21/02/18

Un astronome amateur capture pour la première fois les premières minutes d'une supernova


Victor Buso est un astronome amateur heureux. Le 20 septembre 2016, en testant un nouvel imageur sur son télescope de 400 mm, il photographie la galaxie NGC 613 et voit apparaître en direct une supernova. L'enregistrement de la luminosité des premiers instants de l'explosion se révèle d'une importance cruciale pour les astronomes professionnels très vite avertis. Aujourd'hui, Victor Buso est co-auteur de l'article décrivant les avancées obtenues par cette observation fortuite, publié dans Nature.




NGC 613 est une galaxie spirale située à 26 Mpc (85 millions d'années-lumière). La supernova est une supernova de type IIb, effondrement gravitationnel d'une étoile massive en fin de vie. Les astrophysiciens ont construit depus de longues années un modèle physique décrivant comment doit se passer une telle explosion. L'effondrement, suivi d'un rebond doit déclencher une onde de choc qui peut prendre un jour pour atteindre la surface de ce qui reste de l'étoile massive.  Jusqu'à présent, les images les plus précoces d'une supernova avaient été capturées environ 3h après que l'onde de choc avait atteint la surface de l'étoile. Mais le serrurier argentin, lui, a effectué une série d'images avec une exposition de 20s et ce durant 90 minutes d'affilée. Il a ainsi enregistré pour la première fois la brutale augmentation de luminosité qui correspond au moment où l'onde choc atteint la surface de l'étoile mourante. 
Buso raconte qu'habituellement il compare ses images avec des images d'archives des galaxies qu'il photographie, mais là, il pouvait voir la différence entre ses premières images et les suivantes...

Victor Buso a eu le bon réflexe de prévenir tout de suite l'Union Astronomique Internationale, qui réunit de nombreux astronomes professionnels. Plusieurs d'entre eux se sont rués sur la nouvelle supernova et ont pu l'étudier très vite. Les premières minutes et premières heures d'une supernova contiennent en effet de nombreuses information sur le processus en jeu et la structure de l'étoile en train d'exploser.
Cette supernova est désormais nommée SN 2016gkg. Les images successives très rapprochées de Victor Buso ont permis à Melina Bersten (Instituto de Astrofísica de La Plata) et ses collaborateurs d'étudier en détail la structure externe du progéniteur de la supernova ainsi que la physique associée à l'émergence de l'onde de choc. En développant des modèles hydrodynamiques de l'explosion qui prennent en compte l'évolution complète de la supernova dans différentes phases qui sont dirigées par des processus physiques différents, les chercheurs montrent que le traitement de l'onde de choc peut tout à fait être découplé du mécanisme qui déclenche l'effondrement gravitationnel. Les observations sont en très bon accord avec le modèle de l'onde de choc.

Les spécialistes estiment, au vu de la fréquence attendue d'une explosion de supernova dans une galaxie (une par siècle en moyenne), de la courte durée de la phase précoce de l'explosion, de la localisation de la supernova en périphérie de la galaxie la rendant bien visible, de la qualité du ciel requise pour l'observer dans de bonnes conditions, que Victor Buso avait une chance sur 100 millions de faire cette observation sans précédent... Le chanceux a réussi à surpasser les meilleurs télescopes automatisés spécialisés dans la détection de supernovas. Cela vaut bien d'être co-auteur d'un article publié dans la plus prestigieuse revue scientifique.  



Source

A surge of light at the birth of a supernova
M. C. Bersten, G. Folatelli, F. García, S. D. Van Dyk, O. G. Benvenuto, M. Orellana, V. Buso, J. L. Sánchez, M. Tanaka, K. Maeda, A. V. Filippenko, W. Zheng, T. G. Brink, S. B. Cenko, T. de Jaeger, S. Kumar, T. J. Moriya, K. Nomoto, D. A. Perley, I. Shivvers & N. Smith
Nature volume 554, pages 497–499 (22 February 2018)

Illustrations

1) SN 2016gkg (pointage rouge) imagée par le Swope telescope de 1 m (Carnegie Institution for Science/ Las Campanas Observatory/ UC Berkeley)

2) Victor Buso devant son télescope de 400 mm (Nature)

5 commentaires :

Anonyme a dit…

Je me demande pourquoi l'on parle aujourd'hui de cette découverte alors qu'il y a des documents qui l'ont relaté à partir de septembre 2016 (https://www.aavso.org/tags/sn-2016gkg).
Comme si Nature était "la parole de Dieu" ;-)

Dr Eric Simon a dit…

C'est un peu ça... En septembre 16, on n'avait que l'info de l'observation. Là il s'agit de l'analyse de cette supernova par des professionnels grâce aux données (entre autres) de Buso.

Pascal a dit…

Bonjour,

cette observation a-t-elle permis d'éclairer le rôle des neutrinos dans l'onde de choc ?

Dr Eric Simon a dit…

Non, l'émission de neutrinos n'est jamais évoquée dans l'article.

Youx a dit…

Existe-t-il une sorte de numéro ou un email d'urgence pour les amateurs qui seraient témoins d'un phénomène?
Pas forcément une SN qui est quand même peu probable, mais un météore, un impact sur la Lune, une comète, un astéroïde,...