lundi 27 avril 2015

Des galaxies isolées, seules, à la dérive dans le milieu intergalactique...

On connaissait les planètes errantes, expulsées de leur système solaire et vagabondant dans le vide interstellaire..., on connaissait les étoiles fugitives, éjectées de leur galaxie à grande vitesse et subissant le même sort..., on connaissait les trous noirs supermassifs, errants eux aussi, projetés à grande vitesse lors de fusions de galaxies... et bien il faut désormais aussi compter sur des galaxies errantes, devenues désespérément seules, éjectées de leur amas de galaxies sans plus de politesse...


Vue d'artiste du phénomène d'ejection d'une galaxie elliptique compacte par une interaction gravitationnelle à trois corps (ESA/NASA/ Andrey Zolotov)
C'est en 2013 que le premier spécimen de galaxie elliptique compacte complètement isolée fut observé. Alors que les astronomes pensaient jusque là que ce type de galaxies étaient des galaxies qui avaient dû être dépouillées de grandes quantités d'étoiles par de plus grosses galaxies, ce cas isolé posait question. Comment avait-elle pu être produite, se retrouvant seule comme ça ? Une équipe d'astronomes s'est donc fixé comme objectif de répondre à cette question. Ils ont pour cela exploré de grandes quantités de données préexistantes à la recherche de galaxies de ce type rare d'elliptiques compactes.
Ils ont exploité ce qu'on appelle l'Observatoire Virtuel, qui n'est autre qu'une gigantesque base de données astronomiques, et plus particulièrement des données optiques provenant du Sloan Digital Sky Survey (SDSS) et des données en ultra-violet provenant du télescope GALEX (GALaxy Evolution eXplorer).

Ils  ont  trouvé 195 nouvelles galaxies compactes elliptiques, venant s'ajouter aux 30 déjà connues. La plupart d'entre elles se trouvent situées au sein d'amas de galaxies, mais 11 parmi celles-ci sont totalement isolées, en dehors de tout amas, mais avec des propriétés tout à fait identiques à celles contenues dans des amas.
Les deux astronomes russes travaillant l'un aux Etats-unis et l'autre en France publient leur étude dans la revue Science et y concluent que ces petites galaxies étaient auparavant comme les autres au sein d'amas de galaxies, et qu'elles ont effectivement perdu une belle quantité d'étoiles récupérées par une galaxie plus grosse, comme pour les autres compactes elliptiques, mais qu'elles ont dû rencontrer une troisième galaxie à un moment de leur histoire, et cette rencontre a été fatale. L'interaction gravitationnelle à trois corps, dont deux de masse beaucoup plus importante que la troisième a eu pour effet d'éjecter littéralement la petite galaxie compacte. 
Les astronomes ont produit un visuel pour expliquer le phénomène (voir l'image).

C'est exactement le même phénomène que ce qui se passe lors de l'éjection d'une planète en dehors d'un système planétaire ou de celle d'une étoile en dehors d'un système multiple. 
Evidemment, ce qui est nouveau, c'est qu'il s'agit ici de toute une galaxie qui se retrouve propulsée dans le milieu intergalactique à grande vitesse, et se retrouve totalement isolée.

Les auteurs fondent leur proposition sur une estimation de la probabilité d'une rencontre à trois corps au sein d'un amas de galaxies et avec l'aide de simulations numériques. Sur la durée de vie d'une galaxie elliptique compacte, qui vaut 2 milliards d'années environ, une grosse galaxie autour de laquelle gravite la petite galaxie elliptique compacte, doit avoir subi en moyenne trois à quatre fusions avec des galaxies massives de plus de 10 milliards de masses solaires. En considérant que la galaxie compacte se trouve sur une orbite quasi-circulaire avec un rayon de 120 kpc (400 000 années-lumière), que la troisième galaxie peut provenir de n'importe quelle direction et qu'une interaction gravitationnelle à trois corps se produit à une distance minimale de 20 kpc, les astronomes obtiennent une probabilité d'occurrence du phénomène de 6 à 8% (pour 3 ou 4 fusions de galaxies).  

Selon Igor Chilingarian et Ivan Zolotukhin, les galaxies elliptiques compactes qui sont observées isolées ont bel et bien une origine commune à celles qui sont observées au sein des amas, mais elles ont subi une éjection lors d'une interaction gravitationnelle entre grosses galaxies. Il apparaît que c'est une chance de survie pour ces galaxies, qui, si elles étaient restées au sein de l'environnement violent d'un amas de galaxies, auraient fini complètement dépouillées de leurs étoiles par les grosses galaxies environnantes en quelques milliards d'années.
Elles ont survécu mais sont maintenant bien seules, à la dérive pour toujours...


