lundi 28 juin 2021

Identification de la première supernova à effondrement par capture électronique


Si vous suivez assidument Ça Se Passe Là-Haut, vous savez que pour produire une supernova à effondrement de coeur, une étoile doit avoir une masse supérieure à 8 masses solaires. Ce que l'on sait moins en revanche, c'est qu'entre 8 et 10 masses solaires, il ne se passe pas tout à fait la même chose qu'au delà de 10 masses solaires. Entre 8 et 10 masses solaires, il doit arriver ce que les spécialistes appellent une supernova par capture électronique. La première supernova de ce type déterminée avec une quasi certitude vient d'être identifiée par une équipe internationale. Ils publient leur étude dans Nature Astronomy sous le titre The electron-capture origin of supernova 2018zd.

Comme son nom l'indique, la supernova SN 2018zd est apparue en 2018, en mars, dans la galaxie NGC 2146 située à 31 millions d'années-lumière. Les supernovas à capture électronique ont quant à elles été théorisées depuis 40 ans, mais des exemples concrets sont restés jusqu'ici  insaisissables. On pense qu'elles proviennent d'explosions d'étoiles massives de la branche géante super-asymptotique (SAGB), pour lesquelles il existe également peu de preuves. Ces étoiles arrêtent leurs réactions de fusion lorsque leur noyau est composé d'oxygène, de néon et de magnésium. Elles ne sont pas assez massives pour créer du fer. 
Ce qui empêche la plupart des étoiles de s'effondrer, c'est soit les réactions de fusion en cours, soit, dans les noyaux où la fusion s'est arrêtée, le fait qu'il est impossible de comprimer davantage les atomes. Dans une supernova à capture d'électrons, certains des électrons du noyau de néon et de magnésium sont comprimés dans leurs noyaux atomiques et sont capturés par les protons pour former des neutrons, en émettant un neutrino. Du magnésium-24 se transforme en sodium-24 qui se transforme à son tour en néon-24 par capture d'électron, et du néon-20 se  transforme en fluor-20 puis en oxygène-20. 

Ce retrait rapide d'électrons dans la composition globale du noyau de l'étoile fait qu'il se déforme sous sa propre masse et s'effondre, ce qui donne lieu à une supernova à effondrement de coeur mais initiée par capture d'électrons.
Si l'étoile avait été légèrement plus massive, les éléments du noyau auraient pu fusionner pour créer des éléments plus lourds, prolongeant ainsi un peu sa vie. L'étoile n'est pas assez légère pour échapper à l'effondrement de son noyau, mais pas assez massive pour prolonger sa vie et mourir plus tard un peu plus tard. Cette théorie a été formulée en 1980 par Kenichi Nomoto de l'Université de Tokyo et d'autres. Au fil des décennies, les théoriciens ont formulé des prédictions sur ce qui était discernable dans une supernova à capture d'électrons et dans les étoiles SAGB supposées progénitrices de ces supernovas. Parmi ces critères de différentiation, outre leur masse caractéristique, les étoiles progénitrices doivent avoir perdu une grande partie de leur enveloppe avant d'exploser, et cette matière doit avoir une composition chimique inhabituelle. Ensuite, la supernova à capture d'électrons devrait être relativement faible, comparée à une supernova à effondrement classique, et elle doit aussi montrer peu d'éléments radioactifs et avoir des éléments riches en neutrons dans son éjecta.


Daichi Hiramatsu et ses collaborateurs ont analysé toutes les données disponibles sur SN 2018zd et trouvent que cette supernova coche toutes les cases pour être effectivement une supernova à capture électronique. Les astrophysiciens ont notamment  pu retrouver l'étoile qui avait explosé dans des images d'archives du télescope Hubble, ce qui les a grandement aidé. Les observations correspondaient à celles d'une autre étoile SAGB récemment identifiée dans la Voie lactée, mais ne correspondaient pas aux modèles de supergéantes rouges, les progéniteurs des supernovae normales à effondrement de coeur (à noyau de fer). L'étoile progénitrice était parfaite car elle collait aux six critères :  un type SAGB apparent, une forte perte de masse avant la supernova, une composition chimique stellaire inhabituelle, une faible explosion, une faible radioactivité et un résidu riche en neutrons.
Les chercheurs déduisent un progéniteur situé dans la branche des géantes super-asymptotiques sur la base de la faible luminosité dans les images de pré-explosion et du matériau circumstellaire chimiquement enrichi révélé par spectroscopie UV.  La morphologie de la courbe de lumière de la supernova et les raies d'émission ne peuvent être expliquées que par la faible énergie de l'explosion et une nucléosynthèse riche en neutrons produite dans l'explosion à capture d'électrons.

C'est la première fois qu'une supernova peut être associée avec une très grande probabilité à la classe des supernovas à capture électronique. Et le cas de SN 2018zd est très intéressant car elle montre des similitudes fortes avec la supernova de 1054 qui a donné naissance à la nébuleuse du Crabe et qui a longtemps été suspectée d'être elle aussi une supernova à capture électronique. C'est en fait dès la conception de la théorie des supernovas à capture électroniques que SN1054 avait été envisagée faire partie de cette classe supputée. Mais on ne pouvait pas l'affirmer par manque de preuves observationnelles. 
SN1054 a été observée il y a 967 ans par les astronomes chinois durant 2 ans pendant la nuit et durant 23 jours en plein jour... Elle était relativement brillante par rapport à ce que prédit le modèle mais cela peut être expliqué par le fait que sa luminosité a probablement été augmentée par la collision des éjectas de la supernova avec la matière rejetée par l'étoile progénitrice, exactement comme ce qui a été vu dans SN 2018zd. 
Hiramatsu et ses collaborateurs estiment approximativement le taux d'occurrence des supernovas à capture électronique parmi les supernovas à effondrement de coeur : il serait compris entre 0,6% et 8,5%. Les astrophysiciens précisent que le destin de ces étoiles mourantes peut varier de supernova à capture électronique à supernova à effondrement de coeur "classique" en fonction des taux de capture d'électrons et de la vitesse de la "flamme d'oxygène" dans le noyau dégénéré. ce qui entraîne des rendements de nucléosynthèse et une évolution chimique différents. Mais le résidu compact d'une supernova à effondrement de coeur par capture électronique est une étoile à neutrons de faible masse (~1.25M⊙), avec une faible rotation ainsi qu'un faible kick (vitesse d'impulsion).    

SN 2018zd pourra désormais être utilisée comme modèle de supernova par capture électronique, dans les futures études statistiques utilisant des échantillons homogènes provenant de grandes relevés.


Source

The electron-capture origin of supernova 2018zd
Daichi Hiramatsu  et al.
Nature Astronomy (28 june 2021)


Illustrations

1) La supernova SN 2018zd (à droite) dans la galaxie 2146 (NASA/STScI/J. DePasquale et Las Cumbres Observatory)

2) Schéma du processus de capture électronique par le néon et le magnésium (S. Wilkinson; Las Cumbres Observatory)

2 commentaires :

Anonyme a dit…

Est-ce que l'équipe japonaise peut obtenir le prix Nobel pour la découverte ďune supernova a capture ďélectrons

Dr Eric Simon a dit…

Je dirai que non, ce n'est pas une découverte majeure qui ferait une petite "révolution".