03/02/12

Formalhaut b, l’exoplanète qui n’existe pas ?

Il ne se passe pas une semaine sans qu'une nouvelle exoplanète ne soit découverte. Leur nombre approche maintenant 730. Mais il se peut que la liste puisse aussi diminuer.
En 2008, alors que leur nombre était encore beaucoup plus faible, avait eu lieu une belle découverte d'exoplanète, la dénommée Fomalhaut b. Une belle découverte car c'était la première fois qu'on en trouvait une directement en imagerie directe, par sa lumière visible (et non par des effets gravitationnels ou de transit), grâce au télescope spatial Hubble.
Cette découverte de Paul Kalas et al., de l'Université de Berkeley (Californie) avait été publiés dans la revue Science à grands renforts de publicité.

Mais voilà, aujourd'hui, de nombreux astronomes doutent de la réalité de cette exoplanète, qui risque bien maintenant de disparaître de la liste…
Situé à 25 années-lumière, Fomalhaut b possède un disque de poussière en rotation, il avait été observé attentivement dans les longueurs d'ondes visibles et Kalas et al. avaient distingué un point lumineux dont ils avaient suivi le mouvement pour en déduire qu'il était gravitationnellement lié à l'étoile Fomalhaut dans une orbite planétaire.
Credit : Science
La publication de ces résultats dans Science avaient contribué à donner un coup de fouet considérable à la détection directe de planètes extrasolaires et fut un événement scientifique remarquable de l'année 2008.

Oui, mais très tôt, un astronome de l'Université de Princeton, Markus Janson, s'étonna de ces résultats. Selon lui, il aurait dû exister également une forte émission infra-rouge en même temps que de la lumière visible, car une telle planète si brillante devrait être relativement chaude.
Une autre source d'étonnement de Janson était que la luminosité de cette exoplanète avait diminué de moitié entre 2004 et 2006.
Comme tout bon scientifique, Janson décida de faire de nouvelles observations de ce système stellaire pour confirmer ses doutes ou bien conforter la première observation. Il demanda du temps d'observation sur le satellite infrarouge Spitzer et malheureusement (ou heureusement ?) il ne trouva aucun signal infrarouge correspondant à cette « exoplanète ».

Janson montra ses résultats négatifs au « découvreur » initial en septembre dernier lors d'une conférence aux Etats-Unis consacrée aux exoplanètes, mais Kalas n'en démordit pas. Selon Kalas, cette exoplanète n'émet pas dans l'infrarouge parce qu'elle n'est tout simplement pas assez grosse, d'une masse inférieure à Jupiter… Et le fait qu'elle soit tout de même visible serait dû au fait qu'elle possède un gros anneau de poussière à la manière de notre Saturne…
Mais Janson ne fut pas du tout convaincu par les explications spéculatives de Kalas. Selon lui, les observations infrarouges de Spitzer, plusieurs fois plus sensibles que les observations infrarouges qu'avaient fait Kalas et al. auraient dû montrer un signal. Janson explique que pour être visible comme ce qui a été observé, l'anneau en question devrait être de très grande dimension (plusieurs fois le diamètre de la planète) et de plus orienté avec la bonne inclinaison pour réfléchir vers nous la lumière de l'étoile, combinaison très improbable.

Janson et al. viennent de publier leurs résultats complets dans the Astrophysical Journal. Janson n'y conteste pas que Kalas a vu quelque chose dans le système Formalhaut, mais il estime que c'est plus complexe qu'une planète. Il propose notamment que ce soit par exemple un  nuage de poussière résultant d'une collision récente d'astéroïdes. Le nuage se dispersant, il s'affaiblirait ce qui expliquerait la réduction de moitié de sa luminosité entre 2004 et 2006.

Kalas rejette quant à lui cette explication, arguant du fait que dans ce cas, il s'agirait d'une observation fortuite d'un événement rare et de courte durée, peu compatible avec ses observations.
Kalas estime que Janson et al. ont tort de rejeter la possibilité d'un grand anneau autour de la planète. Il prend en exemple la découverte récente d'un très grand anneau autour de Saturne, Phoebe, qui est de fait environ 5 fois plus grand que celui proposé autour de Formalhaut b… Et d'appuyer encore sur sa découverte en mentionnant que ça serait le premier anneau planétaire extrasolaire découvert, du coup…

Mais Janson et ses collègues ne sont pas les seuls à mettre en doute les interprétations de Kalas. Alice Quillen, une astronome à l'Université de Rochester à New York l'Etat qui avait prédit en 2005 qu'une planète devait se cacher dans le disque circumstellaire de Fomalhaut, soupçonne elle aussi fortement que ce que Kalas et ses collègues ont observé n'est pas une planète. «À mon avis, c'est une mauvaise interprétation de variations de signal dans des données bruitées, dit-elle. La planète réelle est encore à découvrir dans le système de Fomalhaut. »

Peut-être qu'une troisième campagne d'observation permettra de trancher définitivement le cas Formalhaut, même si cette controverse ne remet pas en cause la méthode de détection directe d'exoplanètes par imagerie, dont plusieurs ont pu être reconnues et validées depuis 2008.


Source :
Science  Vol. 335 no. 6068  (3 February 2012)



4 commentaires :

Anonyme a dit…

Hello
tout est dit dans la conclusion : en cas de controverse une 3ème série de mesures s'impose; si possible sur plusieurs longeurs d'onde (visible IR UV...) celà permettra (peut être) de trancher la question
Moondaka :)

Dr Eric Simon a dit…

Merci, cela ne veut pas dire qu'il ne faille lire que la conclusion! ;-)

Pascal a dit…

La question parait tranchée, en faveur d'une collision de planétésimaux, ce qui est encore plus intéressant qu'une planète.

András Gáspár & George H. Rieke. New HST data and modeling reveal a massive planetesimal collision around Fomalhaut. PNAS, published online April 20, 2020; doi: 10.1073/pnas.1912506117

Dr Eric Simon a dit…

Et oui, Janson avait finalement vu juste il y a 8 ans...