Sources : 

Isolated compact elliptical galaxies: Stellar systems that ran away
Igor Chilingarian, Ivan Zolotukhin
Science Vol. 348 no. 6233 pp. 418-421 (24 April 2015)


Stripped and cast out, the universe's loneliest galaxies
Daniel Clery
Science News (23 April 2015)

samedi 25 avril 2015

Quizz Astro n°6

Vous avez été 11 cette semaine a avoir trouvé au moins 8 bonnes réponses! Félicitations à tous les participants (car l'essentiel est bien là). Bravo tout de même à PL56 (10), zac (10), Alain (10), Ryuzaki21 (9), Marc T (9), rene66 (9), Ad (9), yuhn (8), K (8),  mf (8), curu (8). 
Alors, on y retourne tout de suite, avec 10 nouvelles questions, tiens...




jeudi 23 avril 2015

Les américains accélèrent la recherche sur les neutrinos

Déménager toute une expérience de physique d'un continent à l'autre n'est ni banal ni anodin. On vient d'apprendre que l'expérience européenne ICARUS, dédiée à la recherche sur l'oscillation des neutrinos, et jusqu'alors implantée au laboratoire italien du Gran Sasso, allait migrer au Etats-Unis, pour être installée au célèbre FermiLab près de Chicago.


Le détecteur de neutrinos ICARUS au laboratoire
du Gran Sasso (INFN)
ICARUS a fonctionné au Gran Sasso durant 4 ans, entre 2010 et 2014 et tous ces équipements, ces détecteurs, sont aujourd'hui au CERN pour être mis à niveau. ICARUS mesurait des neutrinos produits par l'Homme, des neutrinos fabriqués au CERN, justement, grâce à un faisceau de particules. C'étaient les mêmes neutrinos que ceux qui avaient été mesurés comme étant supraluminiques fin 2011, souvenez-vous...
C'est dans le but avoué de trouver un nouveau type de neutrino que l'équipe européenne s'est laissée convaincre d'installer ses détecteurs à argon liquide auprès de l'accélérateur de FermiLab. Mais cette fois-ci, ICARUS ne sera donc pas à plus de 700 km de la source de neutrinos, mais tout près.
Le comité des programmes scientifiques de Fermilab a récemment proposé un programme, dirigé par le physicien américain Peter Wilson, pour installer non pas un mais trois gros détecteurs à proximité de l'un des sept grands accélérateurs du Fermi National Accelerator Laboratory (FermiLab pour les intimes), en plein dans le faisceau de neutrinos. Le but est clairement affiché : déterminer si oui ou non un 4ème neutrino, stérile, existe.
La raison qui pousse les américains à chercher le neutrino stérile (qui rappelons-le, est dit stérile car il n'interagirait strictement avec rien, sauf la gravitation), c'est que des indices ont été observés il y a presque 20 ans maintenant, dans deux expériences américaines : LSND (Liquid Scintillator Neutrino Experiment) à Los Alamos, et MiniBooNE à Fermilab déjà.
Ce qu'avaient entrevu ces deux expériences c'est une disparition de neutrinos "normaux" à courte distance de leur point de production. Ils auraient pu osciller vers le fameux état "stérile" et ainsi disparaître des écrans radar des détecteurs...
Inutile de préciser que l'existence d'un tel neutrino stérile chamboulerait pas mal le petit monde de la physique des particules, mais aussi celui de l'astrophysique, avec des implications multiples, à commencer par une nouvelle voie possible pour expliquer la masse manquante dans l'Univers. L'enjeu est plus qu'important.
ICARUS formera donc l'un des trois gros détecteurs, les deux autres sont tout d'abord le détecteur SBND (Short Baseline Neutrino Detector), avec ses 260 tonnes d'argon liquide, et qui sera situé le plus près dans le faisceau de neutrinos. SBND permettra de détecter les neutrinos du faisceau avant même qu'ils aient pu se transformer d'une espèce à l'autre (les trois espèces standard sont le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tauique). SBND est encore en cours de construction par morceaux, entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse.
Un peu plus loin dans le faisceau, se trouvera un détecteur déjà existant, qui s'appelle MicroBooNE, qui est le successeur de MiniBooNE, et qui fait tout de même une jolie masse de 170 tonnes. MicroBooNE est dédié exclusivement à la mise en évidence d'un neutrino stérile. Enfin, c'est encore un peu plus loin dans le faisceau que sera positionné ICARUS, ses 20 m de long et ses 760 tonnes.  L'une des raisons pour lesquelles les physiciens d'ICARUS ont décidé de quitter le faisceau du CERN au profit de celui de FermiLab est que le faisceau du CERN n'était pas adapté pour la recherche du neutrino stérile. Il faut pouvoir se placer relativement à courte distance du lieu de production des neutrinos. Or au Gran Sasso, ICARUS se trouvait à 730 km de la source de neutrinos, bien trop loin.

Ce qui est passionnant dans cette montée en puissance de FermiLab dans la recherche sur les neutrinos, c'est qu'ils ont su faire travailler ensemble trois expériences, suffisamment différentes pour être totalement complémentaires. Les trois détecteurs devraient voir ensemble leurs premiers neutrinos à partir de 2018.
Et les américains ne s'arrêtent pas là. Ils ont vraiment décidé de mettre le paquet sur la recherche consacrée aux neutrinos de tous poils. En effet, à l'instar de ce qui se fait entre le CERN et le labo souterrain du Gran Sasso, les américains vont également installer des détecteurs à très longue distance pour étudier les oscillations des neutrinos produits à FermiLab, mais avec une distance encore plus grande, bien sûr.

