Astronomie, Astrophysique, Astroparticules, Cosmologie. L'infini se contemple, indéfiniment. ISSN 2272-5768
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08/05/18
09/01/15
Un Méga Radar pour Protéger les Satellites et l'ISS
On estime à 500 000 le nombre de
débris divers qui sont en orbite autour de la Terre : morceaux de
satellites âgés, pièces de fusées, débris de collisions de morceaux plus
gros... Une grande partie de ces débris, par leur collision, est
potentiellement mortelle non seulement pour les satellites, mais aussi pour les
astronautes qui vont séjourner sur l’ISS, comme l’a très bien montré le film Gravity l’année dernière.
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Visualisation des débris en orbite autour de la Terre, l'anneau correspond à l'orbite géostationnaire (ESA). |
C’est pour pallier à cette lacune
que l’US Air Force va déployer un
tout nouveau radar exclusivement dédié à cette tâche, prioritairement pour
protéger les satellites militaires et suivre encore plus précisément les
satellites de tous les pays, mais également au service des satellites
commerciaux ou scientifiques.
La première pierre de ce Space
Fence construit par Lockheed
Martin pour la bagatelle de 915 millions de dollars, doit être posée ce
mois-ci sur l'atoll de Kwajalein dans
les îles Marshall, pour être opérationnel en 2019. Space Fence devrait
pouvoir suivre 150 000 objets de plus que son prédécesseur devenu totalement
obsolète, des objets ayant une dimension
jusqu’à 5 cm environ.
Le radar Space Fence tire son nom de la configuration du faisceau qu’il va
créer. Plutôt que de concentrer son faisceau sur un objet particulier, il produira
de multiples petits faisceaux en éventail pour détecter les objets en orbite basse jusqu'à une altitude de 3000 km. Il sera
également capable de suivre des objets individuels sur des orbites plus élevées
grâce à la modulation de son faisceau, avec une précision fortement accrue par
rapport à celle du radar précédent. Ces améliorations seront telles qu’elles devraient
fournir un flux de données sans
précédent sur les débris dangereux. Ces données seront si imposantes qu’elles
ne pourraient même pas être traitées par les systèmes informatiques actuels,
qui devront donc être mis à niveau pour suivre l’évolution matérielle.
Les opérateurs de satellites
civils se réjouissent, et en même temps sont un peu intimidés par ces flux de
données qu’ils recevront. Aujourd’hui, la plupart des avertissements de
collision se sont avérés être à faible
risque ou bien carrément des fausses alertes.
L'ISS exécute des manœuvres d'évitement seulement une fois ou deux fois
par an, alors qu’elle reçoit environ 12 à 15 avertissements par mois du JSpOC (Joint
Space Operations Center). Le nouveau Space
Fence multipliera le nombre d’avertissements par 10…
Le programme a déjà pris plusieurs
années de retard et l’US Air Force a dû revoir ses ambitions à la baisse. Le
projet initial prévoyait l’installation de 3 grands radars de ce type dispersés
sur plusieurs continents. Il n’y aura finalement qu’un second grand radar de
suivi qui doublera le Space Fence des
îles Marshall. Ce dernier devrait être construit dans l’hémisphère sud,
probablement en Australie, ce qui permettra de suivre des objets sur de plus
longues périodes tout au long de leur orbite. Il permettra également de
détecter un nombre important d'objets
qui ne peuvent être observés que dans l'hémisphère sud. Avec ce second radar,
le coût global se monterait à 2,1 milliards de dollars.
Ces investissements sont aujourd’hui pris en charge par le gouvernement américain, via son besoin militaire, mais la question commence à se poser de la responsabilité des acteurs du spatial civil, qui sont de plus en plus producteurs et potentielles victimes de débris spatiaux. Une autre question lancinante est celle du nettoyage...
Ces investissements sont aujourd’hui pris en charge par le gouvernement américain, via son besoin militaire, mais la question commence à se poser de la responsabilité des acteurs du spatial civil, qui sont de plus en plus producteurs et potentielles victimes de débris spatiaux. Une autre question lancinante est celle du nettoyage...
Vidéo de présentation de la proposition de Lockeed Martin pour le Space Fence en 2011
Source :
Air Force turns a
keen eye on space junk
Ilima Loomis
Science Vol. 347 no.
