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15/06/25

Découverte d'une planète géante en orbite autour d'une étoile naine via son transit


Les modèles de formation planétaire indiquent que la formation de planètes géantes est beaucoup plus difficile autour des étoiles de faible masse en raison de l'échelle des masses du disque protoplanétaire avec la masse stellaire. Mais pourtant, une équipe d'astrophysiciens vient de découvrir une planète de 53 masses terrestres en orbite autour d'une étoile de 0,2 masses solaires. Ils publient leur étude dans Nature Astronomy.

Cette planète est nommée TOI-6894 b, elle a la particularité de produire un transit très profond sur la lumière de son étoile (17%), ce qui en fait une des géantes exoplanétaires les plus accessibles pour les observations de caractérisation atmosphérique, qui sont essentielles pour interpréter pleinement l'histoire de la formation de ce système remarquable, et aussi pour l'étude de la chimie du méthane atmosphérique. Grâce à la caractérisation de la courbe de lumière lors des transits, les chercheurs déduisent la masse et le rayon de la planète. Sa masse exacte est de 53,4 ± 7,1  M⊕, ou si on préfère 0,168 ± 0,022  M J, pour un rayon de 0,855 ± 0,022  R J.  TOI-6894 b orbite autour de son étoile hôte avec une période de 3,37 jours et son excentricité orbitale est de 0,029 ± 0,030.

Des exoplanètes géantes on en connaît, oui, mais des planètes géantes autour d'étoiles très petites, c'est une nouveauté. Les modèles de formation de planètes par accrétion du noyau prédisent que la capacité à former une planète géante est proportionnelle à la masse de l'étoile hôte. Ceci est principalement dû au fait que ces modèles imposent qu'une grande quantité de matière solide dans les disques protoplanétaires est nécessaire à la formation de planètes géantes et que les observations ont démontré que la masse de matière solide dans un disque protoplanétaire est proportionnelle à la masse de l'étoile. Par conséquent, on s'attend à ce que les étoiles moins massives que le Soleil forment moins de planètes géantes. En fait, plusieurs études récentes ont même prédit que les étoiles de très faible masse (M ≤ 0,3  M⊙ ) ne seraient pas capables de former des planètes géantes... 

La découverte d'exoplanètes orbitant autour d'étoiles sensiblement moins massives que le Soleil et la détermination de leur fréquence d'apparition constituent donc des tests cruciaux de la formation de planètes géantes. Les études existantes ont montré que les planètes géantes doivent être très rares autour des étoiles naines M moyennes à tardives, mais n'ont pas permis de fournir de mesures fiables de leur taux d'apparition.

C'est pour tester les prédictions des théories de formation de planètes géantes que Edward M. Bryant (University College, Londres) et ses collaborateurs  ont mené une étude utilisant les données photométriques du satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) pour rechercher des planètes géantes transitant devant des étoiles hôtes de faible masse. 

L'étoile TOI-6894, qui a une masse de seulement 0,207 masses solaires  a été initialement observée par TESS du 18 février au 18 mars 2020 à une cadence de 30 min. Un signal de planète candidate en transit avec une période de 3,37 jours a été signalé par Nguyen et al. en 2022 et a ensuite été identifié indépendamment par la Bryant et al l'année suivante. Ensuite, une surveillance plus fine par TESS, tout d'abord à une cadence de 10 min du 6 novembre au 30 décembre 2021 et du 26 février au 26 mars 2022 puis à une cadence de 2 min du 11 novembre au 7 décembre 2023, a confirmé la présence du signal de transit et l'a révélé comme une planète candidate probable. 

Bryant et ses collègues ont ensuite collecté un spectre proche infrarouge à moyenne résolution de l'étoile hôte en utilisant le spectromètre monté sur le télescope Magellan pour aider à la caractérisation stellaire et fournir une mesure de la métallicité. Des observations spectroscopiques à haute résolution obtenues en utilisant le spectrographe ESPRESSO au Very Large Telescope ont également été ajoutées et ont fourni la variation de la vitesse radiale stellaire à une période orbitale et une phase qui étaient cohérentes avec le signal de transit. Les chercheurs ont poursuivi avec d'autres observations spectroscopiques, cette fois  avec le spectrographe SPIRou (Spectropolarimètre Infrarouge) du télescope Canada-France-Hawaï (CFHT), qui ont permis de corroborer ce signal. Ils confirment ainsi  la nature planétaire pour le corps en transit. et ont pu déterminer que la gravité de surface du corps était de 5,73 ± 0,71 m s−2 , ce qui est cohérent avec un objet de masse planétaire.

Quant à l'étoile hôte, Bryant et ses collaborateurs montrent que TOI-6894 est une étoile naine M avec un rayon de 0,2276 ± 0,0057  R⊙ et une masse de 0,207 ± 0,011  M⊙ , ce qui est une masse très faible pour héberger une planète géante, en particulier dans le contexte de la population connue de planètes géantes. La basse température de l'étoile ( T eff  = 3 007 ± 58 K) fait que la planète TOI-6894 b a une température d'équilibre relativement froide de seulement 417,9 ± 8,6 K, en supposant un albédo A  = 0,1 et une redistribution efficace de la chaleur. 

TOI-6894 b a une masse de 0,168 M J , soit un peu plus de la moitié de la masse de Saturne, et un rayon de 0,855 R J , soit un peu plus grand que celui de Saturne. L'analyse révèle donc que TOI-6894 b est une planète géante de faible densité. 