Schéma du principe de mesure du faisceau de neutrino à très longue distance (Fermi National Accelerator Laboratory)
Cette fois-ci, c'est une expérience en cours de projet qui va être transformée pour être boostée : LBNE (Long Baseline Neutrino Experiment) va devenir DUNE (Deep Underground Neutrino Experiment). La nouvelle collaboration a déjà gagné environ 50 nouvelles institutions partenaires depuis le début de l'année... DUNE sera l'expérience la plus puissante dans la recherche sur les neutrinos, avec une distance de plus de 1200 km séparant un premier détecteur situé à FermiLab et le second, gigantesque (10000 tonnes), situé dans le laboratoire souterrain de Sanford dans le Dakota du Sud. 
Grâce à ces installations, les physiciens vont pouvoir étudier les oscillations des neutrinos avec un luxe de précision encore jamais atteinte. Et grâce à ses nouveaux partenaires, DUNE voit aujourd'hui la participation de 148 institutions de 23 pays différents, autant dire toute la communauté mondiale des neutrinos... 
Les physiciens vont travailler d'arrache-pied pendant plusieurs années pour mettre en service au plus vite cette grosse machine, qui sera immanquablement à l'origine de découvertes surprenantes, mais malheureusement pas avant 2021.

Les américains semblent en tous cas avoir repris la main sur la physique des neutrinos, si ce n'est sur la physique des particules, 4 ans après l'arrêt de leur collisionneur emblématique, le Tevatron, le 30 septembre 2011, après 28 ans de collisions de protons/antiprotons.


Sources :

Italian neutrino experiment to move to the US
Kathryn Jepsen
Symmetry Magazine

The dawn of DUNE
Jennifer Huber and Kathryn Jepsen
Symmetry Magazine

mardi 21 avril 2015

Simulation réaliste (et observation) d'un couple de trous noirs supermassifs en voie de fusion

Presqu'au même moment où l'on apprend la mise en évidence de ce qui ressemble au couple de trous noirs supermassifs le plus serré "vu" à ce jour, une équipe de chercheurs américains publie ses résultats sur des simulations innovantes, justement appliquées à la fusion de deux trous noirs supermassifs très très proches l'un de l'autre.




C'est la première fois qu'une telle simulation est effectuée, prenant en considération toutes les subtilités des équations de la Relativité Générale. L'équipe de Stuart Shapiro, de l'université d'Illinois s'est attachée à simuler à la fois les phénomènes gravitationnels, mais aussi les rayonnements des disques de matière magnétisée accompagnant les deux trous noirs, en appliquant les équations magnétohydrodynamiques en champ gravitationnel relativiste. Ils parviennent ainsi à produire un rendu en 3 dimensions, qu'ils ont produit sous forme d'une animation, d'une part montrant le mouvement des corps, et d'autre part l'évolution de l'émission d'ondes gravitationnelles qui accompagne inéluctablement une telle fusion de trous noirs, surtout lorsqu'ils sont supermassifs (voir ci-dessous). 

Evolution dynamique des trous noirs et des champs magnétiques :



Emissions d'ondes gravitationnelles : 



Ces animations viennent d'être présentées lors d'une conférence de l'American Physical Society, à Baltimore, la semaine dernière.

Le tout nouveau couple putatif de trous noirs supermassifs très proches l'un de l'autre serait formé de deux bébés de 10 milliards de masses solaires, et découvert grâce à l'observation de signaux périodiques en provenance d'un quasar situé à plus de 10 milliards d'années lumière et qui répond au nom de PSO J334.2028+01.4075. Cette étude est, quant à elle, parue également la semaine dernière, dans The Astrophysical Journal Letters.

Normalement, l'intensité lumineuse d'un quasar est variable, mais elle varie aléatoirement, sans aucune logique. Ce qu'ont observé Tingting Liu de l'université du Maryland et son équipe, grâce au télescope hawaïen Pan-STARRS (Panoramic Survey Telescope & Rapid Response System, c'est la présence d'une variation périodique dans le signal lumineux de PSO J334.2028+01.4075, avec une période de 542 jours. La seule solution possible à ce phénomène périodique selon les auteurs est l'existence d'un système binaire de trous noirs supermassifs. Et la période orbitale permet d'en déduire la masse et la distance qui sépare les deux objets. Cette distance de séparation ne vaudrait d'après les auteurs que 7 fois le rayon de Schwartzchild, soit à peine 0,02 années-lumière. C'est si proche qu'on peut parler en kilomètres... ça fait 186 milliards de kilomètres.
Ce qui conforte également Tingting Liu et ses collègues, c'est que ce couple de trous noirs supermassifs (ce quasar, en fait) se trouve exactement à l'époque de ce qu'on appelle le pic de fusions de trous noirs supermassifs, là où ce type d'événements est le plus fréquent.
La recherche systématique de variations périodiques de quasars n'en est qu'à ces tout débuts. La suite du programme initié avec le télescope PanSTARRS devrait étudier environ 1000 quasars répartis sur 80 degrés² du ciel, et en 2023, la Large Synoptic Sky Survey fera le même type de recherches mais avec un volume plus de 1000 fois plus grand, devrait suivre plusieurs dizaines de millions de quasars et trouver probablement plusieurs milliers de couples de trous noirs supermassifs par cette méthode.

