L'actualité voudrait que je vous
raconte que Kepler vient de faire une nouvelle découverte passionnante,
rendez-vous compte, un système planétaire qui tourne autour de deux étoiles (un
système binaire). Mais comme vous le savez, je l'ai déjà évoqué ici, la découverte de nouveaux systèmes
planétaires, fussent-ils autour d'un couple d'étoiles, n'est pas très
intéressant en soi, étant donné qu'il en existe des milliards, et que les étoiles
vivent principalement en couple, il n'y a donc rien de très étonnant dans
l'observation de Kepler-47, si ce n'est le début d'une longue série de
découvertes du même genre qui vont se succéder à un rythme toujours plus
soutenu.
Vue très artistique! du système produisant des ondes gravitationnelles |
C'est d'un autre système binaire
dont je vais vous parler et d'une découverte bien plus intéressante, à savoir
la mise en évidence d'ondes gravitationnelles produites non pas par un couple
de trous noirs, comme on pourrait s'y attendre mais par un couple de naines
blanches (l'histoire ne dit pas si des planètes gravitent autour de ce
système).
Les ondes gravitationnelles sont
une manifestation de l'espace-temps tel qu'il est décrit par la théorie de la
relativité d'Einstein. Elles n'ont encore jamais été observées de manière
directe, mais on peut en mesurer l'existence de manière indirecte. C'est ce qui
vient d'être fait par une équipe d'astronomes américains.
Que faut-il pour produire de
telles vibrations de l'espace-temps ? Il faut des objets compacts (denses) en
mouvement rapide, c'est tout. Les prédictions théoriques montrent que les
meilleurs candidats à la production d'ondes gravitationnelles sont ainsi des
couples d'étoiles à neutrons ou de trous noirs stellaires, qui par leur
rotation très rapide l'un autour de l'autre peuvent produire ces vagues tout en
perdant de l'énergie gravitationnelle. Ils tombent inexorablement l'un sur
l'autre.
Le système binaire de naines
blanches J0651, situé à seulement 3000 années-lumières de nous, a été découvert
l'année dernière par des astronomes du Harvard-Smithsonian
Center for Astrophysics et a été étudié depuis en mesurant la rotation des
deux étoiles l'une autour de l'autre.
Ce système est extrêmement serré,
imaginez : les étoiles sont séparées par seulement un tiers de la distance
Terre-Lune, soit environ 150 000 kilomètres, une broutille à l'échelle
stellaire. C'est mille fois moins que la distance qui nous sépare du Soleil. Et
elles sont si étroitement serrées qu'elles tournent l'une autour de l'autre en
seulement 13 minutes! Il y a ainsi une éclipse toutes les 6 minutes.
J.J. Hermes et ses collaborateurs
ont montré, en mesurant le temps séparant chaque éclipse, que cette durée ne
cessait de diminuer. Par rapport aux premières mesures effectuées en avril 2011
lors de la découverte du système, les éclipses actuelles arrivent déjà 6
secondes plus tôt. En perdant de l'énergie par émission d'ondes
gravitationnelles, les étoiles se rapprochent et leur rotation s'accélère, ce
qui produit la diminution observée de l'intervalle entre deux éclipses.
J0651 va donc devenir une cible
de choix pour les instruments de mesure d'ondes gravitationnelles qui essayent
d'en détecter directement, tant bien que mal, sur Terre, comme les expériences
VIRGO ou LIGO. Les astrophysiciens menés par Hermes vont quant à eux poursuivre
leurs mesures de périodes de rotation sur J0651, en espérant pouvoir observer
une accélération toujours plus marquée et évaluer l'énergie gravitationnelle
perdue avec toujours plus de précision.
Malheureusement, on ne devrait
pas pouvoir assister dans un avenir proche à la fusion (inéluctable) des deux
étoiles, cette fusion devant avoir lieu dans environ 2 millions d'années au
rythme actuel...
Source :
Rapid Orbital Decay
in the 12.75-minute WD+WD Binary J0651+2844
J. J. Hermes et al.
ArXiv, soumis à Astrophysical Journal Letters