Pour compléter la caractérisation de cette exoplanète hors-norme, Bryant et son équipe ont modélisé sa structure intérieure. Ils ont calculé la valeur de sa fraction massique métallique (la fraction de la masse totale de la planète qui n'est ni de l'hydrogène ni de l'hélium), elle vaut 0,23 ± 0,02. À partir de la métallicité stellaire mesurée de 0,142 ± 0,087, ils trouvent que la planète est enrichie en métaux par rapport à son étoile hôte, avec une fraction massique métallique un facteur 12 plus élevé. En termes de masse, cela donne une teneur massique en métaux pour TOI-6894 b de 12 ± 2  M⊕.

TOI-6894 b rejoint donc une population émergente de planètes géantes autour d'étoiles de faible masse découvertes grâce aux mesures de vitesse radiale, elles sont au nombre de 4 : LHS 3154 b, GJ 3512 b , GJ 3512 c, et TZ Ari b, et dont la présence pose de sérieux défis aux théories de formation actuelles. En particulier, le modèle d'accrétion du noyau, l'un des principaux mécanismes actuels de formation des planètes géantes, peine à former des planètes avec des masses supérieures à 30 M⊕ autour des étoiles de faible masse. La vision classique de la formation des planètes géantes par accrétion du noyau nécessite la formation d'un noyau massif, qui déclenche ensuite une phase d'accrétion de gaz incontrôlable. Les principaux obstacles à la formation de ces planètes sont la quantité limitée de matière solide dans le disque protoplanétaire avec laquelle former un noyau suffisamment massif. Car les étoiles de plus faible masse abritent en général des disques de plus faible masse, ainsi que les échelles de temps képlériennes plus longues autour de ces étoiles, ce qui inhibe la capacité de former un noyau suffisamment massif avant la dispersion du disque de gaz.

Mais, selon les chercheurs, il est possible que, avec une masse inférieure à celle de Saturne, TOI-6894 b n'ait pas eu besoin de subir une phase d'accrétion de gaz incontrôlable. Des études récentes ont en effet suggéré que les planètes de masse inférieure à celle de Saturne ont commencé leur formation par un processus d'accrétion du noyau, mais n'ont pas subi d'accrétion de gaz incontrôlable. Au lieu de cela, une phase intermédiaire d'accrétion d'éléments lourds peut se produire, accompagnée d'une accrétion régulière de gaz sur la protoplanète en formation. Un tel mécanisme pourrait fournir une voie plausible pour la formation de TOI-6894 b sans nécessiter de formation rapide du noyau ou de phase d'accrétion de gaz incontrôlable.

Une voie alternative pour la formation de planètes massives est la formation directe par condensation à partir d'un disque gravitationnellement instable. Ce mécanisme s'est avéré capable de former des planètes massives autour d'étoiles de faible masse, par exemple la planète GJ 3512b. Mais les simulations fournissent des conclusions divergentes sur la faisabilité de la formation d'une planète comme TOI-6894 b. En effet, un ensemble de simulations de formation de planètes autour d'étoiles de faible masse a produit seulement des planètes très massives avec des masses ≥ 2  MJ, indiquant que TOI-6894 b n'aurait pas pu se former par ce mécanisme. Et inversement, une autre série de simulations a démontré que ce mécanisme pouvait former des exoplanètes avec des masses dans la gamme de 0,1 à 0,3  MJ autour de protoétoiles de 0,2 M⊙, indiquant que ce mécanisme serait une voie de formation plausible pour TOI-6894 b. Les auteurs de la deuxième étude précisent en outre que les conditions initiales supposées pour les disques protoplanétaires étaient très différentes dans les deux séries de simulations... Donc, pour Bryant et ses collaborateurs, ce mécanisme reste une voie de formation plausible pour TOI-6894 b, même si des informations complémentaires sur la nature des disques protoplanétaires seront nécessaires avant de pouvoir interpréter pleinement sa formation par ce mécanisme.

Un obstacle potentiel à l'explication de la formation de TOI-6894 b par instabilité gravitationnelle provient de simulations de synthèse de planètes de 2017, qui n'ont formé aucune planète avec une masse de noyau supérieure à 5  M⊕ . C'est significativement inférieur à la teneur en masse métallique de 12 ± 2  M ⊕ de TOI-6894 b. Mais ces simulations n'ont pas pris en compte l'accrétion ultérieure de solides sur les fragments formés, et donc elles sous-estiment la teneur en masse métallique finale des planètes. Selon les astrophysiciens, il est également possible qu'une fraction substantielle des constituants métalliques de TOI-6894 b soit présente dans son atmosphère et ait été délivrée par la capture de planétésimaux par la protoplanète. Une telle dispersion de la teneur en métal dans TOI-6894 b réconcilierait la nature de la planète avec une formation potentielle par instabilité gravitationnelle. 

Les chercheurs indiquent que la température d'équilibre de la planète en fait un objet intermédiaire entre les Jupiters chauds qui sont largement observés, et les géantes gazeuses froides de notre propre système solaire, à savoir Jupiter et Saturne. Sur la base de son irradiation stellaire, on s'attend à ce que l'atmosphère planétaire soit dominée par la chimie du méthane. Ce fait seul ferait de TOI-6894 b une découverte très précieuse, car peu de descriptions de tels exemples ont été publiées, mais ce qui la rend vraiment spéciale par rapport aux objets précédemment étudiés tels que WASP-80 b, c'est la combinaison de son étoile hôte particulièrement petite, de sa courte période orbitale et de sa faible densité planétaire pour sa température d'équilibre froide. 