Si la chance nous sourit, nous pourrons peut-être assister dans quelques années en direct à la fusion de deux trous noirs supermassifs qui auront été découverts juste avant leur tango infernal, et nous pourrons alors confronter les belles simulations avec la réalité.

Sources : 

3D simulations of colliding black holes hailed as most realistic yet
Ron Cowen
Nature (20 April 2015)

A periodically varying luminous quasar at z = 2 from the Pan-STARRS 1 Medium Deep Survey: a candidate supermassive black hole binary in the gravitational wave-driven regime
Tingting Liu et al.
The Astrophysical Journal Letters, 803:L16 (6pp),  20 April 2015

dimanche 19 avril 2015

Quizz Astro n°5

Vous avez été 8 a avoir trouvé plus de 8 bonnes réponses au Quizz n°4 consacré au télescope Hubble. Bravo à PL56 (10), Altair (10), curu (10), rene66 (9), Savate (9), Clemtroff (9), didier (9), mf (9).
Et bien, puisque c'est comme ça, on remet le couvert ! A vos souris.




vendredi 17 avril 2015

La différence de masse entre proton et neutron obtenue par calcul pour la première fois

Ça pourrait paraître trivial, mais ça ne l'est pas du tout ! Des chercheurs européens viennent de réussir à calculer avec une très bonne précision la différence de masse qui existe entre le proton et le neutron. Ils l'ont calculée uniquement grâce aux théories de l'électrodynamique quantique (la QED, qui décrit la force électromagnétique) et de la chromodynamique quantique (la QCD, qui décrit elle la force nucléaire forte).



La différence de masse existant entre un neutron et un proton vaut très exactement 0,14% de la masse moyenne du proton et du neutron (la masse du neutron vaut 939,565 MeV et celle du proton 938,272 MeV).
Cette petite différence de 1,29 MeV entre nos deux nucléons préférés est fondamentale pour nous tous. En effet, si cet écart de masse était différent, l'Univers ne ressemblerait pas du tout à ce que nous connaissons...
Si cette différence de masse était plus faible que la masse de l'électron (0,511 MeV), même très légèrement, les atomes d'hydrogène se seraient transformés immédiatement en neutrons + neutrinos, par un effet qu'on appelle la désintégration béta inverse (le proton et l'électron fusionnent). A l'inverse, si la différence de masse entre le neutron et le proton était inférieure à sa valeur actuelle mais supérieure à la masse de l'électron, les conséquences seraient dramatiques : l'Univers primordial aurait rapidement et très efficacement produit une fusion de l'hydrogène en hélium, ne laissant presque plus d'hydrogène pour fournir du carburant aux étoiles, il n'y aurait pour ainsi dire pas existé d'étoiles. 
Et si l'écart de masse entre protons et neutrons était supérieure à ce qu'elle est, la synthèse des noyaux au delà de l'hydrogène serait très difficile, voire impossible, et donc adieu nos beaux atomes de carbone, d'oxygène et autres, adieu nos belles molécules...

Il y a deux contributions fondamentales à la différence de masse entre neutrons et protons, qui diffèrent, rappelons-le, seulement par un de leur trois quarks constitutifs (quarks u,u,d pour le proton et u,d,d pour le neutron) : ces deux contributions sont d'une part les interactions électromagnétiques entre les trois quarks et la différence de masse entre le quark Up (u) et le quark Down (d).
Ce qui est contre intuitif, c'est que, si le proton ne différait du neutron que par sa charge électrique positive et si cette charge était uniformément répartie, sa masse devrait être plus grande que celle du neutron, à cause de son énergie électrostatique additionnelle (selon Einstein, l'énergie est équivalente à la masse, faut-il le préciser, on exprime d'ailleurs les masses en unité d'énergie). Mais c'est là qu'intervient la structure interne des nucléons, avec leurs trois quarks et leur mer de gluons liant le tout. 


Selon le modèle théorique de la chromodynamique quantique (QCD), les quarks Up et Down se comportent de la même façon avec les gluons, qui sont les bosons médiateurs de la force nucléaire forte entre quarks. C'est le fait que le neutron a un quark Down en lieu et place d'un quark Up, qui le rend plus lourd que le proton : le quark Down se trouve être plus lourd que le quark Up. 
Mais cette vision des quarks est très simplifiée. Pour connaître exactement la différence de masse entre ces deux assemblages de quarks et de gluons que sont le neutron et le proton, les équations de la QED et de la QCD doivent être résolues en même temps. Et il n'y a pas que le neutron et le proton qui possèdent des quarks u et d, il existe aussi une flopée d'autres particules. 
Szabolcs Borsányi, de la Bergische Universität de Wuppertal et ses collègues européens, dont un physicien français de l'Université Aix-Marseille, se sont ainsi attaqué à la résolution de ces équations pour toute une série de particules composites dont le neutron et le proton. Ils ont pour cela profité des progrès gigantesques de la puissance de calcul informatique, qui n'était pas accessible il y a encore quelques années. 
Ecarts de masse calculés pour les couples neutron/proton (DN
mésons Sigma+-Sigma- (DS), Xi-/Xi0 (DX) ou mésons  D+/D0 (DD
) entre autres (Borsanyi et al.)


