mardi 28 novembre 2017

Des étoiles naissent à moins de 4 années-lumière de Sgr A*, le trou noir supermassif de notre galaxie


La région très proche de Sgr A*, le trou noir supermassif central de notre galaxie, se confirme être, contre toute attente, une riche zone de formation d'étoiles. Cette observation déjà suggérée il y a quelques mois, vient d'être confirmée par des observations de ALMA.




Ce que le réseau de radiotélescopes ALMA (Atacama Large Millimeter/Submillimeter Array) vient d'imager en infra-rouge lointain, c'est onze protoétoiles, des étoiles en train de se former, dans un rayon inférieur à 1 parsec (3,26 années-lumière) autour du point central de notre galaxie occupé par Sgr A*. Inutile de préciser que cette distance est très faible à l'échelle de la galaxie, et est surprenante au vu de la proximité du trou noir supermassif qui induit un environnement très peu propice, a priori, pour que des nuages de gaz froid se condensent pour former des étoiles de faible masse comme c'est le cas ici. En effet, à cette distance, les effets gravitationnels produits par le trou noir de 4,2 millions de masses solaires, se font déjà sentir et devraient être capables de déchiqueter des nuages de gaz et de poussière avant qu'ils ne puissent se condenser. 
Ce qu'ont vu Farhad Yusef-Zadeh (Northwestern University, Evanston, Illinois) et ses collègues australiens et américains, ce ne sont pas les protoétoiles elles-mêmes, mais des double-lobes produits par des jets de matière, émettant dans la longueur d'onde du monoxyde de carbone, et qui sont la signature d'étoiles en formation.  Les données de ALMA indiquent également un âge pour ces proto-étoiles : pas plus de 6500 ans environ! La masse moyenne de ces futures étoiles est de 0,3 masse solaire seulement. Ils publient leurs travaux dans The Astrophysical Journal Letters cette semaine.
Ce type de proto-étoile se forme habituellement à partir de nuages de gaz et de poussière, où des poches plus denses que la moyenne s'effondrent sous leur propre masse et commencent à grossir en attirant vers elles de plus en plus de gaz environnant. Dans ce processus, une partie de ce gaz n'est pas accrétée vers le globe central mais se retrouve éjectée en deux jets le long de l'axe de rotation de la future étoile. Ce qui est surprenant dans cette observation de 11 proto-étoiles de ce type, c'est qu'elles se trouvent dans un environnement a priori très turbulent, à la fois du fait des forces gravitationnelles du trou noir supermassif tout proche, mais aussi des rayonnements intenses qui doivent y exister et qui peuvent facilement disperser ce type de nuage en cours de condensation.

Des observations antérieures, déjà effectuées par l'équipe de Fahrad Yusef-Zadeh, toujours avec ALMA, avaient montré la présence étonnante de très jeunes étoiles dans la zone proche de Sgr A*, âgées de 6 millions d'années. Il se confirme donc que le voisinage proche du trou noir supermassif n'est pas une région aussi inhospitalière que l'on pouvait le croire pour la formation d'étoiles.
Il faut donc trouver une explication à ce phénomène. Yusef-Zadeh et ses collègues expliquent que pour qu'une telle formation d'étoiles de faible masse ait lieu dans cet environnement extrême, des forces extérieures doivent venir comprimer les nuages de gaz d'une manière ou d'une autre. Ils spéculent que des nuages de gaz se déplaçant à très grande vitesse dans la zone, accélérés par le trou noir supermassif, pourraient jouer ce rôle de compresseur. Une autre hypothèse avancée serait que ce seraient les jets de matière de Sgr A* lui-même qui pourraient interagir violemment sur les nuages de gaz pour produire leur condensation, et la bouffée de formation d'étoiles observée.

Les chercheurs vont poursuivre leurs observations de la région centrale de notre galaxie avec ce fantastique outil qu'est ALMA qui permet de percer les régions les plus denses de notre galaxie. Ils rêvent déjà de pouvoir imager directement des disques de poussière autour des toutes jeunes étoiles, voire la naissance de planètes en leur sein. 


Source

ALMA Detection of Bipolar Outflows: Evidence for Low Mass Star Formation within 1pc of Sgr A*
F. Yusef-Zadeh, M. Wardle, D. Kunneriath, M. Royster, A. Wootten, and D. A. Roberts
The Astrophysical Journal Letters, Volume 850, Number 2 (28 november 2017)


Illustration 

1) Les onze double-lobes d'émission de proto-étoiles identifiés avec ALMA à proximité immédiate de Sgr A* (représenté par l'étoile) (ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), Yusef-Zadeh et al.; B. Saxton (NRAO/AUI/NSF))

2) Le réseau de radiotélescopes ALMA (partiel) (ESO/NAOJ/NRAO)

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