08/05/15

Encelade : des rideaux d'eau au lieu de geysers

La revue Nature met cette semaine Encelade et ses jets de vapeur en couverture. Un article y présente une étude montrant que l'on a certainement mal interprété les images de la sonde Cassini et que ces jets de vapeur seraient bien plus imposants que de simples jets de vapeur ponctuels.



C'est la sonde Cassini qui a mis en évidence la présence de sortes de failles dans la couche de glace de Encelade aux environs de son pôle sud il y a déjà près de 10 ans. Elles ont été nommées les failles Alexandria, Baghdad, Cairo et Damascus. Ce sont ces failles qui semblent être la source des jets de vapeurs et de particules de glace qui ont été eux aussi découverts grâce à Cassini.  Mais alors que l'on pensait depuis leur découverte que ces émissions d'eau se faisaient sous la forme de jets quasi ponctuels, à l'image d'une série de geysers répartis le long des grandes failles, la nouvelle étude conduite par des planétologues américains assistés d'un spécialiste en imagerie montre qu'en lieu et place de jets ponctuels, il faut plutôt considérer être en présence d'émissions de vapeur en forme de vastes rideaux s'étalant sur de grandes distances le long des failles.

En haut : les images de Encelade par Cassini,
en bas : les images simulées reproduisant les images
observées (Nature)
L'interprétation des images de Cassini qui mena à la présence de jets individuels se révèle être une illusion d'optique liée à l'angle de vue sous laquelle est vue la scène. C'est ce que concluent Joseph Spitale du Planetary Science Institute de Tucson et ses collègues après avoir comparé les images de la sonde de la NASA et des images simulées à partir de la géométrie des failles du satellite Saturnien.

Les chercheurs américains ne se sont pas contentés de travailler sur une seule ou quelques images de la zone, mais ont exploité de multiples images du pôle sud d'Encelade, et à différentes époques, les phénomènes en jeu étant bien évidemment dynamiques. Ils ont ainsi produit une cartographie des émissions de vapeur réparties sur 5 périodes sur une année (entre 2009 et 2010). Le résultat qu'ils obtiennent est important : avoir l'image la plus précise possible du phénomène en jeu au pôle sud d'Encelade, à la fois dans sa distribution spatiale mais aussi temporelle permettra de mieux évaluer les théories tentant d'expliquer la présence de ces éruptions d'eau.
Des méthodes de triangulation avaient été proposées il y a quelques années pour essayer de déterminer le lieu d'origine des geysers observés. Or il se trouve que les geysers en question ne sont d'après Spitale et ses collègues que des images fantômes, des rideaux d'eau vue plus ou moins par la tranche, ce qui rend cette méthode de mesure inopérante et explique pourquoi elle n'avait mené nulle part.

Ce qu'ont pu observer les planétologues, en outre, ce sont des variations dans le temps de la géométrie des fractures, rendues nécessaires pour expliquer les variations de la forme des rideaux de vapeur dans les images de Cassini. Ainsi, les fractures pourraient ne pas être parfaitement verticales et la profondeur des réservoirs pourrait être variable. Les chercheurs peuvent en déduire certaines propriétés, par exemple si on estime que l'étendue des rideaux reflète fidèlement la dispersion gazeuse, un réservoir plus profond impliquerait la possibilité pour de fines particules d'interagir plus longtemps avec le gaz et d'en être affectées avant de se retrouver propulsées dans le vide de l'espace. Les chercheurs en déduisent également qu'une surface liquide plus grande vis à vis du volume du réservoir doit produire des vitesses de gaz plus grandes pour une température donnée.

Pour conclure, Joseph Spitale et son équipe expliquent que si la très grande majorité des jets observés par Cassini ne sont pas des jets ponctuels de type geysers mais des rideaux de vapeur, quelques images ne peuvent pas être expliquées par cette hypothèse et indiquent tout de même l'existence de quelques jets ponctuels, qui ont la particularité d'avoir un angle très prononcé par rapport au zénith...
Encelade se révèle être vraiment un monde très intriguant et toujours plus digne d'intérêt.

Source : 
Curtain eruptions from Enceladus’ south-polar terrain
J. Spitale et al.
Nature 521, 57–60 (07 May 2015)

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