6218 p. 115 (9 January 2015)
30/11/14
Le Plutonium de l'Espace
La NASA est aujourd'hui très anxieuse de devenir à court de plutonium-238. Le plutonium-238 (Pu-238) est cet isotope du plutonium qui est très intéressant à utiliser dans une sonde spatiale devant voyager très longtemps et très loin.
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Une pastille d'oxyde de plutonium 238 destinée à une RTG. Elle rougeoie sous l'effet de sa chaleur interne produite par radioactivité alpha. |
C'est vers le début des années 1960 que fut inventé le concept de générateur thermique à radioisotope (RTG, Radioisotope Thermoelectrioc Generator). Le principe repose sur l'effet thermo-couple, qui fait que certains matériaux, quand ils ont un côté froid et un côté chaud, se mettent à produire un courant électrique entre les deux extrémités. Il est donc assez facile de créer une source d'énergie électrique à partir d'une source de chaleur.
Et le Pu-238 est une source de chaleur "naturelle". Enfin, ce n'est pas un isotope radioactif naturel, car il est produit par l'homme, mais il chauffe naturellement grâce à sa radioactivité alpha. Cet isotope est d'ailleurs sympathique parmi tous les autres isotopes radioactifs, parce qu'il n'émet que du rayonnement alpha, aucune émission gamma ou neutronique n'accompagne cette décroissance radioactive, qui donne de l'uranium-234, ce qui permet de le manipuler assez facilement.
C'est donc tout naturellement que les premiers générateurs thermiques à radioisotope ont employé le Pu-238 comme source primaire d'énergie, et de très nombreuses sondes spatiales américaines et satellites russes, ont exploité des RTG au Pu-238.
La demie-vie radioactive du Pu-238, la durée au bout de laquelle il a perdu la moitié de sa radioactivité, vaut environ 88 ans, ce qui permet de fournir à un engin spatial une énergie presque stable et continue durant des dizaines d'années. C'est notamment grâce à cette source d'énergie que nous pouvons continuer à suivre les données des sondes Voyager qui quittent aujourd'hui le système solaire près de 40 ans après leur lancement.
Depuis les années 50, du Pu-238 était produit comme un résidu de la fabrication (massives) des armes nucléaires, aux Etats-Unis et en Union Soviétique. C'est sans doute pour cette raison que ni les européens ni les japonais n'ont développé cette technologie des RTG pour leurs sondes respectives, ils ne disposaient pas assez (pour les anglais et français) ou pas du tout (pour les japonais) de Pu-238.
Mais les américains vivent sur leurs stocks depuis le début des années 1990, depuis que l'usine de Savannah River a fermé ses portes et ne produit plus de Pu-238.
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Schéma d'un des 3 RTG de type GPHS de la sonde Cassini en orbite autour de Saurne. (NASA/JPL) |
La NASA dispose donc aujourd'hui de seulement 35 kg de plutonium pour fabriquer des RTG, mais plus de la moitié semble déjà inutilisable car ayant une puissance thermique déjà trop faible. C'est un réel problème, car les programmes futurs de la NASA ont un besoin énorme d'énergie car la plupart ont lieu à très longue distance, où des panneaux solaires ne servent plus à grand chose.
Aujourd'hui, les sondes équipées d'un RTG au plutonium sont parmi celles qui nous ont apporté ou qui vont nous apporter les plus beaux résultats : outre les deux Voyager, on peut citer les expériences scientifiques des missions lunaires, les sondes Pionner 10 et 11, les sondes Cassini (autour de Saturne), Ulysses (autour du Soleil), Galileo (Jupiter), New Horizons (Pluton et au delà), mais aussi sur Mars, les atterrisseurs Viking 1 et 2 et le plus récent Curiosity, toujours en activité.
Mais avec 15 kg de plutonium-238, on ne fabrique pas beaucoup de RTG et on ne propulse pas beaucoup de sondes... il n'est qu'a rappeler que la sonde Cassini a elle seule est munie de trois RTG pour une masse totale de plutonium de près de 24 kg! New Horizons est moins gourmande avec seulement 1 kg de Pu-238, mais Curiosity en utilise 4 kg et le prochain rover martien de la NASA prévu pour 2020 en utilisera déjà 5 kg...
