On sait que les supernovae sont ces explosions d'étoiles massives qui au cours de leur explosion, ensemencent le milieu interstellaire de tous les éléments chimiques que nous connaissons et dont sommes faits. Ce que l'on sait moins en revanche, c'est comment exactement ont lieu ces explosions, et particulièrement les supernovae dites de type II, dans lesquelles une étoile massive en fin de vie s'effondre sur elle-même.
Cassiopeia A, image composite Chandra+NuStar : Fer en rouge, Siliium en vert et titane radioactif en bleu (NASA/JPL-Caltech/CXC/SAO) |
De nouvelles observations en rayons X permettent aujourd'hui d'un peu mieux comprendre les phénomènes qui se passent tout juste avant l'explosion monstrueuse. C'est le télescope NuStar, qui détecte exclusivement des rayons X assez énergétiques, qu'ont utilisé des chercheurs américains pour étudier de près un résidu de supernova afin de retracer le film de l'explosion. Leurs observations se sont focalisées sur la détection d'un élément crucial qui apparaît au cours de la supernova : le titane-44.
Il s'agit d'un élément radioactif, si bien qu'il produit un signal aisément observable pour un télescope à rayons X. La cible a été une belle nébuleuse du nom de Cassiopeia A (Cas A), située à 11000 années-lumière et qui est le résidu d'une supernova apparue il y a 330 ans, explosion d'une étoile environ 20 fois plus massive que le soleil. Cas A brille dans de nombreuses longueurs d'ondes et peut être observée par de nombreux outils différents, et notamment en rayons X.
Des observations en rayons X avaient déjà été effectuées avec Chandra X-Ray Observatory, et avaient révélé des émissions de couches et de filaments de gaz enrichis en fer.
Ce qu'a réussi à voir l'équipe menée par Brian Grefenstette, c'est une distribution spatiale du titane-44 complètement asymétrique dans les couches profondes de Cas A, pointant vers un processus très différent des modèles en vigueur. Il aurait existé des sortes de mouvements de ballottement de la matière qui auraient induits des ondes de choc menant finalement à la destruction de l'étoile.
Ces mouvements désordonnés de matière, un peu à l'image de la production de bulles lors d'une ébullition se font en un temps très court, quelques centaines de millisecondes à peine...
Dans le cas de CasA, le titane-44 a été éjecté en bulles qui reflètent la structure asymétrique de l'"ébullition".
C'est grâce à sa radioactivité que le titane-44 a pu être cartographié précisément par NuStar, là où Chandra mesurait des rayons X dûs à des éléments chauffés par les ondes de choc. Cela permet notamment de voir plus en profondeur dans la coquille de gaz en expansion.
Une autre donnée a étonné les astrophysiciens américains : tous les modèles de supernova par effondrement de coeur disaient que le titane-44 était "co-produit" avec un autre isotope radioactif, le Ni-56, qui décroît en Co-56, puis donne enfin du fer-56, stable. Mais les mesures de NuStar indiquent qu'il n'en est rien ! Le Ti-44 ne se retrouve pas du tout au même endroit que le Fe-56... Le titane est au centre, et le fer dans les couches externes.
Il faut maintenant trouver un mécanisme de découplage dans la synthèse des noyaux de titane-44 et de fer-56, pour expliquer ces observations.
CasA imagé par Chandra (à gauche et au centre) et par NuStar (à droite) (NASA/JPL-Caltech/CXC/SAO) |
Ce qui est étonnant avec CasA, c'est que la supernova a explosé aux environs de 1680, une époque où l'astronomie et l'observation du ciel était déjà bien implantée. Or, il n'existe aucune mention dans les écrits de l'époque au sujet de l'apparition d'une "nouvelle étoile" dans la constellation de Cassiopée. Etrange ?..
Certains scientifiques relient cette absence d'observation à une possible explication de la décorrélation entre titane-44 et fer-56. La supernova aurait pu produire une étoile à neutron qui aurait pu subir très vite une transition vers un état plus exotique, suite à une seconde explosion, donnant naissance à une étoile de quarks. Cette seconde explosion, qu'on appelle une "quark nova" projetterait d'intenses flux de neutrons énergétiques qui auraient pu produire des réactions de spallation sur le Ni-56 situé au centre, le détruisant et augmentant de fait l'abondance relative en Titane-44.
Cette hypothèse est bien sûr très spéculative, mais a le mérite d'exister, en attendant de nouvelles observations de résidus d'autres supernovae qui pourront nous en dire plus.
Référence :
B. Grefenstette et al.
Nature 506, 339–342 (2014).
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