Ce qui est remarquable dans ces calculs, c'est que les physiciens ont utilisé avec succès une méthode parfois controversée qu'on appelle la renormalisation. Une partie de la masse des quarks Up ou Down est liée à l'énergie de leur champ électrique, qui est une auto-énergie, une quantité divergente, infinie. Mais des quantités finies  ayant un sens physique, peuvent en être extraites en calculant des changements (finis) de cette auto-énergie lorsque le quark se retrouve dans des environnements différents, comme par exemple dans différentes particules. C'est cela qu'on appelle la renormalisation. Le succès du résultat de Szabolcs Borsányi et ses collègues montre que c'est la bonne méthode, même si elle déconcerte pas mal de physiciens.
Szabolcs Borsányi et ses collègues ont donc réussi à calculer pour la première fois l'écart en masse du neutron et du proton, avec une incertitude de quelques dizaines de pourcents seulement, ce qui est une prouesse, et des incertitudes plus faibles pour d'autres particules, et même des prédictions pour des cas encore jamais mesurés expérimentalement.

Avec les progrès futurs de la puissance des ordinateurs, la précision obtenue par ces mêmes calculs pourra être encore grandement améliorée. Cette première est en tous cas un véritable jalon dans le domaine situé à la lisière de la physique des particules et de la physique nucléaire : inclure avec succès dans un même calcul la QED et la QCD avec de grands détails, deux théories si différentes dans leur approche calculatoire...

Grâce à ce type de calculs, la physique nucléaire risque bien de subir une petite révolution en atteignant un degré de précision accru, qui pourrait avoir des implications importantes pour l'astrophysique, par exemple pour l'étude précise des supernovae ou des étoiles à neutrons, qui sont aujourd'hui toujours difficiles à modéliser.


Source : 
Ab initio calculation of the neutron-proton mass difference
Sz. Borsanyi, et al.
Science Vol. 347 no. 6229 pp. 1452-1455 (27 March 2015)

lundi 13 avril 2015

Première carte détaillée de la répartition de Matière Noire

Des astrophysiciens du programme DES (Dark Energy Survey) viennent de rendre publique la première carte détaillée de la répartition de matière noire (ou carte des distorsions d'espace temps produisant des effets de microlentilles gravitationnelles si l'on préfère). Cette carte a été produite grâce à l'imageur le plus puissant existant actuellement, avec ses 570 Mégapixels.

Première carte de la distribution de matière noire sur une large zone par le Dark Energy Survey. L'échelle de couleur représente la densité de masse reconstruite (le rouge est le plus dense). Les amas de galaxies sont représentés par les points gris, plus ils sont gros, plus l'amas est grand. (Dark Energy Survey)
Cette nouvelle carte est la carte la plus étendue à ce jour avec autant de détails, et elle devrait permettre de mieux comprendre les liens existant entre la matière noire et la matière ordinaire. Le but ultime du programme DES n'est pas d'étudier la matière noire, mais de percer les secrets de l'énergie noire, cette (encore) mystérieuse énergie qui produit une accélération de l'expansion de l'Univers. Et pour étudier sereinement l'énergie noire, nous avons besoin de cartographier le plus précisément possible comment se répartit la matière, toute la matière, c'est à dire tout ce qui est suffisamment massif pour déformer l'espace-temps. Et ce sont ces petites déformations de l'espace-temps qu'est capable de voir le télescope de DES avec son imageur hors du commun.
L'équipe internationale menée par Vinu Vikram de Argonne National Laboratory, qui publie cette étude dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, a mesuré les distorsions à peine perceptibles des images de plus de 2 millions de galaxies durant plus d'un an pour construire cette nouvelle carte.

L'imageur de DES est monté sur un télescope relativement modeste de 4 m de diamètre, le télescope Victor Bronco situé à l'Observatoire inter-américain du Cerro Tololo au Chili. 
Cette carte de la matière noire via le micro-lensing exploite environ seulement 3% de la zone du ciel que DES couvrira durant sa mission de 5 ans... Grâce aux futures données de DES du même type, les scientifiques pourront mieux tester les théories cosmologiques actuelles en évaluant les quantités respectives de matière visible et invisible.

Pour l'instant, DES semble valider le concept actuel selon lequel les galaxies se forment là où il y a de fortes concentrations de masse (invisible) produisant des champs gravitationnels importants. Les cartes montrent de vastes zones en forme de filaments de matière le long desquels des galaxies et des amas de galaxies se trouvent, puis de vastes régions quasi-vides.
Des études complémentaires sur ces filaments et ces vides permettront de comprendre un peu mieux leur origine et surtout de mieux tester les différents modèles théoriques associés.

Source : 
Wide-Field Lensing Mass Maps from DES Science Verification Data
V. Vikram et al.
A paraître dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

dimanche 12 avril 2015

Quizz Astro n°4

Bon, OK, j'y suis allé un peu fort. Ce 3ème Quizz était sans doute un peu trop difficile car vous n'êtes que 2 à avoir trouvé 8 bonnes réponses ou plus... Bravo à PL56 (10) et rene66 (8). Un grand bravo aux 12 d'entre vous qui ont trouvé cette charade de derrière les fagots, où se cachait Subrahmanyan Chandrasekhar ! 