Les modèles atmosphériques avec et sans nuages ​​révèlent que les caractéristiques spectroscopiques dans les spectres de transmission et d'émission pour TOI-6894 b ont des amplitudes attendues supérieures aux transits primaires de nombreuses planètes. La détection de caractéristiques spectrales, la détermination de la présence de nuages ​​et la mesure de la métallicité atmosphérique sont possibles même avec des télescopes terrestres de taille moyenne ou à partir d'une seule observation de transit avec le télescope spatial Webb. TOI-6894 b sera donc très vite une exoplanète de référence dans l'étude des atmosphères dominées par le méthane.

Le système de TOI-6894 constitue donc maintenant une référence pour notre compréhension de la formation des planètes géantes et remet en question les théories actuelles, qui peinent à expliquer sa présence. Ce système se prête également très bien aux observations par spectroscopie de transmission, grâce auxquelles nous pourrons déterminer avec précision la composition atmosphérique et interne de TOI-6894 b. 

TOI-6894 se révèle être un système exoplanétaire clé pour déterminer l'histoire de la formation des planètes géantes, et en particulier celles dont les étoiles hôtes sont de plus faible masse.


Source

A transiting giant planet in orbit around a 0.2-solar-mass host star

Edward M. Bryant et al.

Nature Astronomy (4 june 2025)

https://doi.org/10.1038/s41550-025-02552-4


Illustration

1. Positionnement de TOI-6894 b dans le graphe (masse et rayon de planète en fonction de la masse de l'étoile hôte le contexte des planètes en transit connues) (Bryant et al.)

2. Edward Bryant

30/03/24

Preuve du verrouillage de marée de la super Terre LHS 3844b


Dans une étude publiée le 28 mars dans The Astrophysical Journal, des astronomes fournissent la preuve la plus convaincante à ce jour qu'une planète possède une synchronisation de marée de type 1:1, c'est à dire qu'elle montre toujours la même face à son étoile, à la manière de la Lune avec la Terre. On pensait que de nombreuses exoplanètes rocheuses devaient être ainsi verrouillées au vu de leurs éléments orbitaux, mais il manquait une preuve d'observation. C'est désormais chose faite. 

26/02/24

K2-18b : le méthane peut être expliqué sans vie microbienne


En septembre dernier, je vous relatais un étude qui s'intéressait à l'exoplanète K2-18b qui posséderait des caractéristiques très intéressantes, à la fois aqueuses et hydrogénées avec la détection d'une trace de sulfure de diméthyle, une molécule produite par le vivant sur Terre. Des simulations de la chimie complexe dans l'environnement de K2-18b viennent d'être effectuées et les conclusions sont moins optimistes... L'étude est parue dans The Astrophysical Review Letters

K2-18b est une exoplanète de type sous-Neptune située dans la zone tempérée de son étoile. Les sous-Neptunes (∼2,4 R⊕ ) ont des taux d'occurrence élevés. Ces planètes ont des densités apparentes qui peuvent être expliquées par plusieurs modèles planétaires allant d'une atmosphère massive de dihydrogène similaire à celle de Neptune à une fine atmosphère d'hydrogène (par exemple, ∼1 bar) recouvrant un intérieur riche en H2O. Des astrophysiciens ont suggéré que les sous-Neptunes riches en H2O pourraient avoir des océans de surface habitables à condition que le climat soit adapté à l'eau liquide. Ces mondes dits « hycéens », s’ils existent, ont le potentiel de figurer parmi les environnements planétaires habitables les plus courants.

K2-18b est la candidate de ce type sans doute la plus connue maintenant. Elle a une masse de 8,63 M⊕ pour un rayon de 2,61 R⊕.  Le spectre de transmission de son atmosphère a révélé des preuves solides de la présence de CH4 et de CO2 dans une atmosphère riche en H2. De plus, Webb n'a pas détecté de NH3, H2O ou CO dans la haute atmosphère de la planète. L'ammoniac (NH3) est plutôt attendu sur une mini-Neptune avec une atmosphère massive d'hydrogène (Hu et al. 2021 ; Yu et al. 2021 ). En septembre dernier, Nikku Madhusudhan et al. montraient à partir de leurs spectres obtenus avec Webb que les données s'expliquaient mieux par un monde de type « hycéen », constitué d'une atmosphère  relativement mince d'hydrogène surplombant un océan d'eau liquide. 

Nicholas Wogan (université de Washington) et ses collaborateurs se sont repenchés sur le cas de K2-18b en utilisant des modèles photochimiques et climatiques pour simuler K2-18b d'une part comme une planète hycéenne inhabitée, d'autre part comme une planète hycéenne habitée d'espèces microbiennes, et enfin comme une mini-Neptune riche en gaz sans surface définie (donc inhabitable). 


Les chercheurs constatent qu'un monde hycéen sans vie serait difficile à concilier avec les observations du JWST, car la photochimie indique qu'il ne pourrait y avoir que moins de 1 partie par million de CH4 dans l'atmosphère de K2-18b, alors que les données indiquent qu'il y en a 1 % dans cette atmosphère, 10000 fois plus! Selon Wogan et ses collaborateurs, le maintien d'une teneur en méthane de l'ordre du pourcent peut nécessiter la présence d'une biosphère produisant du méthane qui serait similaire à la vie microbienne sur Terre il y a environ 3 milliards d'années. Wogan et ses collaborateurs montrent que si K2-18b est un monde hycéen habité par une vie microbienne, alors le CH4 et le CO pourraient être des gaz biologiquement modulés comme ils l'étaient sur la Terre archéenne anoxique. Les méthanogènes chimiosynthétiques peuvent consommer du H2 et du CO2 pour produire de l'énergie, produisant du méthane comme gaz résiduel.

