L'émission gamma à très haute énergie en provenance du Soleil est très mal comprise. Une nouvelle analyse du flux gamma solaire mesuré par le télescope gamma Fermi-LAT montre un effet étrange apparaissant lors du minimum d'activité solaire.
On doit cette étude à une équipe américano-chinoise menée par Tim Linden (Ohio State University). Les astrophysiciens ont observé et cartographié l'émission gamma provenant du disque Solaire, des photons gamma ayant une énergie pouvant dépasser 100 GeV. Les données enregistrées durant la période d'un cycle solaire, entre 2008 et 2017 montrent clairement l'existence de deux populations de photons gamma, qui différent par leur origine sur le disque solaire et la date dans le cycle d'activité solaire. Entre 2010 et 2017, c'est à dire autour du maximum d'activité magnétique du cycle solaire numéro 24, l'émission gamma était dominée par une composante venant des pôles du Soleil. Mais avant la montée de l'activité, en 2008 et 2009, alors que l'on vivait un minimum de l'activité solaire (le nombre de taches solaire était quasi nul), une composante polaire pour les photons gamma était toujours présente mais une autre composante, cette fois-ci équatoriale, beaucoup plus intense, et plus énergétique, devenait dominante.
Tim Linden et ses collaborateurs ont choisi de publier leurs observations et leurs analyses dans la prestigieuse Physical Review Letters. Ils y montrent ce qui s'apparente à la première carte du soleil en rayons gamma. Classiquement, on s'attend à voir des photons gamma en provenance du Soleil du fait des interactions des protons interstellaires énergétiques qui viennent s'"écraser" sur le Soleil, notamment sous l'influence des champs magnétiques omniprésents et qui peuvent être complexes.
Durant l'année et demi couvrant le minimum d'activité solaire, 6 photons de plus de 100 GeV ont été détectés par Fermi-LAT, alors que plus un seul n'a été détecté dans les 7,8 ans qui ont suivi. C'est en tout 8 photons de plus de 50 GeV qui ont été détectés en 2008-2009 lors du minimum du cycle 24, le plus énergétique faisant 467,7 GeV... Et un neuvième (de 162 GeV) a été détecté le 13 février 2018, provenant d'une latitude solaire de 0,36° alors que Linden et ses coauteurs étaient en train de finaliser la rédaction de leur article, et alors que nous entrons comme par hasard dans le minimum du cycle solaire 25... Il semble donc exister une corrélation entre émission gamma énergétique à l'équateur solaire et minimum d'activité.
Cet effet observé est complètement incompris et va à l'encontre des théories décrivant le fonctionnement de la machine solaire. Pour expliquer ce qui se passe sur le Soleil avec ces photons gamma énergétiques apparaissant à l'équateur au moment du minimum d'activité, les chercheurs ont imaginé plusieurs scénarios comme souvent, comme une focalisation magnétique ou un piègeage des protons interstellaires, mais aucun d'eux ne semble fonctionner pour expliquer correctement les observations. Les spécialistes vont donc suivre avec un grand intérêt le minimum solaire qui débute et qui va sans doute offrir un nombre de photons gamma très énergétiques qu'il faudra essayer de corréler avec d'éventuels autres phénomènes pour comprendre ce qui se passe vraiment là-haut, et dénouer les fils de ce que les chercheurs n'hésitent pas à appeler un mystère.
Pour le moment, les flux gamma observés durant le minimum solaire est en tension forte avec les prédictions les plus optimistes des modèles qui convertissent les rayons cosmiques interstellaires en flux gamma isotrope et invariant dans le temps. Si des observations futures détectent une émission gamma à des énergies même légèrement plus élevées, un nouveau mécanisme physique devra être imaginé pour l'expliquer. Fort heureusement, Fermi-LAT ne sera pas seul à pouvoir détecter les photons gamma en provenance du Soleil, le multidétecteur HAWC, situé sur les pentes d'un volcan mexicain va permettre lui aussi de suivre au jour le jour l'évolution du flux gamma pendant le minimum du cycle 25, un minimum d'activité qui pourrait bien être plus calme encore que l'a été le cycle 24.
Source
Evidence for a New Component of High-Energy Solar Gamma-Ray Production
Tim Linden, Bei Zhou, John F. Beacom, Annika H. G. Peter, Kenny C. Y. Ng, and Qing-Wen Tang
Phys. Rev. Lett. 121, (25 September 2018)
Illustration
Illustration des lignes de champs magnétique complexes pouvant être liées à la production de photons gamma énergétiques lors des minimums d'activité solaire (SOLAR DYNAMICS OBSERVATORY/GSFC/NASA)
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