Cette semaine, ce sera plus facile, car il s'agit d'un quizz spécial Hubble, pour fêter ses 25 ans en orbite. A vos souris!
 


samedi 11 avril 2015

Le télescope spatial Hubble fête ses 25 ans en orbite.

Le télescope le plus connu du monde, le télescope spatial Hubble, fête aujourd'hui ses 25 ans en orbite. Pour célébrer cet anniversaire, je vous propose de replonger dans les origines de cet outil extraordinaire. 

Vidéo de la NASA, sous-titrée par mes soins... 

jeudi 9 avril 2015

CUORE au coeur de la recherche des neutrinos de Majorana

Les tout premiers résultats préliminaires d'une expérience de recherche de neutrinos de Majorana viennent d'être rendus publics. Cette expérience est appelée CUORE (Cryogenic Underground Observatory for Rare Events). Comme son nom l'indique, elle est située dans un laboratoire souterrain, et cherche des événements très rares avec des détecteurs refroidis à très très basse température. 



La tour de détecteurs de CUORE vue de dessous (INFN)
CUORE-0 (la toute première phase de cette expérience) est située dans le labo du Gran Sasso en Italie, ce qui est assez logique pour une expérience majoritairement italienne. Mais CUORE est tout de même une vraie collaboration internationale, avec une forte implication américaine.
CUORE cherche à mettre en évidence une désintégration radioactive très particulière : la désintégration double béta sans neutrinos. Cette désintégration produit normalement deux béta (des électrons) et deux antineutrinos. Elle a la particularité d'avoir une probabilité d’occurrence très faible, c'est à dire une période radioactive très très longue (dépassant le plus souvent 10 milliards de milliards d'années (vous avez bien lu)). Mais, si le neutrino peut être sa propre antiparticule, ce qui a été prédit par le physicien italien génial Ettore Majorana dans les années 1930, alors dans ce cas, les deux antineutrinos pourraient devenir en fait un neutrino et un antineutrino qui pourraient alors s'annihiler à l'intérieur même du noyau radioactif, ne laissant plus que les électrons sortir du noyau d'atome.

La découverte de l'existence d'un tel comportement de Majorana pour les neutrinos aurait un impact énorme, ses implications seraient nombreuses, à commencer par des pistes de compréhension de l'asymétrie observée entre matière et antimatière, ou pourquoi ne voit-on que de la matière dans l'Univers alors qu'il devait exister les deux types en quantité égales lors du big bang ?
Ces premiers résultats (négatifs) de CUORE-0 sont de deux ordres : tout d'abord ils permettent de fixer la contrainte la plus sensible à ce jour sur la masse que pourrait avoir un tel neutrino de Majorana. Ces résultats permettent ainsi de réduire grandement la zone de recherche pour ces particules, on sait maintenant un peu mieux où il faut chercher.
Le second enseignement des ces résultats de CUORE-0 est tout simplement la démonstration de l'efficacité du système de détection imaginé par les physiciens. Les détecteurs de CUORE sont un ensemble de cristaux de dioxyde de tellure en forme de 52 cubes, assemblés ensemble pour former une tour, plongée dans un cryostat à haute performance qui produit un refroidissement descendant jusqu'à 10 mK... le tout étant blindé contre tout type de rayonnement parasite venant de la radioactivité naturelle ou des rayons cosmiques et leur produits secondaires. 
Et ce ne n'est qu'une première étape car d'ici à la fin de 2015, CUORE sera équipée de 19 tours de 52 cristaux, augmentant ainsi sa sensibilité de près d'un facteur 20.
Il faut savoir que, si la désintégration double béta sans neutrinos existe bien dans le tellure-130, sa probabilité est extrêmement faible, donnant lieu à des événement vraiment rares, de l'ordre d'une fois par an dans une masse composée de 10^24 noyaux de tellure...
Les détecteurs de CUORE au sein desquels ont lieu les désintégrations radioactives qui sont mesurées très précisément sont ce qu'ont appelle des bolomètres. On y enregistre la moindre élévation de température provoquée par les désintégrations du Te-130. L'élévation de température est directement liée à l'énergie libérée au cours de la désintégration radioactive (l'énergie des électrons). On peut ainsi construire le spectre en énergie des événements de désintégration.
Diagrammes de Feynman des deux types de désintégrations double-béta.
La double désintégration béta avec neutrinos produit un large spectre continu, l'énergie étant partagée entre les électrons et les antineutrinos (et les antineutrinos s'échappent des détecteurs sans déposer la moindre énergie). Mais si c'est une désintégration double béta sans neutrinos qui a lieu, toute l'énergie de la désintégration se retrouve partagée seulement par les deux électrons et doit se déposer entièrement dans le détecteur, avec une valeur très bien définie, égale à 2528 keV. Le spectre en énergie doit dans ce cas montrer la présence d'un pic à cette énergie particulière. C'est précisément ce que recherchent les physiciens de CUORE.
Une telle expérience doit impérativement être installée à l'abri des moindres rayonnements parasites pouvant produire un signal aux environs de l'énergie scrutée. C'est pour se protéger des muons du rayonnement cosmique que les physiciens italiens et américains ont choisi la laboratoire souterrain du Gran Sasso, qui est par ailleurs très prisé par de nombreuses expériences recherchant la meilleure sensibilité, notamment les expériences de recherche directe de matière noire.