Face à cette situation plus qu'alarmante, la NASA avait proposé de lancer la conception d'une nouvelle génération de générateurs thermiques, permettant de consommer 4 fois moins de plutonium, un générateur nommé ASRG fondé sur un cycle thermodynamique de Stirling, mais des coupes budgétaires fin 2013 ont mis un terme à ce programme (lire à ce sujet Adieu planètes lointaines). La NASA a dû faire un choix, et ce choix a été celui de relancer tant bien que mal la production de Pu-238.
La NASA vient donc de passer un contrat avec le DOE américain (Department Of Energy) pour la fourniture de 1,5 kg de plutonium par an à partir de 2021, pour un montant de 50 millions de dollars/an. Elle pourra ainsi produire environ un RTG tout les 4 ans à partir de cette date, mais pas plus, soit deux missions par décennie.
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Intégration du RTG au plutonium (en noir) sur la sonde New Horizons en 2005 (NASA) |
Produire 1,5 kg d'oxyde de plutonium-238 par an (soit 1,1 kg de Pu-238 pur) n'est pas du tout facile, fut-ce pour un pays comme les Etats-Unis. LE DOE va mobiliser trois grands centres de recherche. La production se fait à partir du retraitement du combustible usé de centrales nucléaires : on en sépare chimiquement le neptunium-237 dans l'Idaho, au Idaho National Laboratory, puis ce neptunium-237 métallique est mis sous forme de petites pastilles, mises dans des gaines pour former des crayons qui vont ensuite être mis dans le cœur d'un des réacteurs produisant le flux de neutrons le plus intense, le High Flux Isotope Reactor à Oak Ridge National Laboratory dans le Tennessee. Le flux de neutrons va produire le précieux Pu-238 par capture neutronique par le Np-237 (pour seulement 10 à 12% du neptunium initial). Le plutonium-238 est ensuite extrait du réacteur pour être reconditionné sous forme de pastilles d'oxyde de plutonium, au Los Alamos National Laboratory (Nouveau Mexique), avant de pouvoir être livré au Jet Propulsion Laboratory de la NASA basé en Californie.
Mais tous ces efforts pour produire plus de plutonium risquent d'être encore très insuffisants, si la NASA a besoin d'énergie pour une exploration spatiale habitée, comme elle le suggère en imaginant visiter un astéroïde ou Mars. Car, alors qu'une sonde planétaire nécessite une puissance électrique entre 300 et 900 Watts, il en est tout autre dans le cas d'un gros vaisseau habité vers l'espace lointain qui aura besoin de dizaines de kilowatts. Des rapports internes de la NASA suggéreraient déjà l'idée de passer à la gamme supérieure : un réacteur nucléaire à fission... Une solution qui a n'a jamais été retentée dans l'espace depuis 1965.
Source :
Nuclear power: Desperately seeking plutonium
Alexandra Witze
Nature 515, 484–486 (27 November 2014)
25/01/14
Mars : Planète Irradiée
Les mesures de radiations effectuées par l'instrument RAD embarqué sur Curiosity durant plus de 300 jours viennent d'être publiées dans la revue Science. Elles viennent en complément des mesures qui avaient été faites durant le trajet de la sonde entre la Terre et la planète rouge (voir ici).
Disons-le tout de suite aux candidats à l'exploration ou la colonisation de Mars, il serait bon avant de partir qu'ils aillent faire un stage de longue durée du côté de Tchernobyl ou de Fukushima pour une petite mise en forme. Car l'ambiance radiologique y est bien plus sympathique que sur Mars...
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Mars |
Les rayonnements qui sont reçus au cours d'un voyage spatial ainsi que sur la surface de Mars sont de deux types, et sont non négligeables du fait de l'absence de protection comme l'atmosphère et un champ magnétique, qui nous protègent sur Terre.
Il s'agit tout d'abord de particules chargées, des rayons cosmiques galactiques (galactic cosmic rays, GCR) dans un flux continu, puis de protons énergétiques venant du soleil (solar energetic particles ,SEP), arrivant par bouffées discontinues.
Lors des mesures effectuées durant le voyage de la sonde, la dose enregistrée s'est montée à 1,8 milliSieverts par jour. Pour un aller-retour de 2 x 180 jours, le total calculé fait ainsi 660 milliSieverts. On peut rappeler tout de suite quelques valeurs de comparaison : la dose que nous recevons tous en moyenne au niveau de la mer en France de par la radioactivité naturelle, vaut 2,4 milliSieverts par an.
