lundi 27 août 2018

Détection de molécules d'acide formique dans un disque protoplanétaire


L'acide formique est l'acide organique le plus simple qui existe, de formule HCOOH. C'est notamment une brique fondamentale de l'acide organique bien connu qu'est ADN (acide désoxyribonucléique), à la base du vivant. Il vient d'être détecté pour la première fois dans un disque protoplanétaire autour d'une jeune étoile à 190 années-lumière.



C'est avec le réseau ALMA (Atacama Large Millimeter Submillimeter Array) qu'une équipe internationale menée par Cécile Favre (INAF-Osservatorio Astrofisico di Arcetri à Florence) a réussi à identifier la présence de la précieuse petite molécule dans le disque de poussières qui entoure l'étoile TW Hydrae.
On le sait, la composition chimique des disques protoplanétaires dans lesquels prennent naissance les planètes, comètes et autres astéroïdes, va influencer la composition de ces dernières, à la fois en ce qui concerne leur croûte rocheuse mais aussi leurs éventuels atmosphère ou océans de manière directe, ou indirecte par apports postérieurs à leur formation proprement dite.
Le groupe carboxylique -COOH contenu dans l'acide formique est un élément essentiel dans de nombreux acides aminés et acides carboxyliques utilisés par les systèmes vivant sur Terre. L'acide formique est notamment impliqué directement dans la formation de la thymine, l'acide aminé le plus simple qui est la base de nombreuses protéines. C'est aussi un composé que l'on trouve en abondance chez la fourmi, et qui lui a donné son nom...

Le disque protoplanétaire de TW Hydrae ressemble à ce que devait être notre système solaire il y a 4,5 milliards d'années. TW Hydrae est âgée de quelques millions d'années seulement, c'est une étoile de type T Tauri de 0,7 masse solaire qui est entourée par un disque riche en gaz dans lequel on s'en souvient, ALMA avait imagé en 2016 des anneaux ou lacunes, laissant penser que des planètes y sont aujourd'hui en cours de formation. On sait par ailleurs que la masse du disque de gaz et de poussières est supérieure à 0,006 masse solaire. D'autres observations de la molécule CO sur ce même disque protoplanétaire avaient par ailleurs montré qu'une fraction importante du réservoir de carbone n'existait pas sous la forme de gaz, et qu'il pourrait donc être présent sous la forme d'espèces chimiques organiques, plus ou moins complexes et donc difficiles à détecter.

Il était donc très intéressant de savoir quels types de molécules sont déjà présentes dans ce type de disque de poussières et de gaz à cette époque de l'évolution du système. Favre et ses collègues ont détecté une émission d'ondes millimétriques (2,3 mm de longueur d'onde, soit une fréquence de 129 GHz) qui correspond à une transition électronique particulière qui n'existe que dans la molécule de HCOOH. Les astronomes ont calculé la quantité d'acide formique et trouvent une densité équivalente à celle du méthanol (CH3OH) qui avait déjà été détecté dans ce disque protoplanétaire en 2016. 
Le fait de trouver pour la première fois dans un disque protoplanétaire une molécule organique qui possède deux atomes d'oxygène montre que la chimie organique et très active dans ce type d'environnement. 
Mais la formation de l'acide formique, selon Cécile Favre et ses collègues, est bien plus complexe que celle d'autres composés organiques qui sont trouvés dans des disques protoplanétaires, comme le méthanol ou le formaldéhyde. Le méthanol par exemple est le résultat de l'hydrogénation du monoxyde de carbone à la surface de grains de glace, une réaction facilitée à très basse température (20K). L'acide formique, quant à lui, ne peut pas être produit par un processus d'hydrogénation simple, il doit forcément impliquer des espèces déjà polyatomiques, que ce soit à la surface de gains solides ou bien en phase gazeuse. 
Cette étude montre ainsi qu'au moins quelques briques de la chimie pré-biotique sont déjà présentes dans un disque protoplanétaire similaire à la Nébuleuse Solaire qui a donné naissance à notre système planétaire. Les chercheurs montrent en revanche aussi que l'observation de molécules organiques plus complexes reste un gros challenge, même avec un outil comme ALMA qui offre une sensibilité jamais vue.


Source 

First Detection of the Simplest Organic Acid in a Protoplanetary Disk
Favre et al.
The Astrophysical Journal Letters, 862:L2 (20 July 2018)


Illustrations

1) TW Hydrae et son disque protoplanétaire montrant des gaps interstitiels, imagés par ALMA en 2016 (ALMA/ESO/NAOJ/NRAO/Takashi Tsukagoshi et al.)

2) Représentation de la molécule d'acide formique HCOOH (Ben Mills, Wikipedia)

1 commentaire :

Pascal a dit…

Bonjour,

Petite coquille : "L'acide formique est notamment impliqué directement dans la formation de la thymine, l'acide aminé le plus simple qui est la base de nombreuses protéines". La thymine n'est pas un acide aminé, mais une base nucleique, et un des constituant de l'ADN. Il faut sans doute lire : la glycine, qui est l'AA le plus simple (C2H5NO2) ?