D'autres expériences se sont lancées depuis de nombreuses années dans cette quête du neutrino de Majorana. L'autre grande méthode, différente de la mesure de l'énergie des électrons émis, est une méthode radiochimique, qui consiste à mesurer la présence (en quantités infimes) des noyaux formés par les désintégrations. 
Il existe dans la nature 11 noyaux radioactifs différents susceptibles de produire une désintégration double-béta avec (ou sans) antineutrinos. Parmi les 11 noyaux sujets à désintégration double-béta, ceux qui sont très intéressants à utiliser pour faire des détecteurs à part entière ou insérés dans des systèmes de détection sont, outre le tellure-130 : le xénon-136 (exploité par les expériences EXO et KamLand), le germanium-76 (utilisé par les expériences GERDA et MAJORANA), ainsi que le molybdène-100, le sélenium-82 ou le néodyme-150, explorés par l'expérience NEMO).

Avec ces nouveaux résultats, CUORE se place comme l'expérience la plus sensible au monde dans la recherche de la désintégration double béta sans neutrinos et risque bien de tenir son rang un bon moment suite à sa mise en oeuvre complète dans les mois qui viennent.


Source : 
For Ultra-cold Neutrino Experiment, a Successful Demonstration
Berkeley Laboratory
http://newscenter.lbl.gov/2015/04/09/for-ultra-cold-neutrino-experiment-a-successful-demonstration/

mercredi 8 avril 2015

Des molécules organiques complexes découvertes dans un disque protoplanétaire

Voilà encore une première... Et pas des moindres... une équipe d'astronomes américano-néérlando-japonaise vient de publier dans Nature la découverte de la présence de molécules organiques complexes, au sein d'un disque protoplanétaire entourant une étoile toute jeune. Cette découverte a été réalisée avec le réseau de radiotélescopes ALMA dont nous avons déjà souvent parlé ici.



Illusration de la molécule CH3CN (ESO)

L'étoile en question est nommée MWC 480 (MWC signifiant Mount Wilson Catalogue). Autour de MWC 480 se trouve un disque de poussières nouvellement formé, qui ressemble un peu à la ceinture de Kuiper entourant notre soleil. Et dans le cas de MWC 480, on ne trouve pas que de l'eau en grandes quantités mais de du cyanure de méthyle (CH3CN) et du cyanure d'hydrogène (HCN).  La quantité de cyanure de méthyle mise en évidence est suffisante pour remplir tous les océans terrestres... L'équipe d'astrochimistes comme on peut les appeler, menée par Karin Oberg du Harvard Smithonian Center for Astrophysics, montre pour la première fois qu'on retrouve des compositions chimiques similaires à ce qui est observé dans les comètes de notre propre système solaire, mais autour d'une étoile récemment formée, située à 455 années-lumière, dans une zone de formation d'étoiles (observable dans le Taureau). MWC 480 n'a seulement que 1 million d'années (à comparer aux 4,6 milliards du soleil). Ce disque protoplanétaire est très jeune, s'étant récemment agrégé à partir d'une nébuleuse de gaz et de poussières, et aucune trace de planète n'a encore pu y être trouvée.

En fait les astronomes savent depuis un moment que les nuages de gaz et de poussière froids sont les lieux idoines pour servir de véritables usines à molécules organiques complexes. Et ce qui rend très très intéressante la molécule de cyanure de méthyle, c'est qu'elle contient des liaisons carbone-azote, qui sont essentielles à la formation d'acides aminés, les bases de l'ADN et de l'ARN et des protéines.
Karin Oberg
(Harvard Smithonian Center for Astrophysics)

Jusqu'à aujourd'hui (ou plutôt jusqu'à hier), on ne savait pas si de telles molécules organiques complexes pouvaient se former en quantité et survivre dans un environnement de rayonnement intense et d'ondes de choc, si prompts à détruire les moindres liaisons chimiques. On sait aujourd'hui que c'est tout à fait possible et que cela semble même être très efficace. Il apparaît que ces molécules organiques sont beaucoup plus abondantes dans ce type de nuages protoplanétaires que dans des nuages interstellaires, et qui plus est, il semble aussi que ces disques protoplanétaires permettent de produire de telles molécules dans un temps relativement court.


C'est à une distance comprise entre 4,5 et 15 milliards de kilomètres (entre 30 et 100 U.A) de l'étoile qu'ont été détectées les grandes quantités de cyanure de méthyle, ce qui correspond à la zone de formation des comètes pour MWC480, qui est deux fois plus massive que le soleil.
Les astronomes estiment que toutes ces molécules organiques, dans la suite de l'évolution de ce système planétaire, vont se retrouver au sein de petits corps de type comètes, qui pourront dans un futur plus lointain ensemencer d'autres corps plus gros comme des planètes...
Une chose est désormais certaine : la chimie organique qui a donné naissance aux molécules qui nous composent existe bien ailleurs dans l'Univers. On pouvait s'en douter, mais c'est toujours mieux dans avoir une preuve observationnelle. 