L'environnement radiologique à la surface de Mars est bien plus complexe que ce qui peut être observé sur Terre. Les particules sont très énergétiques et pénètrent en profondeur dans le régolithe de Mars, en produisant dans leurs interactions avec le sol de multiples particules secondaires incluant des neutrons et des rayons gamma.
Les GCR peuvent avoir une énergie supérieure à 10 GeV/nucléon. Leur flux est inversement proportionnel à l'activité solaire : lorsque cette dernière est forte, le flux de GCR est plus faible. C'est tout l'opposé des SEP, qui elles sont abondantes lorsque l'activité solaire est forte.
Les GCR sont composés à 85% par des protons, à 13% par des noyaux d'hélium, puis 1% d'électrons et 1% de noyaux plus lourds. Leur énergie est si grande qu'ils peuvent pénétrer sur plusieurs mètres de profondeur dans le sol, et il est de fait extrêmement difficile de s'en protéger par des blindages.
Les SEP sont produits notamment par les éruptions solaires et les éjections de masse coronale.
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Le détecteur RAD de Curiosity (NASA/JPL/Caltech) |
Venons-en maintenant aux mesures de Curiosity une fois posé sur le sol Martien. C'est le 7 août 2012 que Curiosity a débuté ses mesures de rayonnement cosmique sur Mars, exactement, jour pour jour, 100 ans après les premières mesures de Victor Hess dans son ballon...
Ces mesures se sont étalées sur 300 sols (jours martiens, 1 sol = 24h39), jusqu'au 1er juin 2013. Elles se sont donc déroulé durant le maximum du cycle solaire actuel (le cycle 24), qui est le maximum le plus faible qu'ait connu le soleil depuis plus de 100 ans.
La dose équivalente est calculée à partir de la dose déposée, elle prend donc en compte le facteur de qualité des rayonnements détectés (leur pouvoir ionisant).
L'essentiel de la dose journalière provient des GCR : elle vaut 0,64 millisieverts/jour, soit 232 mSv/an.
C'est trois fois moins que lors du voyage, mais c'est toujours considérable, exactement 100 fois ce que nous recevons par la radioactivité naturelle en France, et 10 fois la dose maximale autorisée (mais jamais atteinte dans les faits) pour les travailleurs du nucléaire dans de nombreux pays, en France comme aux Etats-Unis.
C'est trois fois moins que lors du voyage, mais c'est toujours considérable, exactement 100 fois ce que nous recevons par la radioactivité naturelle en France, et 10 fois la dose maximale autorisée (mais jamais atteinte dans les faits) pour les travailleurs du nucléaire dans de nombreux pays, en France comme aux Etats-Unis.
La dose reçue lors d'un seul événement de type SEP vaut quant à elle 0,05 millisievert.
Pour se faire une idée parlante, cette dose est équivalente à passer un scanner abdominal tous les 12 jours, soit 30 scanners par an.... (les recommandations sanitaires actuelles sont de ne pas dépasser un examen scanner tous les deux ans).
Conséquence pour des astronautes
Donald Hassler fait le calcul du total de la dose reçue lors d'une mission impliquant un voyage de 180 jours à l'aller comme au retour avec un séjour de 500 jours sur Mars, la somme donne la valeur de 1,01 Sievert.

Hassler calcule le niveau de radiation qui serait reçu en dessous de la surface martienne. La seule solution efficace pour nos astronautes étant de se protéger en s'enterrant. Hassler montre, au vu de la densité moyenne du régolithe, qu'il faut pas moins de 3 mètres d'épaisseur de roche pour retrouver un niveau comparable au bruit de fond radioactif de la roche.
Conséquences pour des organismes vivants martiens
Bien évidemment, il n'y a pas que sur les astronautes que ces rayonnements, qui existent depuis toujours, agissent de manière néfaste, mais aussi sur toute forme de vie dont l'ADN est très sensible aux radiations (directement par ionisation des brins d'ADN ou indirectement par radiolyse de l'eau produisant des radicaux libres).
