Vous vous souvenez sans doute de ce que je vous avais raconté au sujet des rayons cosmiques qui existent dans le milieu interplanétaire (entre la Terre et Mars par exemple) et qui atteignent la surface de Mars, qui rendront extrêmement compliqué tout voyage et séjour sur la planète rouge pour des astronautes (voir ici et là)
Je parlais alors avant tout des effets néfastes des particules chargées (protons et noyaux lourds et leurs particules secondaires) sur l'ADN des cellules des divers organes de nos chers astronautes.
Mais une nouvelle étude vient de paraître au sujet des effets des rayons cosmiques galactiques (GCR) sur des cellules très particulières, celles du cerveau, les neurones. Et les nouvelles ne sont toujours pas très réjouissantes... Cette étude, qui a été conduite sur des souris, montrent que les rayons cosmiques ont un effet étonnant : ils semblent provoquer une altération de la structure des neurones, ce qui peut avoir pour effet très indésirable, surtout pour des astronautes, de produire des troubles cognitifs sévères.
Mars |
L'étude, publiée dans Science Advances a été menée sur des souris, car évidemment, il est très compliqué de faire ce type d'expérience sur des vrais astronautes à bord de l'ISS. Charles Limoli, biologiste moléculaire à l'Université de Californie et son équipe ont utilisé un accélérateur d'ions du NASA Space Radiation Laboratory pour bombarder des souris avec des ions d'oxygène-16 et de titane-48 accélérés à plusieurs GeV, mimant ainsi une dose de rayonnement de 50 à 300 mGy, niveaux sensiblement inférieurs à ceux potentiellement reçus par des astronautes en mission martienne par le rayonnement cosmique galactique.
Les chercheurs ont ensuite laissé vivre tranquillement les souris durant 6 semaines, puis leur ont fait subir des tests cognitifs, comme par exemple un test de reconnaissance d'un objet familier (un jouet, en l’occurrence). Le groupe de souris qui a été exposé au faisceau de particules montre de graves défaillances par rapport à un groupe témoin n'ayant subit aucun rayonnement autre que le rayonnement naturel.
Les souris irradiées passaient autant de temps à explorer des nouveaux objets introduits dans leur cage que des objets déjà présents depuis longtemps, alors que les souris non exposées ne reniflaient que les nouveaux objets et très peu les anciens. Les souris irradiées semblaient ainsi ne plus pouvoir apprendre et se souvenir de nouvelles choses.
Limoli et ses collègues ont donc ensuite regardé de près le cerveau des rongeurs et ont découvert que les neurones avaient subi des altérations. Dans la région du cerveau appelée le cortex préfrontal, là où se situent les zones associées aux fonctions cognitives de haut niveau comme le raisonnement, la mémoire à court terme et la résolution de problèmes, les neurones montrent une réduction de 30 à 40% de leur nombre de dendrites, les "branches" qui reçoivent des signaux électriques venant d'autres neurones.
De tels modifications neuronales peuvent apparaître dans d'autres conditions qu'un environnement radiatif, comme le manque de stimulation environnementale, et il a pu être montré que des fonctions cognitives pouvaient dans ce cas être retrouvées grâce à un entrainement spécifique. Des études de plus long terme doivent être poursuivies pour savoir si dans le cas de l'irradiation, les déficits cognitifs chez la souris peuvent être résorbés ou non. Même si les chercheurs concluent que cela ne devrait pas constituer un point d'arrêt pour les missions humaines vers Mars ou ailleurs, ils notent néanmoins que cet effet devrait être très sérieusement pris en compte par la NASA, car il n'y a aucune raison que ce qui est observé chez la souris soit très différent de ce qui se passerait chez l'homme... C'est d'autant plus inquiétant que le cas d'une mission martienne implique pour les astronautes de nombreuses situations et environnements changeants et uniques qui compliquent les décisions à prendre, avec de plus une autonomie imposée par le délai des communications entre Mars et la Terre. Ils doivent avoir des capacités de raisonnement et de mémoire sans aucune faille pour accomplir ce type de mission.
La protection des astronautes contre les GCR devrait ainsi être une priorité absolue de toute mission lointaine, non seulement pour limiter le risque de cancer radio-induit mais aussi et peut-être surtout pour conserver des astronautes sachant réfléchir et comprendre ce qu'ils sont en train de faire. Or, aujourd'hui, la NASA ne possède pas de solution technologique efficace pour réduire drastiquement le flux des GCR. Mais les robots n'ont pas de neurones, eux...
Sources :
What happens to your brain on the way to Mars
V. Parihar et al.
Science Advances Vol. 1 no. 4 (1 May 2015)
Space radiation may damage astronauts’ brains
Emily Underwood
Science News (1 May 2015)
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