Le CO est également un aliment pour les microbes acétogènes qui produisent du méthanol. Ce CH3 COOH produit aurait pu servir de nourriture aux méthanotrophes acétotrophes (CH3COOH → CH4 + CO2). Le modèle 2 des chercheurs simule K2-18b comme un monde hycéen avec des conditions aux limites représentant l'influence biologique de ces premiers métabolismes archéens. Pour modéliser la vie méthanogène, ils imposent un flux de CH4 en surface nécessaire pour reproduire le pourcentage de concentration observé dans les données JWST, qui atteint la moitié du flux de méthane biologique de la Terre moderne (5 × 1010 molécules cm-2 s-1) . Ils ajoutent également une vitesse de dépôt de CO de 1,2 × 10-4 cm s-1 pour se rapprocher de l'influence des acétogènes consommateurs de CO. À l'état d'équilibre photochimique, ce modèle 2 produit une teneur de 2 % de CH4 dans l'atmosphère, une valeur compatible avec les données de Webb.

Mais, d'un autre côté, ils démontrent qu'une mini-Neptune riche en gaz avec une métallicité égale à 100 fois la métallicité solaire un un ration C/O ayant la valeur solaire devrait contenir 4 % de méthane et près de 0,1% de CO2 , et ces chiffres sont eux aussi compatibles avec les données de Webb! Les chercheurs montrent en effet que le CH4 et le CO2 peuvent être produits thermochimiquement dans l'atmosphère profonde d'une telle planète puis mélangés vers le haut de l'atmosphère jusqu'aux basses pressions, la zone qui est sensible à la spectroscopie de transmission. De plus, le modèle de Wogan et al. prédit des abondances de H2O, NH3 et CO qui sont aussi globalement cohérentes avec les non-détections de Webb.

Pour choisir entre la solution d'une planète comportant une biosphère qui produit de grandes quantités de méthane et une mini-Neptune gazeuse, Wogan et ses collaborateurs rappellent qu'il existe des obstacles supplémentaires au maintien d'un climat tempéré stable sur les mondes hycéens, comme par exemple la fuite d'hydrogène de l'atmosphère ou la supercriticité potentielle en profondeur.  A partir de là, les planétologues favorisent l'interprétation de la mini-Neptune, surtout en raison de sa relative simplicité et du fait qu'elle a besoin de moins d'hypothèses. Mais le scénario 2 impliquant une biosphère ne peut pas être "fortement exclu".


En résumé, pour Nicholas Wogan et ses collaborateurs, la solution hycéenne habitée par une vie microbienne possède plusieurs difficultés : 

1.  Pour expliquer les 1% de CH4 détectés par JWST, une planète hycéenne a besoin de CH4 biogénique ou d'une autre source inconnue de gaz pour la maintenir contre la destruction photochimique.

2.  Les modèles prédisent qu'un climat tempéré stable est un défi sur une planète hycéenne. Une telle planète devrait connaître un effet de serre de vapeur incontrôlable, à moins que la lumière de son étoile ne puisse être réfléchie par des nuages, ce qui est toutefois possible.

3.  Une atmosphère mince d'environ 1 bar de H2 peut être sensible aux fuites provoquées par le rayonnement intense. Et le H2 ne peut pas être reconstitué par le volcanisme, car la pression exercée par l'épaisse couche de glace et d'océan sur un monde hycéen empêcherait la fonte des silicates.

En revanche, la solution mini-Neptune a plusieurs avantages :

1.  Le CH4 et le CO2 détectés par Webb peuvent être largement expliqués par un processus thermochimique en atmosphère profonde pour une métallicité 100 fois solaire , un C/O solaire et une température intrinsèque de 60 K.

2.  La cinétique de l'atmosphère profonde prédit également des abondances de NH3 et de CO qui sont compatibles avec les non-détections de ces deux gaz par Webb.

3.  L'absence de caractéristiques H2O dans les spectres peut être expliquée par une condensation de la vapeur d'eau et le piégeage froid.

4.  La modélisation 1D de base de l'équilibre radiatif-convectif peut expliquer le climat de la planète.

Les chercheurs rappellent qu'un monde hycéen habité pourrait évidemment être identifié grâce à la détection d'un gaz uniquement biogénique. Madhusudhan et coll. avaient trouvé en septembre dernier  de faibles preuves de sulfure de diméthyle (DMS) dans le spectre de transmission de K2-18b, un gaz qui est presque exclusivement produit par la vie sur Terre (presque...). Si le DMS est finalement détecté de manière statistiquement significative, il pourrait être difficile d'expliquer sa présence sans biosphère sur une planète hycéenne. Webb va retourner au turbin...


Source

JWST Observations of K2-18b Can Be Explained by a Gas-rich Mini-Neptune with No Habitable Surface

Nicholas F. Wogan et al.

The Astrophysical Journal Letters, Volume 963, Number 1 (20 february 2024)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ad2616


Illustration

1. Vue d'artiste de K2-18 b (NASA, CSA, ESA, J. Olmsted (STScI), Science: N. Madhusudhan (Cambridge University))

2. Teneur des différentes espèces chimiques en fonction de la pression pour les modèles de planète hycéenne sans vie microbienne à gauche et avec vie microbienne à droite (Nicholas F. Wogan et al.)

3. Teneur des différentes espèces chimiques en fonction de la pression pour le modèle de planète sous-Neptune gazeuse (sans vie microbienne) (Nicholas F. Wogan et al.)

4. Nicholas F. Wogan

23/11/23

Détection de méthane dans l'atmosphère d'une exoplanète (grâce au télescope Webb)


Le télescope spatial Webb a permis de déterminer la composition atmosphérique de l'exoplanète WASP-80b grâce à la fois au spectre de son étoile hôte vu en transmission lors du début du transit et au spectre de la planète vu en émission juste avant qu'elle ne soit éclipsée. Dans leur article paru dans Nature, les astrophysiciens révèlent pour la première fois la présence tant recherchée de méthane. 

