dimanche 2 février 2014

Les Poètes Visionnaires de l'Astrophysique




Toute ressemblance avec la description d'un trou noir serait-elle fortuite ? Ce poème de Gérard de Nerval, poète visionnaire, date de 1844...


(...) 
En cherchant l'œil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noir et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours ;
Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les Jours!

Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité ! Hasard qui, t'avançant
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l'univers pâlissant,

Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l'un l'autre se froissant...
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l'autre renaissant ?
(...)

extrait du Christ aux Oliviers, 1844
Gerard de Nerval (1808 – 1855)


Première simulation numérique d'un trou noir (J.P Luminet, 1979)

A peine 10 ans plus tard, en 1854, Victor Hugo, lui, a très bien vu ce que pouvait être une explosion de Supernova...


Le soleil était là qui mourait dans l'abîme.
L'astre, au fond du brouillard, sans air qui le ranime,
Se refroidissait, morne et lentement détruit.
On voyait sa rondeur sinistre dans la nuit;
Et l'on voyait décroître, en ce silence sombre,
Ses ulcères de feu sous une lèpre d'ombre.

Charbon d'un monde éteint ! flambeau soufflé par Dieu ! 
Ses crevasses montraient encore un peu de feu,
Comme si par les trous du crâne on eût vu l'âme.
Au centre palpitait et rampait une flamme
Qui par instants léchait les bords extérieurs,
Et de chaque cratère il sortait des lueurs

Qui frissonnaient ainsi que de flamboyants glaives,
Et s'évanouissaient sans bruit comme des rêves.
L'astre était presque noir. L'archange était si las
Qu'il n'avait plus de voix et plus de souffle, hélas!
Et l'astre agonisait sous ses regards farouches.
Il mourait, il luttait. Avec ses sombres bouches

Dans l'obscurité froide il lançait par moments
Des flots ardents, des blocs rougis, des monts fumants,
Des rocs tout écumants de sa clarté première;
Comme si ce géant de vie et de lumière,
Englouti par la brume où tout s'évanouit,
N'eût pas voulu mourir sans insulter la nuit

Et sans cracher sa lave à la face de l'ombre.
Autour de lui le temps et l'espace et le nombre
Et la forme et le bruit expiraient, en créant
L'unité formidable et noire du néant.
Le spectre Rien levait sa tête hors du gouffre.
Soudain, du cœur de l'astre, un âpre jet de soufre,

Pareil à la clameur du mourant éperdu,
Sortit, brusque, éclatant, splendide, inattendu,
Et, découpant au loin mille formes funèbres,
Énorme, illumina, jusqu'au fond des ténèbres,
Les porches monstrueux de l'infini profond.
(...)

extrait de La fin de Satan, Victor Hugo (1854)



1 commentaire :

la famille déjantée a dit…

Je trouve que la question mérité d'être posée à l'envers : de quelle manière l'imaginaire, la littérature, la poésie, a nourri les sciences et les scientifiques qui ont proposé modèles et théories, qui apparaissaient, à l'époque, comme fantaisiste ?
Merci pour ces quelques lignes !