, la galaxie perd une petite fraction de sa masse stellaire et presque toute sa matière noire en périphérie.

Après cette fusion, notre galaxie atypique a complètement traversé le nouvel amas, apparemment sans interagir, puis sur son chemin vers l'apocentre, elle a ensuite subi une interaction non fusionnelle avec plusieurs membres de l'amas près de sa périphérie, puis elle a accéléré, dévié de son orbite initiale et a finalement quitté l'amas définitivement. 

- il y a 2,48 milliards d'années, alors que la galaxie atypique est en train de s'éloigner de son amas dans une direction, l'amas de galaxies déjà gigantesque fusionne avec un amas encore plus gros dans la direction opposée de notre galaxie. Il s'agit de l'amas le plus massif de la simulation Illustris TNG300 : il a une masse de 2,64 millions de milliards  M⊙ et un peu plus de 12 000 galaxies membres. Mais notre galaxie atypie est en train de s'en éloigner inéluctablement.

- Depuis les 2 derniers milliards d'années, la galaxie atypique est isolée, et restée largement inchangée, résidant juste à l'extérieur de l'amas le plus massif de la simulation.

Le résultat est donc une galaxie sans voisine proche qui a une masse stellaire de 6,8 milliards M, pas de gaz, et un ratio Mnoire/Mbaryonique de 1,31, des caractéristiques similaires à la galaxie bien réelle NGC 1277.

Pour qu'un tel scénario soit viable, la simulation nous montre donc que la galaxie doit avoir perdu son halo de matière noire très tôt, c'est-à-dire avant la formation d'amas de galaxies massifs. De cette manière, une galaxie peut devenir suffisamment compacte très tôt dans l'histoire cosmologique, ce qui lui permet d'éviter les fusions dans des environnements denses et d'interagir avec les membres de l'amas uniquement par le biais d'événements sans fusion. C'est au cours de ces interactions gravitationnelles sans fusion qu'elle a pu d'un côté perdre sa matière noire et de l'autre acquérir une trajectoire la menant à dévier son orbite pour finalement quitter son amas d'origine et se retrouver isolée.

Le caractère unique de la galaxie atypique trouvée dans la simulation (les chercheurs n'en ont vraiment trouvé qu'une seule parmi des millions) et son évolution particulière suggèrent que l'ensemble de la trajectoire évolutive, notamment dans la dernière phase du scénario, représente une série de circonstances particulières. Mais ces événements, bien que rares, sont physiquement fondés et cohérents avec le modèle cosmologique standard. 

NGC 1277 est donc conforme au modèle cosmologique de matière noire froide même si elle contient très peu de matière noire comparativement aux autres galaxies. 


Source

The isolated dark matter-poor galaxy that ran away, An example from IllustrisTNG

Ana Mitrašinović et al.

Astronomy&Astrophysics Volume 680 (7 December 2023)

https://doi.org/10.1051/0004-6361/202348417


Illustrations

1. NGC 1277 au sein de l'amas de Persée (NASA / ESA / M. Beasley, Instituto de Astrofísica de Canarias / P. Kehusmaa)

2. Evolution au cours du temps de la masse des différentes composantes de la galaxie atypique trouvée dans la simulation (Ana Mitrašinović et al.)

3. Ana Mitrašinović



07/12/23

Des composés azotés dans les échantillons de l'astéroïde Ryugu


L'analyse des petits échantillons de l'astéroïde Ryugu révèlent une quantité de composés azotés étonnante. Cela indique que l'azote terrestre aurait pu avoir une origine directement liée aux météorites provenant de l'extérieur du système solaire. L'étude des chercheurs japonais qui arrivent à cette conclusion est publiée dans Nature Astronomy

05/12/23

Mesure inédite du ringdown dans GW190521 et réévaluation à la hausse de la masse du trou noir résultant


GW190521 est la détection gravitationnelle de la fusion de trous noirs les plus massifs à ce jour menant à un trou noir de 142 masses solaires. Plus de quatre ans après sa détection, des physiciens ont réanalysé les données et ils parviennent à isoler le signal de ringdown qui a suivi la fusion, le signal d'ondes gravitationnelles qui correspond au moment où le trou noir final reprend une forme parfaitement sphérique. C'est la toute première fois que l'on parvient à observer ce signal spécifique, qui nous permet de vérifier à nouveau la théorie de la relativité générale. L'article est paru dans Physical Review Letters la semaine dernière.   

03/12/23

Découverte d'une planète trop massive autour d'une étoile naine


Mais que se passe-t-il avec les exoplanètes ? On en découvre des trop denses, des pas assez denses, des trop chaudes, ou pas assez, et voilà maintenant que nous découvrons une planète bien trop massive pour l'étoile autour de laquelle elle évolue. L'étoile nommée LHS 3154 est une naine de type M qui a une masse de 0,11 masse solaire et sa planète LHS 2154 b est aussi massive que Neptune... La découverte est publiée dans Science cette semaine et pose de grandes questions aux spécialistes de la formation planétaire. 

01/12/23

Deux sources radio persistantes associées à des Fast Radio Bursts répétitifs


Alors que je m'apprêtais à vous relater un article paru le 27 novembre au sujet de la source radio persistante qui est observée à proximité immédiate du célèbre FRB répétitif FRB 20121102A, aujourd'hui sort un autre article qui fournit la caractérisation de la seule autre source radio persistante coïncidant avec la position d'un FRB répétitif : FRB 20190520B. On va donc parler des deux études qui sont assez similaires, sur des FRB très ressemblants, et menant à une conclusion convergente...