10/12/18

La surface de Cérès extrêmement carbonée


La surface de Cérès serait extrêmement carbonée, d'après les dernières données obtenues par la sonde Dawn. C'est ce qu'une équipe de chercheurs du Southwest Research Institute vient de conclure. La croûte de Cérès apparaît ainsi avoir une concentration en carbone plusieurs fois plus forte que ce qu'on trouve sur les météorites primitives.




Simone Marchi (Southwest Research Institute) et son équipe publient leur étude dans Nature Astronomy aujourd'hui. Ils y montrent que Cérès possède une minéralogie unique dans le système solaire interne, avec plus de 20% de carbone en masse dans sa croûte proche de sa surface. Les planétologues montrent que des composés très riches en carbone y sont intimement mélangés avec des composés issus d'interactions avec l'eau, comme des argiles.
Le spectromètre VIMS de la sonde (Visible and Infrared Mapping Spectrometer) a permis d'estimer que le très faible albédo global de la surface de Cérès serait dû à une combinaison de produits d'interaction  de roches avec l'eau comme des phyllosilicates et des carbonates et des quantités importantes d'agent assombrissants comme des oxydes de fer (de la magnétite), très sombre. Mais un autre détecteur de Dawn, le GRAND (Gamma Ray And Neutron Detector) a fourni des données indiquant que la quantité de magnétite ne pouvait pas dépasser quelques pourcents seulement. Il devait donc y avoir un autre composé très sombre, notamment du carbone amorphe. 
Cette nouvelle étude montre que 50 à 60% en volume de la croûte supérieure de Cérès aurait une composition similaire à celle des météorites carbonatées, laissant penser à une contamination par chutes successives de météorites sur l'astéroïde, mais cette matière serait mélangée avec des composés endogènes altérés par l'eau contenant encore plus de carbone. Au total, la concentration en carbone de la croûte de Cérès atteindrait selon Marchi et ses collègues jusqu'à 20% en masse de carbone, 5 fois plus que ce que l'on rencontre dans les chondrites carbonatées.
Des données antérieures de Dawn avaient déjà indiqué la présence d'eau et d'autres volatiles comme des dérivés de l'ammoniac. Mais là, une telle concentration d'éléments organiques fait dire aux spécialistes que Cérès n'a pu se former, il y a 4,6 milliards d'années, que dans un environnement plus froid que son environnement actuel, probablement plus loin que l'orbite de Jupiter. Or Cérès se trouve aujourd'hui entre Mars et Jupiter. 
Simone Marchi et ses collègues américains, italiens et français évoquent donc la possibilité d'un grand chambardement dans les orbites des petits corps du système solaire qui pourrait avoir été provoqué par des mouvements des planètes géantes, Jupiter en tête.

On ne sait pas encore trancher entre l'hypothèse d'un apport de carbone externe ou bien de l'existence de carbone à haute concentration dans la croûte de la planète naine. Une chose est sûre, la coexistence de phyllosilicates, de magnétite, de carbonates et d'une forte concentration de carbone impliquent très clairement une altération des roches par l'eau, de quoi apporter des conditions très favorables pour la chimie organique dans toute sa diversité.

Source

An aqueously altered carbon-rich Ceres
S. Marchi et al.
Nature Astronomy (10 december 2018)


Illustration

Image par la sonde Dawn de la zone centrale (20 km x 20 km) du cratère Urvara (160 km de large) montrant la présence de carbonates autour de matériaux carbonés remontés de la surface.

1 commentaire :

sevenflameshq a dit…

Bonjour,

J'ai noté une petite erreur de terminologie dans cet épisode : le terme "carbonaté" utilisé à la place de "carboné" à plusieurs reprises (ex. "chondrite carbonatée").

Comme il se trouve c'était le sujet de ma thèse, cela m'a un peu choqué :D

Quoi qu'il en soit, bravo et merci pour ce podcast que j'écoute fidèlement depuis que je l'ai découvert.

Bien cordialement,