07/09/12

Voyager Est-il Arrivé au Bout du Voyage?

« Alors, on y est ? », c’est la question lancinante que se posent les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory qui suivent encore les faibles signaux en provenance de la sonde Voyager 1.
Depuis leur lancement en 1977, les deux sondes jumelles Voyager 1 et Voyager 2 on parcouru 18.2 milliards de kilomètres pour la première et 3 milliards de moins pour la seconde.

Ce que cherchent à savoir les astronomes c’est si Voyager 1 a franchi physiquement la frontière de notre système solaire. Cette frontière est là où le vent solaire (des particules chargées émises par le Soleil) formant une sorte de bulle (appelée l’héliosphère) rencontre le milieu interstellaire. Cette frontière physique porte le nom de Héliopause.

Schéma de la sonde Voyager 1 (NASA/JPL CalTech)
Et bien sûr, la détection de l’héliopause, pour le moment théorisée, serait une ultime cerise sur le gâteau déjà bien fourni de cette sonde trentenaire… (les Voyager viennent de fêter leurs 35 ans le 5 septembre dernier).

Aujourd’hui, il semble que l’on soit arrivé dans une zone quelque peu déconcertante. En effet, les dernières mesures transmises par Voyager 1 indiquent que la vitesse des particules chargées (des protons pour la plupart) mesurée avoisine le zéro ! La sonde jumelle Voyager 2 qui se trouve seulement à 15 milliards de kilomètres, et dans une autre direction, n’a pas encore observé une telle variation de vitesse particulaire…
Decker et al. avaient déjà observé le changement l’année dernière sur des mesures de vitesses radiales, ce qui semblait signer l’héliopause, là où les particules venant du Soleil entrent en collision avec les particules venant des sources extérieures (supernovae, etc..)

Les particules chargées doivent alors subir une diffusion et être déviées sur le côté. Afin d’être sûrs d’eux, les ingénieurs et astronomes américains ont demandé à ce que Voyager  1 soit pivotée de manière à pouvoir mesurer les vitesses des particules dans une direction orthogonale, et ce dans plusieurs directions pour plus de données.
Il faut se rappeler que rien n’est simple pour commander une sonde située à plus de 18 milliards de kilomètres… Le signal émis sur Terre met 17 heures pour parvenir à l’antenne de Voyager, et l’émetteur de la sonde fonctionne avec une puissance de 23 Watts seulement, une très faible ampoule…

Schéma de l'héliopause (NASA)
Résultat de ces mesures : la vitesse des particules est nulle dans toutes les directions !... C’est comme si  Voyager 1 se trouvait dans une sorte de zone morte, peuplée de particules stationnaires. Et cela signifie que Voyager 1 ne serait pas encore arrivée à l’héliopause, selon Decker qui publie ses résultats dans le numéro de cette semaine de Nature. Ou du moins, pas à l’héliopause telle qu’on la conçoit encore.
L’explication retenue est que Voyager se trouverait dans une sorte de bulle d’au moins 1 milliard de kilomètres d’épaisseur.
Pourquoi les particules y restent piégées reste un mystère et les théoriciens sont dans l’impasse.

Mais certains physiciens essayent tout de même d’expliquer le phénomène observé sans réinventer de nouveaux modèles, en imaginant comment peuvent se répartir les champs magnétiques le long desquels les protons se propagent.

Même si nous n’y sommes pas encore l’héliopause devrait bientôt être atteinte. Il se trouve que Voyager a également très récemment (au mois de mai) détecté des bouffées de rayons cosmiques provenant de l’extérieur du système solaire et de nouvelles bouffées en juillet, cette fois-ci à plus basse énergie. Des signes avant-coureurs selon certains physiciens de la proximité de l’héliopause qui pourrait être traversée selon eux avant la fin de l’année…

Mais les explications potentielles pour ces bouffées fusent : David McComas, un physicien du Southwest Research Institute à San Antonio, Texas, et Nathan Schwadron, de l'Université du New Hampshire à Durham, suggèrent une autre explication. Dans un article sous presse dans The Astrophysical Journal, ils proposent que Voyager 1 se trouverait dans une région où les lignes de champ magnétique qui traversent l'héliosphère externe se lient avec le champ magnétique du reste de la galaxie. 
Cela créerait des sortes de  tunnels pour les rayons cosmiques galactiques, provoquant les pics de détection observés. Des rayons cosmiques accélérés au sein de l'héliosphère auraient tendance à se déplacer le long des lignes de champ et Voyager ne les détecterait que lorsqu’il traverserait l’un de ces tunnels magnétiques…

Si ce modèle est correct, disent McComas et Schwadron, l'héliopause peut encore  être à des années de voyage.
Quoi qu’il en soit, la majorité des scientifiques estime que Voyager 1 atteindra l’héliopause avant de perdre définitivement toute vie, en 2025, lorsque ses générateurs au plutonium ne produiront plus d’électricité pour détecter, émettre et recevoir. 

Le voyage à sens unique de Voyager aura fourni de très nombreuses et belles surprises, et il se poursuivra alors éternellement dans le silence infini des étoiles, porteur d’un espoir sans cesse renouvelé.

Sources :
No meridional plasma flow in the heliosheath transition region
R. Decker et al.
Nature  489,  124–127 (06 September 2012)

Voyager’s long goodbye
Ron Cowen
Nature 489, 20-21 (06 Septembre 2012)

Aucun commentaire :