Pour évaluer ces effets, les chercheurs prennent comme modèle une bactérie terrestre qui est très particulière car étant la bactérie qui est la plus résistante aux radiations que l'on connaisse, la bien nommée D. Radiodurans. Hassler montre que D. Radiodurans serait éradiquée dans les premiers mètres de sol en quelques millions d'années seulement. Mais elle pourrait, dans certaines conditions, passer par une phase dormante après avoir réparé son ADN et avoir ainsi une chance de survivre mais si seulement elle se trouve à une profondeur plus grande que 1 m dans le sol...
Conséquences sur la chimie organique
Et il n'y a pas que les molécules d'ADN qui sont impactées par les rayonnements ionisants, mais aussi de très nombreuses molécules organiques complexes, ainsi que l'eau elle-même et des composés inorganiques comme des sels ou autres éléments sensibles aux réactions d'oxydo-réduction. Il s'ensuit que les traces éventuelles de vie (éventuelle donc) vont s'en trouver grandement altérées. Les physicochimistes ont évalué qu'à 5 cm sous la surface de Mars, les molécules complexes de plus de 100 atomes sont détruites à 99,9% sur une période de 650 millions d'années.
L'irradiation de molécules d'eau (H20) et d'ions hydroxyles (OH-) produit des radicaux libres qui vont oxyder les molécules hydrocarbonées et aromatiques pour produire des sels organiques et du CO2. Sur Mars, ces réactions sont de plus accélérées par la présence de catalyseurs ferriques.
Hassler conclue que la meilleure chance pour trouver des molécules organiques sur Mars, si on ne peut pas creuser profondément, c'est d'aller les chercher là où le sol a été retourné récemment, comme par exemple les cratères d'impact, ou des zones érodées, mais ne montrant surtout pas d'activité aqueuse!
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Vue d'artiste des installations prévues du projet vendeur de rêve Mars One |
Non seulement cette hypothétique vie devrait être bien profondément enfouie, mais elle ne laisserait de toute façon pas de traces en subsurface. Et les astronautes, en creusant pour les trouver, creuseraient plus certainement leur dernière demeure si ce n'est leurs abris de fortune.
Source :
Mars’ Surface Radiation Environment Measured with the Mars Science Laboratory’s Curiosity Rover
Donald M. Hassler et al.
Science 343, (2014)
27/11/13
Les Chinois sur la Lune
C'est le mois prochain que les Chinois arriveront sur la Lune. Plus exactement le premier rover Chinois. Le vaisseau Chang'e-3 doit alunir dans les plaines de Sinus Iridum pour déployer un petit rover à 6 roues.
Ce sera le premier engin à rouler sur la lune depuis près de 40 ans, depuis la mission soviétique Luna 24 en 1976. Une éternité... La Chine a vu de nombreux succès dans son programme spatial depuis 10 ans, ayant envoyé des hommes en orbite, puis accosté deux vaisseaux en orbite. L'exploration lunaire est la suite logique de ce programme.
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Le Rover Chinois Yutu |
Le seul échec recensé jusqu'à présent et la perte de leur première sonde martienne peu après son lancement en 2011. Mais les Chinois sont loin d'être découragés et avancent méthodiquement. Ils ont déjà mis deux sondes en orbite lunaire avec succès. Si Chang'e-3 alunit sans encombre sur le régolithe lunaire, la Chine rejoindra définitivement l'Union Soviétique (ou Russie si on préfère) et les Etats-Unis dans les grandes puissances spatiales.
Pour la petite histoire, Chang'e tire son nom d'une déesse de la Lune. Chang'e-1 a été lancé en 2007 et a cartographié la totalité de la surface de la Lune avant d'être propulsé volontairement pour s'écraser sur la surface sélène en 2009. Le deuxième Chang'e a été lancé en 2010 et fut chargé de produire une cartographie de la Lune avec une encore plus grande précision, puis fut envoyé explorer l'asteroïde Toutatis en décembre 2012.
Si la fusée décolle le 1er décembre, Chang'e-3 peut arriver en orbite lunaire le 6 décembre, et l'alunissage pourrait avoir lieu à partir du 16 décembre, selon les responsables de la mission.
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Carte des alunissages (NASA; LIBRARY OF CONGRESS, GEOGRAPHY AND MAP DIVISION) |
Les scientifiques Chinois sont prudents, ils ont choisi un site d'alunissage très sûr, des plaines très plates avec peu de reliefs.