03/07/23

8 Ursae Minoris b, la planète qui ne devrait pas exister


8 Ursae Minoris b n'est pas une planète comme les autres. Elle a été découverte en orbite d'une étoile géante rouge qui est en train de brûler de l'hélium, à une distance de 0,5 UA. Or, cette étoile géante se trouve dans une phase de sa vie où l'on sait qu'elle a dû récemment gonfler jusqu'à un rayon de 0,7 UA. L'étoile aurait dû détruire le planète. Mais 8 Ursae Minoris b est toujours bien là, et avec une orbite très circulaire... Après avoir usé quelques craies et gratté quelques crânes, une équipe d'astrophysiciens pense avoir résolu l'énigme... Ils publient leurs travaux dans Nature.

03/05/23

Observation directe d'une étoile engloutissant une planète


Pour la première fois, des astronomes ont surpris une étoile en train d'avaler une planète de la taille d'une grosse Jupiter. L'étoile semblable au Soleil mais deux fois plus vieille, appelée ZTF SLRN-2020 à produit un flash de lumière au moment où la planète s'est retrouvée à l'intérieur de l'enveloppe stellaire. L'étude est publiée aujourd'hui dans Nature.

16/04/23

Découverte d'une exoplanète très massive à la frontière des naines brunes


Les astrophysiciens ne sont toujours pas d'accord sur la limite en masse entre les planètes géantes massives et les étoiles naines brunes. Une valeur souvent retenue est la limite de fusion du deutérium à la métallicité solaire, qui vaut 13 MJ (MJ : masse de Jupiter). Aujourd'hui, une équipe publie la découverte d'une troisième planète géante qui atteint cette limite, avec 12,89 MJ, et elle a une densité extrême de plus de 14... L'étude est publiée dans Astronomy&Astrophysics

05/04/23

Observation potentielle d'une interaction magnétique entre une étoile et une de ses planètes


Une équipe d'astrophysiciens vient de rapporter l'observation de signaux radio fortement polarisés issus d'une interaction magnétique étoile-planète provenant de l'étoile naine YZ Ceti et de sa planète rocheuse YZ Ceti b, révélant potentiellement un champ magnétique planétaire. Ils publient leur étude dans Nature Astronomy. 

27/03/23

La température de la planète TRAPPIST-1 b mesurée par Webb


Une équipe internationale de chercheurs a utilisé le télescope spatial Webb pour mesurer la température de l'exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 b grâce à l'instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) via son émisssion thermique. Les données indiquent que la planète est trop chaude pour posséder une atmosphère. L'étude est publiée dans Nature.

27/11/22

Découverte d'une exoplanète superJovienne avec une densité de 10,6


L'exoplanète superjovienne la plus jeune pour laquelle a été mesuré à la fois la masse et la taille a été découverte autour d'une étoile similaire au Soleil. Ayant le même rayon que Jupiter, elle est pourtant 8 fois plus massive, ce qui soulève pas mal de questions... L'étude est parue dans Astronomy&Astrophysics.

18/08/22

Observation rare d'une Neptune chaude autour d'une étoile massive


Des astronomes ont observé une planète de la taille de Neptune qui orbite autour d'une étoile très chaude et plus massive que le Soleil. Mais cette planète est visiblement en train de perdre de la masse...et ce serait à cause de son étoile... L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.

16/09/20

Détection d'une exoplanète 11 fois plus grosse que son étoile


Andrew Vanderburg et ses collègues ne s'attendaient pas à trouver une telle planète autour d'une telle étoile : une planète de la taille de Jupiter en orbite très rapprochée autour d'une... naine blanche. C'est la première fois qu'une planète intacte est trouvée autour d'une étoile naine blanche, une étoile qui est plus petite en taille que sa planète, du coup. Une étude parue dans Nature.


25/09/19

Trois soleils rouges dans le ciel


Mieux que la Tatooine de George Lucas et ses deux soleils, c'est aujourd'hui un système planétaire constitué de trois étoiles, des naines rouges, qui vient d'être révélé dans The Astronomical Journal par une grande collaboration américano-européenne. C'est au télescope spatial TESS que l'on doit cette découverte.




21/08/18

La masse de l'exoplanète de beta Pictoris déterminée par des mesures astrométriques


La masse de la jeune exoplanète découverte en 2008 autour de beta Pictoris vient d'être mesurée assez précisément grâce à l'observation minutieuses des mouvements de beta Pictoris par le télescope Gaia et son lointain prédécesseur Hipparcos.



Ignas Snellen et Anthony Brown (Université de Leiden) ont eu l'idée d'exploiter des mesures astrométriques (des mesures de position) de l'étoile beta Pictoris pour en déduire la masse de son exoplanète découverte il y a dix ans. L'étoile et sa planète ont environ le même âge, elles sont très jeunes, avec vingt millions d'années seulement. Beta Pictoris, qui est située à 19,44 pc (63,4 a.l), s'est rendue célèbre par son vaste disque protoplanétaire d'une part, et d'autre part par l'observation directe d'une de ces planètes, beta Pic b. Cette dernière est une planète géante du type de Jupiter. Mais l'étude de cette planète est rendue difficile par les méthodes classiques du fait de la haute température de l'étoile, de ses variations importantes de luminosité et de la présence du disque de poussières. Par exemple, la mesure des variations de la vitesse radiale de beta Pic (sa vitesse le long de la ligne de visée) est très délicate. La mesure de vitesse radiale et ses variations périodiques sont communément utilisées pour estimer la masse des exoplanètes qui modifient légèrement le mouvement de leur étoile. 

