02/11/18

GRAVITY détecte une émission infra-rouge mobile autour de Sgr A*


Une nouvelle preuve de la présence du trou noir supermassif Sgr A* au centre de notre galaxie, s'il en fallait encore une. C'est ce que viennent de démontrer une équipe d'astrophysiciens par l'observation de trois intenses éruptions électromagnétiques provenant de gaz en accrétion situé sur la dernière orbite stable de Sgr A*, et qui lui tourne autour en seulement 50 minutes à 30% de la vitesse de la lumière...




Les astrophysiciens de la collaboration GRAVITY étaient en train d'observer en infra-rouge l'étoile S-2 qui est l'une des plus proches étoiles en orbite autour du trou noir supermassif, quand ils ont été les témoins non pas d'une seule mais de trois éruptions situées encore plus près du centre géométrique de la Galaxie. Ils utilisaient les 4 télescopes de 8 m du Very Large Telescope en mode interférométrique avec l'instrument GRAVITY, qui offre une exceptionnelle sensibilité en plus d'une excellente résolution grâce au télescope virtuel de 130 m ainsi créé.
Ce qu'on appelle la "dernière orbite stable" autour d'un trou noir correspond à la distance du trou noir à partir de laquelle la matière ne pourra pas tomber dans le trou. Au delà, l'instabilité gravitationnelle induite par le trou noir en rotation fera inéluctablement tomber la matière accrétée au bout d'une plus ou moins longue durée. 
C'est de cette zone que les trois éruptions en proche infra-rouge ont été observées par les chercheurs. Ces trois émissions ont été observées le 27 mai, le 22 juillet puis le 27 juillet 2018, et ont duré à chaque fois entre 30 et 90 minutes. Et à chaque fois, les données ne montrent pas une source stable, mais un mouvement du centroïde de la source de rayonnement, un mouvement de 120 microarcsecondes en l'espace de 30 minutes... Les chercheurs voyaient quasi en direct la rotation d'un "objet" (une source IR) à la vitesse faramineuse de 30% de la vitesse de la lumière (soit 100 000 km/s).  
Les éruptions observées sont expliquées par un processus physique dont la théorie a été proposée il y a un peu plus de 10 ans, et qui fait intervenir des interactions magnétiques (chocs ou reconnexions) dans le gaz surchauffé du disque d'accrétion. Lors de ces reconnexions magnétiques, des électrons du gaz sont fortement accélérés et émettent alors un rayonnement synchrotron polarisé (en infra-rouge et en X) en formant un "point chaud", à l'image de ce qui se passe dans les éruptions solaires.
Or une rotation continue de la polarisation de ce rayonnement est observée par les astrophysiciens de GRAVITY, suivant exactement la période du mouvement apparent de la source, exactement de la même manière pour les trois éruptions.
L'analyse des chercheurs grâce à une modélisation qui prend en compte les effets relativiste, permet de déterminer ce dont il s'agit : un point chaud d'émission synchrotron qui a une orbite circulaire vue presque de face et dont l'orbite se situe à environ 3 à 5 fois le rayon de Schwarzschild d'un trou noir de 4 millions de masses solaires (Rs = 12,2 millions km). Cette distance correspond bien à la zone de la dernière orbite stable d'un trou noir en rotation, baignant dans un puissant champ magnétique poloïdal. La période de rotation des points chauds d'émission (donc du gaz accrété autour de Sgr A* à la distance considérée) est également déduite des données; elle est comprise entre 33 et 65 minutes seulement ! 

La collaboration GRAVITY, si ces observations sont confirmées, vient donc d'observer l'"objet" le plus proche du trou noir central de notre Galaxie, ce qui conforte en outre sa nature de type Kerr (trou noir en rotation). L'étude est publiée dans Astronomy & Astrophysics.


Source

Detection of Orbital Motions Near the Last Stable Circular Orbit of the Massive Black Hole SgrA*
Collaboration GRAVITY
Astronomy & Astrophysics Volume 618, L10, (31 octobre 2018)


Illustration

Illustration artistique de l'émission proche d'un trou noir supermassif  (ESO)

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