Une fois posé, la sonde, qui utilise une source d'énergie à radio-isotope, mettra en oeuvre un petit télescope UV pour l'étude à la fois de la Terre et du centre galactique. Le rover, baptisé Yutu, le lapin de Jade, est de petite dimension (rien à voir avec Curiosity), il ne pèse que 100 kg et est alimenté par des panneaux solaires. Yutu est muni d'un bras robotique sur lequel sont implantés des instruments pour l'étude du sol proche (spectromètres alpha et à rayons X), ainsi qu'un radar pour explorer plusieurs dizaines de mètres sous la surface. Yutu fera aussi bien sûr des images de son environnement.
En fonction de la réussite de cette mission, la prochaine, Chang'e-4 devrait être une copie conforme de Chang'e-3, mais aller explorer (très bientôt) une zone très différente de la Lune.
L'étape suivante pour la Chine est d'envoyer un robot qui permettra de rapporter des échantillons sur Terre, aux environs de 2017-2018. Et bien évidemment, l'objectif du programme est d'envoyer des Taïkonautes sur la Lune, ce que l'administration chinoise a planifié pour les années 2020...
Les Chinois montrent une grande prudence à chaque étape, on voit qu'ils avancent lentement mais très sûrement, et font toujours de plus grands pas à chaque vol.
Source :
Nature 503, 445–446 ()
18/11/13
Adieu Planètes Lointaines!
En janvier 2012, je vous parlais ici d'un projet un peu fou de drone à propulsion nucléaire (en fait un générateur électrique au Plutonium-238) pour explorer l'atmosphère de Titan (voir là).
Ce projet, avec de nombreux autres, va probablement ne jamais voir le jour. Pour tout dire, c'est toute l'exploration des planètes lointaines ou obscures qui vient d'en prendre un sérieux coup. Le drone de Titan, AVIATR devait utiliser un générateur au Plutonium-238 d'un nouveau genre, basé sur le principe thermodyamique de Stirling, appelé ASRG.
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New Horizons (NASA/JHUAPL/SwRI) |
Mais voilà, le directeur de la Planetary Science Division de la NASA, Jim Green, vient d'annoncer que les études sur le Advanced Stirling Radioisotope Generator (ASRG) seraient arrêtées du fait de coupes budgétaires.
Cela faisait 10 ans que la NASA conduisait des études sur ce générateur à radioisotope, qui devait arriver à maturité aux environs de 2016.
Les conséquences sont très importantes. Les sondes et autres robots qui explorent des zones où ils ne peuvent pas exploiter l'énergie solaire, c'est à dire au delà de Jupiter, sur des surfaces poussiéreuses comme Mars, ou encore lors de passages fréquents dans des zones d'ombre, ont pour seule source d'énergie possible une source d'énergie thermique pouvant être transformée en électricité. Le plutonium 238 est un élément de choix, il chauffe naturellement tout seul grâce à sa radioactivité alpha et ce durant des dizaines d'années sans interruption. Les américains et les russes ont utilisés de tels générateurs à radioisotope depuis les années 1960, mais les stocks se sont réduits très grandement depuis les années 1990. Le programme ASRG avait justement été créé pour étendre la possibilité d'utiliser le stock restant en attendant de produire de nouveaux stocks.
Principe de fonctionnement de l'ASRG (NASA)
La NASA a bien initié la reprise de la production de Pu-238 par le Department Of Energy américain, mais les premières centaines de grammes ne pourront être utilisables qu'à partir de 2019. Et quand bien même, le DOE ne produira au maximum que 1,5 kg de Pu-238 par an, ce qui reste très faible. Curiosity, par exemple, possède un RTG de près de 5 kg de plutonium, la sonde New Horizons en route vers Pluton, emporte avec elle un RTG muni de 11 kg de Plutonium-238, et la sonde Cassini en orbite autour de Saturne, qui nous envoie de si belles images, est alimentée par 33 kg de plutonium. Il faudrait donc attendre 20 ans pour produire le RTG de Cassini au rythme envisagé...