Snellen et Brown se sont donc tournés vers des mesures de positions sur le très long terme afin de déceler des variations périodiques pouvant signer les caractéristiques de la planète. Rien de tel que les mesures astrométriques que Gaia a offert à la communauté astronomique au printemps dernier. Les astronomes ont pu, avec ces données, tracer l'évolution des différentes contributions du mouvement de beta Pic : son mouvement propre (induit par sa rotation dans la galaxie), sa parallaxe (induit par le mouvement de la Terre autour du Soleil), et enfin son mouvement d'oscillation résiduel qui n'est rien d'autre que l'effet produit par la planète et qui correspond aux variations de vitesse radiale mais vues dans un autre plan.


Les astronomes calculent quelle devrait être la trajectoire observée si il n'y avait pas de planète puis comparent avec la trajectoire et peuvent alors en déduire la masse de la planète. Mais pour en arriver là, les chercheurs ont besoin de suivre la trajectoire de l'étoile sur une très longue période, typiquement plusieurs années. Durant les 22 mois de données de Gaia, beta Pictoris a été mesurée trente fois. C'était bien mais pas encore suffisant pour Snellen et Brown qui publient aujourd'hui leur travail dans Nature Astronomy.
Les astronomes se sont alors plongés dans les archives du télescope Hipparcos qui avait fait le même type de mesures que Gaia au début des années 1990 : Entre 1990 et 1993, le télescope européen avait mesuré beta Pictoris 111 fois, fournissant des données de position inestimables pour les combiner avec les positions données par Gaia.
Selon Snellen et Brown, la masse de la planète beta Pic b est donc de 11 ± 2  fois la masse de Jupiter. Elle est non seulement très jeune, mais aussi très massive.
C'est la première fois que la masse d'une très jeune planète est déterminée grâce à des mesures astrométriques, et l'apport de mesures plus anciennes de 25 ans combinées avec des mesures récentes a été déterminant. 
Bien sûr, ce n'est que le début d'une longue séquence d'études d'exoplanètes par les mesures astrométriques de Gaia. Les spécialistes estiment que les données du télescope européen pourront permettre d'estimer la masse de plusieurs centaines de très jeunes exoplanètes et ainsi perfectionner notre compréhension de leur formation.  


Source

The mass of the young planet Beta Pictoris b through the astrometric motion of its host star
Ignas Snellen and Anthony Brown
Nature Astronomy (20 August 2018)


Illustrations

1) Le système de beta Pictoris imagé par le Very Large Telescope de l'ESO (ESO/A-M. Lagrange et al.)

2) Vue d'artiste du télescope Gaia (ESA)

13/06/18

ALMA détecte ses trois premières planètes (naissantes)


ALMA vient encore de frapper, avec la découverte officielle de ses premières planètes. Elles sont au nombre de trois, tout juste naissantes, dans le disque protoplanétaire d'une étoile, naissante elle aussi, nommée HD 163296 âgée de seulement 4 millions d'années et située à 330 années-lumière.




30/11/17

Des ceintures de poussière découvertes autour de Proxima Centauri


Proxima Centauri, l’étoile la plus proche du Soleil possède on le sait une planète tellurique (Proxima b), mais elle semble également être entourée par bien d’autres choses. C’est ce que révèlent de nouvelles observations effectuées avec ALMA




25/08/16

Découverte d'une planète tellurique autour de Proxima Centauri


Une planète tellurique est donc en orbite autour de Proxima Centauri à une distance de l'étoile propice à la présence d'eau liquide. Proxima b est ainsi l'exoplanète la plus proche de la Terre, mais 4,2 années-lumière est toujours très très loin…



19/02/16

Une première : la vitesse de rotation d'une exoplanète mesurée directement

Des astronomes ont réussi en utilisant le télescope spatial Hubble, à mesurer la rotation d’une exoplanète. Cette mesure est une première par l’exploitation d’une imagerie directe.



2M1207 (bleuté) et 2M1207b (rouge) imagées en infra-rouge
par le Very Large Telescope (ESO)
Yifan Zhou (Université de l’Arizona) et ses collaborateurs publient leur observation dans The Astrophysical Journal. Ils ont étudié les très faibles variations de luminosité dans l’infra-rouge de cette exoplanète très massive appelée  2M1207b, quatre fois plus massive que Jupiter, qui fait donc partie des exoplanètes dites super-Jupiters.

Elle est en orbite autour d’une étoile particulière parce qu’il ne s’agit pas tout à fait d’une étoile, mais de ce qu’on qualifie volontiers s d’étoile ratée, ou étoile naine brune, une étoile qui n’avait pas la masse suffisante pour amorcer des réactions de fusion nucléaires dans son cœur et qui ne brille donc pas. Le couple se situe à une distance relativement proche de nous, à 170 années-lumière. L’orbite de 2M1207b autour de son étoile est aussi hors catégorie,  puisqu’elle est 10 fois plus éloignée que celle de Jupiter autour de notre soleil.

Pour mesurer les très faibles variations de luminosité induites par la rotation de la planète, les astronomes ont su exploité les capacités uniques de l’instrument Wide Field Camera 3 de Hubble en termes de stabilité, de résolution et de contraste. Ils parviennent à attribuer les variations observées à des structures nuageuses complexes de l’atmosphère de l’exoplanète. Ces mesures vont même plus loin car les chercheurs montrent non seulement la présence de nuages mais que ceux-ci sont également irréguliers et incolores.

