27/02/17

Les trous noirs de LIGO n'étaient pas des trous noirs primordiaux


L’idée selon laquelle les deux trous noirs détectés par LIGO en septembre 2015 pouvaient être des trous noirs primordiaux, et expliquer en partie le mystère de la matière sombre, est apparue peu de temps après leur découverte. Cette hypothèse vient aujourd'hui d’être rejetée catégoriquement par des observations de microlentilles gravitationnelles.




C’est la masse relativement élevée des deux trous noirs qui avait intrigué plus d’un astrophysicien : 29 et 36 masses solaires, des masses a priori peu couramment rencontrées dans les populations de trous noirs stellaires. Or il se trouve que certaines théories prévoient l’apparition de petits trous noirs au tout début de l’Univers et ceux-ci, après avoir évolué durant quelques milliards d’années auraient eu des masses comprises entre 10 et 200 masses solaires avec un pic de probabilité aux environs de 30 masses solaires. C’était donc tentant de voir dans la découverte de LIGO les premiers spécimens d’une telle population.  Qui plus est, ces trous noirs primordiaux, dans cette théorie, devraient exister en très grand nombre, ce qui fait que toute cette masse invisible, au final, participerait à une fraction non négligeable de la matière sombre (ou noire), si activement recherchée.
Mais de telles populations de trous noirs de quelques dizaines de masses solaires, si ils existent en grand nombre, doivent aussi laisser une trace sur la lumière qui se propage dans l’Univers, par ce qu’on appelle le phénomène relativiste de lentille gravitationnelle, ou de microlentille gravitationnelle plus précisément. Des objets compacts comme les trous noirs dévient la lumière d’objets situés à l’arrière-plan en la refocalisant, un phénomène bien compris et exploité massivement aujourd’hui en astrophysique pour explorer les plus lointains objets.

C’est en partant de ce constat qu’une équipe d’astronomes espagnols a recherché des signes de microlentilles gravitationnelles  en observant une population de 24 quasars distants subissant déjà une lentille gravitationnelle par une galaxie. Ils ont étudié la lumière à la fois dans les longueurs d’ondes visible et en rayons X. A partir de l’observation des caractéristiques des lentilles gravitationnelles étudiées, les chercheurs ont simulé l’effet de la présence d’une multitude d’objets compacts en faisant varier leur nombre et leur masse jusqu’à retrouver les observations. Leurs analyses leur permettent ainsi d’évaluer précisément quelle est l’abondance et la masse des objets compacts présents dans les 24 galaxies lentilles évaluées, et ce sur une grande plage de masse pour les objets compacts considérés.
La conclusion de Evencio Mediavilla et ses collaborateurs  est sans appel : la fraction de la masse défléchissante constituée d’objets compacts (trous noirs ou autres) est négligeable en dehors de la plage de masse comprise entre 0,05 et 0,45 masses solaires.  Par ailleurs, la masse formée par des objets compacts se monte à 20% ±5% de la masse totale des galaxies lentilles, ce qui est tout à fait conforme à ce que les chercheurs attendaient et qui correspond simplement à la masse des étoiles, donc sans avoir recours à des trous noirs supplémentaires qui seraient primordiaux…

Référence

Limits on the Mass and Abundance of Primordial Black Holes from Quasar Gravitational Microlensing
E. Mediavilla et al.
The Astrophysical Journal Letters, 836:L18 (20 février 2017)


Illustration

Simulation des trous noirs fusionnant détectés par LIGO le 14 septembre 2015 (LIGO/Caltech)

2 commentaires :

Dysgraphique a dit…

Est ce que ce n'est pas une étude similaire qui avait permis d'étudier déjà par le passé l’hypothèse MACHO versus l'hypothèse WIMP pour la nature de la matière noire?

(J'ai en tête les travaux de Alcock C et al 1998 Astrophys. J. Lett. 499 ; ces travaux déjà anciens ont ils été contredits/complétés depuis?)

Dr Eric Simon a dit…

Tout à fait, la matière noire sous forme de MACHOs (MAssive Compact Halo Objects) état recherchée jusqu'à encore récemment par le signal de microlentilles gravitationnelles que ces naines brunes (ou autres objets compacts) pouvaient faire. La grande différence est qu'il s'agissait d'objets compacts situés dans notre galaxie ou au plus loin dans les galaxies satellites de la Voie Lactée.
Une étude récente de 2016 a notamment rejetée de manière définitive la dernière plage de masse qui restait encore un peu entrouverte pour les MACHOs, cette idée est donc désormais définitivement remballée (elle était déjà sérieusement mal en point depuis le milieu des années 2000). Les objets compacts non lumineux existent mais ne sont pas assez nombreux pour expliquer la matière sombre.