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La sonde Cassini en orbite autour de Saturne (NASA) |
Le programme ASRG était inclus dans le budget de la Planetary Science Division consacré à la technologie, qui doit prendre en charge, de façon assez inhabituelle, la totalité de la création et de la maintenance des infrastructures associées au Pu-238. Les décisions budgétaires ont donc laissé la NASA sans choix : entre le développement d'un générateur beaucoup plus efficace et la continuité de la production de plutonium-238, c'est la production du précieux isotope qui était bien sûr la plus cruciale.
Il y aura donc beaucoup moins de missions vers le lointain ou l'obscur dans les années à venir...
21/01/12
Un Drone à propulsion Nucléaire pour explorer Titan
Les planétologues américains ne
manquent pas d’idées. On le sait, Titan, le plus grand satellite de Saturne,
est très intéressant par ces nombreuses spécificités, dont l’une des plus
intéressantes est sans doute sa couche d’eau liquide présente en subsurface. On
dit souvent que Titan est l’une des trois cibles les plus intéressantes à
explorer dans le système solaire.
Il a été exploré sous différentes formes, depuis
Pioneer 11 en 1979, puis Voyager 1 en 1980, qui a fait le détour exprès vers
Titan sacrifiant ainsi ses possibilités de rencontrer ensuite Uranus et Neptune…
et surtout par la sonde Cassini-Huygens, à la fois en orbite (orbiteur Cassini)
et sur son sol glacé (module au sol Huygens). Mais Titan possède également une
épaisse atmosphère qui rend l’observation depuis l’orbite un peu complexe…
Comme cette zone intermédiaire
entre le très grand vu en orbite et le très petit vu du sol reste aujourd’hui
inexplorée, une équipe américaine pluridisciplinaire propose d’aller y aller
jeter un œil, ou plus exactement un tas d’instruments. Et ils n’ont pas trouvé
mieux que d’utiliser pour cela un objet volant dans l’atmosphère… Un avion sans pilote, qu’on appelle
couramment un drone.
Il faut savoir que cette
atmosphère est si dense que la portance y est grandement facilitée. Un physicien
du nom de R. Zubrin avait même calculé dès 1990 qu’un homme muni d’ailes tel le
mythologique Icare, pourrait aisément y voler avec sa propre puissance
musculaire…
Avec environ une densité 4 fois
supérieure et une gravité 7 fois plus faible que sur Terre, les vols sont ainsi
28 fois plus « faciles » : un avion donné peut porter 28 fois
plus de masse sur Titan que sur Terre… Si on comparait avec l’atmosphère de
Mars, ça serait 1000 fois plus facile sur Titan que sur Mars…
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Vue d'artiste du projet AVIATR |
Le concept est fondé sur une sonde de transport qui serait envoyée en
orbite autour de Titan en sept années puis qui larguerait ce petit oiseau dans
l’atmosphère Titanesque. Le but d’AVIATR est ensuite de parcourir le satellite
de long en large, à différentes altitudes, et ce durant de longs mois sans
s’arrêter ni se poser bien évidemment, le tout en envoyant ses données
directement vers la Terre sans passer par un orbiteur relais…
Autant la propulsion d’une sonde dans le vide du système solaire est
relativement aisée, autant c’est une autre paire de manche lorsqu’il s’agit
d’un déplacement dans une atmosphère, où il y a des vents, un freinage, etc…
Bref, il faut un vrai moteur pour avancer. C’est aussi pour cette raison des vents
forts qu’une solution de type ballon a été rejetée après étude.
Mais quel type de moteur utiliser pour pouvoir voler durant plusieurs
mois sans s’arrêter une seule fois ? Un moteur électrique assurément. Mais
comment produire cette électricité ? Des panneaux solaires ?
Impossible du fait de la couverture nuageuse et des alternances d’ensoleillement. Il fallait donc s’inspirer de ce qui a été
fait pour les sondes lointaines ne pouvant pas compter sur la puissance solaire…
Des générateurs nucléaires à radioisotopes… Les RTGs selon l’acronyme anglosaxon pour Radioisotope Thermoelectric
Generators sont des systèmes thermoélectriques qui utilisent la chaleur pour la
transformer en courant électrique par un thermocouple.
Cette chaleur est produite naturellement par un bloc d’oxyde de plutonium-238.