Courbe de luminosité de 2M1207b durant 10 heures de suivi
(NASA, ESA, Y. Zhou (University of Arizona), and P. Jeffries (STScI))
Les premières observations de 2M1207b datent d’il y a 10 ans et les astronomes avaient déjà montré que son atmosphère était suffisamment chaude pour abriter des nuages de silicates : de la roche vaporisée qui en se refroidissant forme des petites particules d’aérosols. Plus profondément dans son atmosphère, des gouttelettes de fer doivent se former et tomber en pluie, pour s’évaporer dans les couches encore plus profondes. La température atmosphérique évaluée par les chercheurs varie entre 1500 et 1700 K.
2M1207b est aussi chaude parce qu’elle est jeune : à peine 10 millions d’années environ. Elle serait ainsi toujours en train de se contracter et de se refroidir. Au cours de son refroidissement dans les quelques milliards d’années qui vont suivre, les nuages de silicates et le fer se formeront de plus en plus bas dans l’atmosphère de l’exoplanète, jusqu’à disparaître totalement.
L’observation de ces nuages a permis à l’équipe de Zhou de déterminer avec précision la vitesse de rotation de 2M1207b, ils obtiennent une vitesse de l’ordre de 1 tour en 10 heures, soit environ la même vitesse de rotation que ce que l’on mesure sur Jupiter.

Le système de 2M1207 et sa grosse super-Jupiter est très différent de notre système solaire. La planète 2M1207b n’est que 7 fois moins massive que son « étoile » (le rapport est de l’ordre de 1000 entre Jupiter et le Soleil). On estime que ce couple aurait pu se former non pas par l’effondrement gravitationnel d’un unique disque de poussière, mais de deux disques distincts.

La super-Jupiter 2M1207b, grâce à sa forte luminosité en infra-rouge, sera une cible idéale pour le successeur de Hubble en 2018, le James Webb Telescope dont le montage du miroir vient d’être terminé, et qui fait la couverture cette semaine de la revue Science. Il permettra aux astronomes d’encore mieux déterminer la structure atmosphérique de ce type de planètes particulières.

Source : 

Discovery of rotational modulations in the planetary-mass companion 2M1207b: Intermediate rotation period and heterogeneous clouds in a low gravity atmosphere
Yifan Zhou et al.
The Astrophysical Journal, 818:176, (20 February 2016)

02/02/16

La plus grosse planète rocheuse découverte : 16 fois la masse de la Terre

Les planètes de notre système solaire peuvent être divisées en deux groupes distincts : les 4 petites rocheuses et les 4 grosses gazeuses. Malgré la très grande variété de systèmes stellaires découverts depuis quelques années, cette distinction en deux groupes : des petites planètes de type rocheuses et des grosses de type gazeuses, semble universelle, avec une limite entre les deux groupes située à une taille (rayon) de 1,6 fois celui de la Terre. 



Mais à toute règle il faut une exception. Et cette exception vient d'être découverte. On peut qualifier cette trouvaille de plus gros caillou jamais observé, car il s'agit d'une planète entièrement rocheuse, mais plus de deux fois plus grosse que la Terre (en diamètre).
L'étoile BD+20594 (au centre) observée par Kepler (N. Espinoza et al.)
Cette planète du nom de BD+20594b, a été trouvée par l'astronome Chilien Nestor Espinoza et son équipe grâce au télescope Kepler par la méthode du transit (la planète obscurcit très légèrement son étoile en passant devant, de manière périodique). Son diamètre mesuré vaut 2,2 fois celui de la Terre. C'est entre février et avril 2015 que Kepler a observé deux transits identiques à 42 jours d'intervalle sur l'étoile BD+20594, une étoile très semblable au Soleil.
Les auteurs estiment que les transits observés sont bien dus à une planète, avec une probabilité de 99,7%. La masse de la planète a ensuite été mesurée grâce à l'instrument HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) installé sur le télescope de 3,6 m à l'observatoire de La Silla au Chili , qui mesure le minuscule effet Doppler provoqué par le mouvement que la planète impose à son étoile par effet gravitationnel (une variation de vitesse de 3,1 m/s seulement!)

Connaissant sa taille, les astronomes, sur la base de planètes semblables, s'attendaient à trouver une masse d'environ 7 fois la masse de la Terre. Mais HARPS fut formel, la masse de BD+20594b est de 16,3 masses terrestres. Connaissant sa taille et sa masse, le calcul de sa densité est immédiat et conduit à une valeur de 7,89, soit bien plus que la densité de la Terre (5,5), et dans tous les cas bien différente de celle d'une planète gazeuse. Les chercheurs estiment que l'on est en présence d'une planète également différente de la Terre car ne possédant probablement pas deux couches (un cœur de fer entouré par un manteau de roches MgSiO3). BD+20594b aurait les caractéristiques d'une planète entièrement rocheuse. Une autre exoplanète montrait des caractéristiques proches mais avec une masse un peu plus faible: Kepler-10c. Ces deux planètes ont un point commun qui est leur période orbitale très courte, ce qui peut être un indice sur leur nature d'exception.

Les auteurs prédisent que BD+20594b sera un très bon laboratoire pour tester les modèles de formation planétaire, notamment celle des planètes rocheuses. Elle est pour le moment le plus gros caillou que l'on connaisse dans l'Univers...


