Une équipe d'astrophysiciens a caractérisé l'asymétrie du système d'Andromède et a testé sa concordance avec les prévisions du modèle standard. Toutes les 37 galaxies satellites d'Andromède, sauf une, sont situées à moins de 107° de notre Galaxie vu depuis le centre d'Andromède. Or, dans les simulations cosmologiques fondées sur le modèle standard, moins de 0,3 % des systèmes similaires à Andromède présentent une asymétrie comparable. Conjointement avec son plan de galaxies satellites, cela montre que le système d'Andromède paraît aberrant dans le paradigme cosmologique standard, et ça remet encore plus en question notre compréhension de la formation des structures à petite échelle. L'étude est parue dans Nature Astronomy.
La distribution spatiale des galaxies fournit des informations cruciales en cosmologie et en physique de la matière noire. Selon le modèle cosmologique standard, les petites galaxies fusionnent au fil du temps selon un processus chaotique pour former des galaxies plus grandes, laissant derrière elles des essaims de galaxies naines peu lumineuses qui orbitent autour de galaxies hôtes massives selon un arrangement quasi aléatoire.
Mais ce que montrent Kosuke Jamie Kanehisa de l'Institut Leibniz d'astrophysique de Potsdam et ses collaborateurs, c'est que les galaxies satellites de la galaxie d'Andromède (M31) ont des propriétés surprenantes et jusqu'à présent inexpliquées.
Au lieu d'être réparties aléatoirement autour de leur galaxie hôte, comme le prédit le modèle cosmologique standard, plus de 80 % de ces galaxies naines sont concentrées d'un côté de la galaxie d'Andromède.
Plus précisément, tous les satellites d'Andromède, sauf un, se situent à moins de 107 degrés de la ligne pointant vers la Voie lactée, une région qui ne couvre pourtant que 64 % des environs de la galaxie hôte. Jusqu'à présent, on ignorait si cette configuration particulière remettait en cause de manière significative le modèle cosmologique actuel ou si elle s'inscrivait dans la fourchette de la variance cosmique. Mais cette asymétrie a persisté et s'est même accentuée à mesure que des galaxies moins lumineuses ont été découvertes et que leurs distances ont été affinées.
Les simulations cosmologiques modernes, qui suivent l’évolution des galaxies au cours du temps cosmique, fournissent un outil précieux pour prédire et comparer les systèmes de galaxies dans le cadre cosmologique standard. Kanehisa et ses collaborateurs ont utilisé des simulations pour rechercher des galaxies hôtes de type Andromède et analyser la distribution spatiale de leurs galaxies naines satellites à l'aide de mesures pour quantifier l'asymétrie.
La comparaison de la configuration observée d'Andromède avec ces analogues simulées révèle que la distribution de ses satellites est extrêmement rare. Il faut examiner plus de trois cents systèmes simulés pour en trouver un seul dont l'asymétrie soit aussi extrême que celle observée. Et l'asymétrie d'Andromède devient encore plus déroutante lorsqu'elle est combinée à une autre caractéristique inhabituelle : le fait que la moitié de ses satellites co-orbitent dans une structure fine et plane.
Pour Kanehisa et ses collaborateurs, la formation de cette structure anisotrope autour de M31 pose un mystère qui, compte tenu de sa rareté parmi les analogues simulés, nécessite une histoire évolutive unique pour être expliquée. Et compte tenu de l'excellent alignement de l'asymétrie du système d'Andromède avec notre Galaxie, ils posent la question de savoir si la Voie lactée pourrait potentiellement jouer un rôle dans le maintien du déséquilibre observé. Si tel était le cas, en supposant que les deux galaxies hôtes du Groupe local aient une masse similaire, les satellites de la Voie lactée devraient également subir un effet comparable dû au potentiel de M31. Mais, bien que difficile à déterminer de manière fiable en raison de la couverture inégale du ciel et à l'obscurcissement dû au disque galactique, aucun degré notable d'asymétrie n'a été signalé pour l'instant dans la distribution des satellites de la Voie lactée. Il est également peu probable selon les chercheurs que les effets de marée soient suffisamment puissants pour reproduire l'asymétrie qui est observée. Néanmoins, comme l'alignement de 6° entre le cône d'asymétrie maximale le plus significatif de M31 et la direction de la Voie lactée se produit avec une probabilité de seulement 0,27 % si l'orientation de l'asymétrie observée est aléatoire, les astrophysiciens estiment que notre Galaxie joue un rôle important dans la formation ou l'évolution du système déséquilibré d'Andromède.