Cet élément radioactif émet presque exclusivement du rayonnement alpha
énergétique qui a la propriété de chauffer le métal dans lequel il est créé. Le
bloc d’oxyde de plutonium est donc une source de chaleur continue qui est entièrement
indépendante de son environnement, et qui décline simplement par la
décroissance de la radioactivité de l’isotope en question : elle est
divisée par deux tous les 88 ans, ce qui donne une diminution de la puissance
thermique de 0.79% par an…Cette source de chaleur est analogue à la chaleur interne de la Terre qui
est issue du même phénomène de radioactivité alpha d’isotopes (d’uranium et de
thorium). Sauf qu’ici, le plutonium est un radio-isotope artificiel, fabriqué
par l’homme, et essentiellement dans des réacteurs nucléaires.
Ces RTG au plutonium-238 ont
équipé de nombreux vaisseaux depuis 1961
pour les alimenter en électricité, comme les sondes Pioneer 10 et 11, Voyager 1 et 2, Galileo, Ulysses, Cassini et jusqu’à
New Horizons qui ne pouvaient recourir aux panneaux solaires pour leurs
missions lointaines. Des RTG furent aussi utilisés sur Mars avec les deux
modules d’atterrissages Viking, ainsi que pour les expériences scientifiques menées
sur la Lune par les missions Apollo 12 à 17.
Non seulement leur fabrication est très couteuse, mais les stocks actuels
de Pu-238 sont de plus en plus faibles et l’efficacité énergétique des RTG est
pour ainsi dire déplorable avec environ seulement 8% (c’est la quantité d’énergie
thermique transformée finalement en électricité)…
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Titan et Saturne vus par Cassini |
C’est donc vers un nouveau type de générateur nucléaire, toujours à base
de Pu-238 mais beaucoup plus efficace, que ce sont tourné les physiciens du
projet AVIATR. Ils proposent de recourir à l’un des plus vieux moteurs
imaginés, puisqu’il s’agit d’un moteur de Stirling, dont le concept date du
début du 19ème siècle, auquel ils fournissent une source chaude de type
nucléaire, parvenant ainsi à multiplier par 4 le rendement énergétique, donc à
réduire d’autant la masse de plutonium à emporter, ou bien, à augmenter la
puissance par 4 à masse égale… Ce
générateur nouveau porte le doux nom de ASRG (Advanced Stirling Radioisotope Generator).
Mais revenons à notre drone
et à ces instruments embarqués maintenant bien alimentés. Les buts
scientifiques de la mission sont très nombreux : géologie de surface et science
atmosphérique sous de nombreux aspects passionnants. On peut citer entre
autres :
- Comprendre les interactions mer/terre à partir de la diversité des berges et interfaces
- Caractériser les interactions atmosphère/lacs à partir de la dynamique des vagues.
- Étudier l’histoire de la formation des lacs à partir des couches géologiques en bordure
- Étudier les flux de liquide et sédimentaires des lacs
- Caractériser les zones d’érosion
- Déterminer où sont localisées les liquides de surface et pourquoi
- Étudier les transports de sédiments
- Étudier l’activité des champs de dunes sur la surface de Titan
- Mesurer les vents et étudier le climat
- Étudier les changements climatiques à partir des évolutions des dunes
- Étudier les mouvements de la lithosphère à l’origine des reliefs
- Étudier l’origine cryovolvanique de structures observées précédemment par Cassini
- Observer les cratères pour l’étude de la lithosphère
- Exploration de zones non observées auparavant
- Identifier des sites d’atterrissage (atitanissage) d’après leurs caractéristiques géologiques, météorologiques, chimiques, …
- Rechercher des molécules organiques prébiotiques et mise en évidence d’activité astrobiologique
- Étudier globalement la circulation atmosphérique des vents et du méthane
- Étudier les nuages et la pluie
- Étudier les propriétés des brouillards
Cette proposition innovante de nouvelle mission vers Titan, détaillée sur
73 pages par Jason W.
Barnes et ses collègues (dont quelques français) dans Experimental Astronomy a été chiffrée à 715 millions $, ce qui en
fait un projet éligible au programme « New Frontiers » de la NASA.
Les études seront poursuivies pour améliorer encore le design de cet
oiseau titanesque, premier avion à propulsion nucléaire de l’histoire, en
attendant une réponse budgétaire d’ici quelques années…
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