Source : 

A NEPTUNE-SIZED EXOPLANET CONSISTENT WITH A PURE ROCK COMPOSITION
N. Espinoza et al.
soumis à The Astrophysical Journal

20/06/15

La plus petite exoplanète : record battu

En astrophysique comme ailleurs, les records sont faits pour être battus. Et en astrophysique, il existe de nombreuses disciplines : alors que pour les trous noirs, ce sera à celui qui sera le plus gros, pour les galaxies, ce sera à celle qui sera la plus lointaine, et pour les quasars celui qui sera le plus brillant. Pour un pulsar, le gagnant sera celui qui tourne le plus vite et pour une supernova, celle qui sera la plus proche de nous, ou à l'inverse la plus éloignée. Quant aux exoplanètes, à coup sûr, la course se fait à celle qui sera la plus petite! Et le record de l'exoplanète la plus petite vient donc d'être battu...



Vue d'artiste du système de Kepler-138
(Penn State University/SETI Institute)
Cette petite planète tourne autour de l'étoile Kepler-138, qui est une étoile naine rouge tout ce qu'il y a de plus banal, et comme elle en est la plus proche parmi ce système qui en compte au moins 3, elle se dénomme Kepler-138b et a donc été découverte vous l'aurez compris par le télescope Kepler durant sa campagne d'observation entre 2009 et 2013. Elle fait partie des 500 planètes candidates trouvées par Kepler (parmi les 4600 candidates mises en évidence) qui ont une masse inférieure ou égale à la masse de la Terre. Il faut se rappeler que la grande majorité des planètes découvertes par Kepler ont une taille comprise entre 2 et 4 fois celle de notre planète bleue. Kepler-138b a elle un diamètre semblable à celui de Mars, soit à peu près la moitié du diamètre terrestre.

Les détections de transits effectuées par le télescope Kepler permettent d'évaluer le diamètre d'une exoplanète, mais ne donnent aucune indication sur sa masse. Pour évaluer la masse d'une telle exoplanète, on peut par exemple regarder comment varie la vitesse de l'étoile mère dans la ligne de visée en observant le décalage Doppler de ses raies spectrales. Mais pour des planètes très légères, l'effet est bien trop faible pour être détectable, ce qui est le cas dans le système de Kepler-138.
Pour obtenir la valeur de la masse de Kepler-138b, l'astronome américain Daniel Jontof-Hutter et ses collègues, qui publient leurs résultats dans la revue Nature, ont profité de l'existence de deux autres planètes autour de Kepler-138 (Kepler-138c et Kepler-138d) pour utiliser des méthodes exploitant la dynamique des corps. 

Kepler-138c a une période de rotation autour de l'étoile de 13,8 jours et Kepler-138d de 23,1 jours, alors que Kepler-138b fait sa rotation en 10,3 jours seulement. Connaissant la taille de leur diamètre respectif (légèrement supérieur à celui de la Terre pour c et d), et leur temps de transit devant l'étoile, on connaît leur période de rotation. De là, on peut en déduire leur distance à l'étoile. Avec la distance des trois planètes et le ratio de leur période orbitale, les chercheurs peuvent calculer quelles sont les perturbations gravitationnelles qu'une des trois planètes va induire sur les deux autres et qui va générer des variations dans leur période orbitale respective. Cette perturbation dépend bien sûr de la masse des trois corps...
Graphe du rayon en fonction de la masse (relatifs à la Terre)
indiquant les trois exoplanètes de Kepler-138 (en rouge)
(Jontof-Hutter et al/Nature)
Les astrophysiciens qui se transforment parfois en mathématiciens sont donc face à un système de 3 équations non-linéaires à 3 inconnues (les 3 masses), toutes les autres variables étant connues par l'observation.
Ce type de problème inverse peut être résolu par des méthodes numériques grâce à des ordinateurs et c'est donc ce qu'ont fait Jontof-Hutter et ses collaborateurs. 
La masse de Kepler-138b se révèle être vraiment faible, plus faible que celle de Mars : 0,066 fois la masse de la Terre, ce qui permet d'en déduire immédiatement sa densité, de l'ordre de 2,6 g/cm3, soit très proche de la densité Martienne et signant une nature de type rocheuse.
Kepler-138c, elle, a une masse de 1,97 fois la masse de la Terre pour un rayon 20% plus grand, ce qui lui confère une densité de l'ordre de 6,2, assez semblable à la densité terrestre. Et enfin, la troisième, Kepler-138d, a une masse de 0,64 fois la masse de la Terre pour un rayon là encore 20% plus grand, ce qui donne une densité bien plus faible, de l'ordre de 2,1, ce qui fait dire aux astronomes qu'elle doit posséder beaucoup plus d'éléments légers comme de l'hydrogène ou de l'eau.
Il faut tout de même préciser à ce stade que cette mesure de masse indirecte est entachée d'une incertitude assez importante qui est due à la précision sur la mesure des durées de transit, cette incertitude sur la masse et la densité atteint un facteur 2. Mais cette incertitude pourra être réduite dans le futur par de plus nombreuses observations de transits devant Kepler-138.

Les trois planètes du système de Kepler-138, comme de nombreuses exoplanètes trouvées par Kepler, sont très proches de leur étoile, dans des orbites bien plus petites que celle de Mercure, alors qu'il n'existe aucune planète à l'intérieur de l'orbite de Mercure par chez nous. Pourquoi il en est ainsi est encore une grande question en attente de réponse, ce qui sera l'une des raisons d'être des télescopes successeurs de Kepler prévus pour être lancés dans la décennie qui vient (l'américain TESS en 2017, suivi de l'européen PLATO en 2025) et qui amélioreront grandement les performances déjà exceptionnelles atteintes par Kepler, en fournissant en plus de nombreux autres records exoplanétaires.


Source : 
The mass of the Mars-sized exoplanet Kepler-138 b from transit timing
Daniel Jontof-Hutter et al.
Nature, Vol 522 (18 june 2015)