Le télescope gamma Fermi-LAT est actuellement le meilleur instrument que nous avons en orbite pour étudier les phénomènes les plus violents de l'Univers, qui émettent des rayons gamma de haute et très haute énergie (plusieurs dizaines voire centaines de GeV). Il permet notamment d'étudier les pulsars, les noyaux actifs de galaxies, les sursauts gamma attribués à des trous noirs par exemple, et toutes sortes d'objets plus ou moins exotiques produisant des rayonnements très énergétiques.
Il y a un pu plus d'un an, des données brutes de Fermi-LAT avaient été rendues publiques et mises à disposition de la communauté scientifique. Quelques équipes d'astrophysiciens et de physiciens des astroparticules s'en étaient emparé et, à la stupeur générale, certains d'entre eux avaient annoncé avoir trouvé une raie monoénergétique à 130 GeV provenant spécifiquement du centre galactique, dans le fouilli des spectres gamma collectés... (voir Rayons gamma de 130 GeV, un signe de matière noire ?).
Vue d'artiste de Fermi (SLAC) |
Trouver des photons gamma en nombre possédant une énergie très bien définie (tous la même) n'est pas anodin, puisqu'il implique une origine très particulière (sic!) pour ces photons, à savoir un phénomène d'annihilation de particules avec leurs antiparticules. Et sans aller par quatre chemins, une telle énergie d'annihilation, qui plus est en provenance du centre galactique, là où la concentration de matière et de matière noire est la plus importante, fait tout de suite penser à l'annihilation de WIMPs, et donc à la découverte indirecte de la présence de matière noire et la détermination de leur masse... Pas anodin, disais-je.
Sauf que les équipes ayant trouvé ces signes de gammas à 130 GeV ont travaillé sur des données brutes, sans avoir la connaissance de tous les paramètres d'acquisition des données par Fermi-LAT, qui étaient en possession de l'équipe américaine de Fermi seule (elle n'a pas tout fourni, et c'est presque de bonne guerre). L'analyse des données par l'équipe de Fermi était donc très attendue et est finalement arrivée fin 2012, pour conclure qu'ils ne pouvaient pas affirmer voir un excès de signal à 130 GeV... (voir Pas de WIMPs pour Fermi-LAT).
Sources gamma cataloguées par fermi-LAT (Fermi Collaboration/NASA) |
Fin de l'histoire ? Il semblerait que non. En effet, les astrophysiciens exploitant le satellite Fermi, dont la mission devrait s'arrêter à l'été 2013, viennent de lancer un appel à la communauté pour trouver de nouvelles stratégies d'exploitation du télescope pour explorer spécifiquement les traces indirecte de matière noire sous forme de rayons gamma... En un mot : changer la mission initiale de Fermi. C'est Julie McEnery, Project Scientist de Fermi à la NASA qui explique qu'une des motivations pour modifier la mission de Fermi est justement ces traces de gamma à 130 GeV du centre galactique...
Lorsque Julie McEnery dit :"Si nous parvenons à montrer l'existence de matière noire au centre de la galaxie, ce sera LE résultat du télescope Fermi", on comprend bien où semble être la priorité du moment, elle en oublierait presque toutes les prouesses déjà effectuées par Fermi-LAT dans les trois dernières années : production d'un catalogue très fourni de sources gamma et de de pulsars, découverte de zones d'émission gamma étonnantes de part et d'autre de notre galaxie (voir Les Bulles de Fermi), évaluation du nombre total d'étoiles dans l'Univers (voir Fermi mesure le nombre total d'étoiles), mesure d'excès d'antimatière (voir Trop de positrons dans le rayonnement cosmique), sans compter la découverte très récente du premier pulsar binaire millisecondes détecté via ses photons gamma (voir Le premier pulsar binaire millisecondes découvert par ses pulses gamma)...
Malgré leur premier résultat négatif sur la raie à 130 GeV, les scientifiques de la collaboration Fermi-LAT restent donc visiblement très ouverts sur ce type de recherche. Il faut dire que Fermi-LAT n'était pas prévu au départ pour rechercher spécifiquement des sources monoénergétiques en direction du centre galactique, là où il y a beaucoup de monde au balcon...
Il est donc très intéressant de modifier la stratégie scientifique de ce superbe outil à 6 mois de sa fin de mission officielle, sachant qu'il pourrait fonctionner encore dix ans au bas mot...
La Matière Noire serait-elle plus "bankable" que les sursauts gamma ?
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