lundi 18 novembre 2013

Adieu Planètes Lointaines!

En janvier 2012, je vous parlais ici d'un projet un peu fou de drone à propulsion nucléaire  (en fait un générateur électrique au Plutonium-238) pour explorer l'atmosphère de Titan (voir là).
Ce projet, avec de nombreux autres, va probablement ne jamais voir le jour. Pour tout dire, c'est toute l'exploration des planètes lointaines ou obscures qui vient d'en prendre un sérieux coup. Le drone de Titan, AVIATR devait utiliser un générateur au Plutonium-238 d'un nouveau genre, basé sur le principe thermodyamique de Stirling, appelé ASRG.

New Horizons (NASA/JHUAPL/SwRI)
Le problème des générateurs électriques au Pu-238 est que nous n'avons presque plus de stocks de Pu-238 utilisables et le rendement énergétique des générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG) actuels est déplorable, à peine 8%. Les nouveaux RTG de type Stirling permettraient de multiplier par 4 le rendement énergétique de tels systèmes, donc d'économiser d'autant la quantité de Pu-238 en attendant d'en produire de nouvelles quantités.

Mais voilà, le directeur de la Planetary Science Division de la NASA, Jim Green, vient d'annoncer que les études sur le Advanced Stirling Radioisotope Generator (ASRG) seraient arrêtées du fait de coupes budgétaires.
Cela faisait 10 ans que la NASA conduisait des études sur ce générateur à radioisotope, qui devait arriver à maturité aux environs de 2016.

Les conséquences sont très importantes. Les sondes et autres robots qui explorent des zones où ils ne peuvent pas exploiter l'énergie solaire, c'est à dire au delà de Jupiter, sur des surfaces poussiéreuses comme Mars, ou encore lors de passages fréquents dans des zones d'ombre, ont pour seule source d'énergie possible une source d'énergie thermique pouvant être transformée en électricité. Le plutonium 238 est un élément de choix, il chauffe naturellement tout seul grâce à sa radioactivité alpha et ce durant des dizaines d'années sans interruption. Les américains et les russes ont utilisés de tels générateurs à radioisotope depuis les années 1960, mais les stocks se sont réduits très grandement depuis les années 1990. Le programme ASRG avait justement été créé pour étendre la possibilité d'utiliser le stock restant en attendant de produire de nouveaux stocks.

Principe de fonctionnement de l'ASRG (NASA)

La NASA a bien initié la reprise de la production de Pu-238 par le Department Of Energy américain, mais les premières centaines de grammes ne pourront être utilisables qu'à partir de 2019. Et quand bien même, le DOE ne produira au maximum que 1,5 kg de Pu-238 par an, ce qui reste très faible. Curiosity, par exemple, possède un RTG de près de 5 kg de plutonium, la sonde New Horizons en route vers Pluton, emporte avec elle un RTG muni de 11 kg de Plutonium-238, et la sonde Cassini en orbite autour de Saturne, qui nous envoie de si belles images, est alimentée par 33 kg de plutonium. Il faudrait donc attendre 20 ans pour produire le RTG de Cassini au rythme envisagé...
La sonde Cassini en orbite autour de Saturne (NASA)

Le programme ASRG était inclus dans le budget de la Planetary Science Division consacré à la technologie, qui doit prendre en charge, de façon assez inhabituelle, la totalité de la création et de la maintenance des infrastructures associées au Pu-238. Les décisions budgétaires ont donc laissé la NASA sans choix : entre le développement d'un générateur beaucoup plus efficace et la continuité de la production de plutonium-238, c'est la production du précieux isotope qui était bien sûr la plus cruciale.

Il y aura donc beaucoup moins de missions vers le lointain ou l'obscur dans les années à venir...

2 commentaires :

Unknown a dit…

Tres interessant . qu'adviendrait il du pu238 si la fusée explosait en decolage ?

Dr Eric Simon a dit…

Les générateurs isotopiques embarqués sont insérés dans des capsules très renforcées. L'explosion potentielle des réservoirs d'une fusée ne produirait pas un 'nuage de poussière de plutonium' mais projetterait la petite capsule qu'il faudrait ensuite retrouver (et c'est probablement le plus délicat dans ce scénario qui a été longuement étudié depuis plus de 40 ans).