Il faut savoir qu'une autre équipe a exploré en 2020 la possibilité d'une accrétion unique d'une association bien peuplée de satellites formant le système actuel d'Andromède. Mais, compte tenu de la large distribution radiale observée et de la gamme d'énergies orbitales, ils ont constaté que la structure asymétrique résultante se dissoudrait probablement dès 500 millions d'années plus tard. Dans ce scénario, l'asymétrie importante observée dans le système d'Andromède doit être dominée par une population dynamique de satellites jeunes. Un excès similaire de satellites récemment accrétés pourrait également exister autour de la Voie lactée comme l'ont montré Hammer et al. et Taibi et al. il y a quelques années.
Kanehisa et ses coauteurs notent que bien que le faible signal asymétrique dans les hôtes appariés simulés soit effectivement dû à des satellites récemment accrétés à partir de filaments proches, de tels processus sont déjà inclus de manière auto-cohérente dans les simulations cosmologiques utilisées. De plus, si l'asymétrie observée était due à des satellites récemment tombés, la nature bien peuplée de la distribution asymétrique des satellites de M31 impliquerait une pénurie catastrophique de satellites avec un temps de chute plus ancien que l'échelle de temps de dispersion de l'asymétrie.
Contrairement à l'omniprésence apparente des plans corrélés de satellites dans notre voisinage cosmique, les échantillons statistiques d'associations de naines dans l'Univers local montrent généralement un degré de déséquilibre cohérent avec les simulations. Pour Kanehisa et al., cela renforce la nécessité d'une histoire évolutive unique pour M31 dans un contexte ΛCDM. Néanmoins, ils soulignent que les populations limitées de satellites dans ces échantillons peuvent masquer des systèmes individuels qui sont comparables à l'asymétrie du groupe d'Andromède. Des relevés de nouvelle génération avec des limites de luminosité de surface plus basses seront nécessaires pour déterminer de manière concluante si l'incidence de systèmes de satellites individuels hautement asymétriques correspond également aux attentes cosmologiques.
À l'heure actuelle, aucun mécanisme de formation connu ne peut expliquer l'asymétrie collective du système d'Andromède. En conjonction avec le plan des galaxies satellites de M31, qui présente un degré de tension similaire avec les simulations, ces nouveau résultats présentent le système de galaxies satellites d'Andromède comme une valeur aberrante frappante par rapport aux attentes du modèle cosmologique ΛCDM.
Cela soulève évidemment des questions quant à savoir si l’histoire évolutive d’Andromède est particulièrement anormale ou bien si notre compréhension de la formation des galaxies à petite échelle est incomplète.
En conclusion, on rappellera que bien que ces résultats remettent en question les théories cosmologiques actuelles, ils dépendent fortement de la précision des simulations sous-jacentes, qui sont limitées par la qualité de leur modélisation de la physique stellaire et de l’évolution des galaxies.
Les prochaines étapes vont donc consister à déterminer si la configuration d’Andromède est vraiment une valeur aberrante unique ou bien si des systèmes de galaxies anisotropes similaires existent ailleurs.
Le télescope Euclid devrait permettre d'avancer dans cette recherche.
Source
Andromeda’s asymmetric satellite system as a challenge to cold dark matter cosmology
Kanehisa, K.J., Pawlowski, M.S. et N. Libeskind.
Nature Astronomy (11 april 2025).
Illustration
Vue latérale de la distribution asymétrique des satellites d'Andromède.
1 commentaire :
on a l'impression que les satellites étaient attirés par Andromède, ceux-ci se retrouvant par la suite dans le passage de la galaxie. Mais pour celà, vu la direction de l'asymétrie (dans notre direction), il faudrait qu'Andromède nous fuit (alors qu'elle se rapproche). C'est un mouvement relatif. Si, relativement au cosmos local, nous nous (Andromède & Voie lactée) déplaçons dans la direction opposée, et si ces satellites étaient relativement immobiles à ce cosmos local, alors quourpoi pas, non?
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