Sources : 
Complex Organic Molecules Discovered in Infant Star System 

Cometary Composition of a Protoplanetary Disk as Revealed by Complex Cyanides
K.I. Öberg et al
Nature 520, 198–201 (09 April 2015)

dimanche 5 avril 2015

Quizz Astro n°3

Incroyable! Vous êtes encore 125 a avoir participé au Quizz Astro cette semaine, mais vous êtes plus forts encore avec 19 d'entre vous (non anonymes) a avoir obtenu plus de 8 bonnes réponses sur 10. Un grand bravo à Michel V. (10), moriquendi (10), PL56 (10), jeanber06 (10), babayaya (10), dominique b. (10), ricounet (10), VanV' (9), Dr Goulu (9), yuhn (9), rene66 (9),  Clemtroff (9),  Newton1634 (9), Redda Jebbor (8), didier (8), thot (8), curu (8), Riuzaki21 (8), KP(8).

Prêts pour un nouveau défi ? c'est parti ! 



mercredi 1 avril 2015

Les RR Lyrae ne sont plus seules

Certaines étoiles sont très particulières, c'est le cas des étoile du type RR Lyrae. Ces étoiles sont particulières car ce sont des étoiles variables, pulsantes. Leur luminosité varie périodiquement, en même temps que leur température et probablement leur diamètre. La première du genre, qui a donné son nom à ce type, est située dans la constellation de la Lyre, et sa nature variable fut découverte par l'écossaise Williamina Fleming en 1901. Les RR Lyrae sont particulières aussi par ce qu'elles sont très très vieilles : elles ont l'âge de la galaxie, soit pas loin de 13 milliards d'années. Et sur 100000 RR Lyrae connues, une seule était jusqu'à aujourd'hui connue pour former un couple avec une autre étoile, ce qui était un véritable mystère, les systèmes binaires étant une configuration très courante habituellement.


Après de longues années d'études, une équipe d'astronomes internationale vient de montrer pour la première fois que, oui, les RR Lyrae ressemblent en fait aux autres étoiles et peuvent vivre en couple.
Carte du ciel dans la zone du bulbe central de la Voie Lactée. Les positions des RR Lyrae binaires sont représentées par des points rouges.  La zone couverte vaut 20 x 15 degrés. Credit: D. Minniti/Royal Astronomical Society
C'est dans une letter publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vénérable revue britannique d'astronomie, que Gergely Hajdu, du Millennium Institute of Astrophysics au Chili, et ses collaborateurs, décrivent l'observation de 20 étoiles RR Lyrae en systèmes binaires. Il faut se rappeler à quel point les systèmes binaires sont importants, car ils permettent, grâce à l'étude de leur propriétés orbitales, de connaître par exemple les masses très précises des deux compagnes. La masse était jusqu'alors un paramètre mal connu pour les RR Lyrae, justement du fait que nous n'en connaissions pas de systèmes binaires. Comme nous l'avons dit les RR Lyrae sont les étoiles les plus vieilles de la galaxie et renferment donc quelques précieux secrets sur les débuts de la Voie Lactée que nous aimerions connaître, curieux que nous sommes. 

Parmi les 20 candidates RR Lyrae détectées en couple, l'équipe menée par Hajdu en a identifié 12 dont les observations fournissent un très haut niveau de confiance, les 8 autres étant un peu moins certaines.
Les astronomes ont exploité une méthode peu banale, appelée la méthode de l'effet du temps de trajet de la lumière. Comme l'étoile est variable, montrant des pulsations d'intensité, si elle tourne autour d'une étoile compagne, il doit exister des différences infimes dans le temps de trajet de la lumière, au cours du mouvement de l'étoile sur son orbite, et qu'on peut retrouver sous forme de variations de la phase de la pulsation de l'étoile.
Ils ont exploité les données du projet polonais OGLE basé sur des observations du télescope Warsaw de l'observatoire de Las Campanas au Chili, en analysant près de 2000 RR Lyrae situées dans la zone centrale de la Galaxie. La difficulté est venue du fait que la quasi totalité des 20 RR Lyrae binaires trouvées montrent une période orbitale très longue, de plusieurs années, ce qui implique la nécessité d'observer ces objets sur de très longues durées pour pouvoir les caractériser. Le fait que leur période orbitale soit grande veut dire que l'étoile compagne se trouve assez loin de la RR Lyrae. 

Quand bien même, l'information orbitale va désormais pouvoir être connue pour 20 RR Lyrae, ce qui augmente d'un facteur 20 d'un coup le nombre de RR Lyrae binaires connues, et on va enfin pouvoir mesurer des choses directement, comme en premier la masse de ces étoiles, mais aussi pourquoi pas leur diamètre. Jusqu'ici, ces paramètres physiques étaient avant tout des résultats de théorie.

Les auteurs estiment, à partir de cet échantillon observé, la proportion globale de RR Lyrae qui doivent exister en systèmes binaires et trouvent le chiffre de 4% pour limite basse. Une proportion qui reste faible, certes, qui pourrait tout à fait être revue encore à la hausse à l'avenir si d'autres découvertes apparaissent. Les 20 nouvelles candidates vont maintenant subir des observations plus poussées avec des techniques différentes comme la spectroscopie et l'astrométrie, dans le but d'en extraire le maximum d'informations.

Source :
New RR Lyrae variables in binary systems
G. Hajdu et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 449, pp. L113-L117, 2015