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19/07/25

Observation d'un possible trou noir supermassif formé par effondrement direct de gaz


Avec des observations du télescope Webb, une équipe d'astrophysiciens a découvert un objet inhabituel situé à un redshift de z = 1,14,. Ils l'ont surnommé la galaxie (infini). Il s'agit de deux noyaux de galaxies séparés de 10 kpc, au milieu desquels se trouve un trou noir supermassif. L'analyse de ce qui a pu se passer dans ce système mène vers une formation du trou noir supermassif par l'effondrement direct du nuage de gaz compressé formé lors de la collision frontale de deux galaxies à disque. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

La lumière proche infrarouge au repos de la galaxie ∞ est dominée par deux noyaux compacts avec des masses stellaires d'environ 100 milliards M. Les deux noyaux sont entourés d'un anneau ou d'une coquille proéminente, donnant à la galaxie l'apparence d'un huit ou d'un symbole ∞. La morphologie ressemble à celle du système nommé II Hz 4, où la collision frontale de deux galaxies à disques parallèles a conduit à la formation d'anneaux collisionnels autour de leurs deux renflements. La spectroscopie avec le télescope Keck, les données radio du Very Large Array et les données X du télescope spatial Chandra montrent que la galaxie ∞ abrite un trou noir supermassif qui est en accrétion active avec une luminosité radio et X de type quasar.

Mais ce qui est remarquable, c'est que ce trou noir supermassif ne soit associé à aucun des deux noyaux galactiques, mais se situe exactement entre eux en termes de position et de vitesse radiale. De plus, à partir de l'émission excédentaire dans le filtre NIRCAM F150W de Webb, Pieter Van Dokum (Yale university) et ses collaborateurs déduisent que le trou noir est intégré dans une distribution étendue de gaz émetteur Hα , avec une largeur équivalente au référentiel au repos comprise entre 400 Å et 2 000 Å. Le gaz couvre toute la largeur du système et a probablement été choqué et comprimé au site de collision, dans un équivalent à l'échelle galactique de ce qui s'est produit dans l'amas du Boulet. 

Après avoir testé différentes hypothèses pour expliquer cet étonnant arrangement, comme la présence d'une éventuelle troisième galaxie, ou bien un trou noir supermassif qui se serait échappé de sa galaxie d'origine, Van Dokkum et ses collaborateurs en arrivent à la conclusion que le trou noir s'est formé in situ, là où il est encore observé. Ce serait en fait plutôt une conséquence de la morphologie inhabituelle du système et expliquerait également sa position et sa vitesse radiale.

Dans ce scénario, le gaz ionisé entre les noyaux galactiques est choqué et comprimé par la récente collision entre les deux galaxies. Selon les chercheurs, il est possible que le trou noir se soit formé suite à l'effondrement gravitationnel incontrôlable d'un nuage ou d'un filament au sein de ce gaz. Ce scénario relie le trou noir au nuage de gaz dans lequel il est enfoui et explique pourquoi sa vitesse radiale se situe exactement entre celles du gaz dans les deux anneaux galactiques.

Cette idée est qualitativement similaire aux modèles de formation de « graines lourdes » qui ont longtemps été proposés pour l'origine des trous noirs supermassifs au centre des galaxies. Alors que le modèle dominant pour l'origine des trous noirs supermassifs reste celui fondé sur une évolution à partir de trous noirs stellaires d'environ 1000 M⊙ issus de la première génération d'étoiles (population III) , l'effondrement direct de nuages de gaz prégalactiques d'environ 10 000 à 100 000 M⊙ est une alternative importante aujourd'hui. Les simulations montrent en effet que l'absence de métaux dans ces premiers objets baryoniques, combinée aux champs de rayonnement externes et à la dynamique violente des gaz associée à la formation du halo, peut créer des conditions propices à la formation de trous noirs supermassifs. Et récemment, ces modèles ont reçu une attention renouvelée, car les premiers résultats du télescope Webb indiquent que de nombreuses galaxies ont des masses de trous noirs relativement élevées pour leur masse stellaire.

Van Dokkum et ses collaborateurs précisent néanmoins que la similitude avec les modèles d'ensemencement des premiers trous noirs supermassifs n'est que superficielle, car le gaz de la galaxie est riche en métaux et ne se trouve pas au centre du halo. Mais ils rappellent aussi  que des études à haute résolution des conséquences de fusions riches en gaz ont montré que des trous noirs peuvent se former dans les régions centrales du résidu, même si le gaz est riche en métaux (L. Mayer et al. 2010 , 2015 ). Dans ce canal de formation, c'est la turbulence et la pression thermique, plutôt que l'absence de métaux, qui empêchent la fragmentation et la formation d'étoiles. Le gaz de la galaxie est actuellement réparti sur une région d'environ 10 kpc (distance projetée), mais il est concevable que des conditions extrêmes similaires aient été atteintes localement au moment de la collision des deux galaxies progénitrices, selon les chercheurs.

Il faut préciser également que, dans ce scénario, les deux noyaux galactiques ont toujours leurs propres  trous noirs supermassifs. Les dispersions de vitesse stellaire des noyaux galactiques sont d'environ ∼300 km s-1 sur la base de leurs tailles d'environ 1 kpc et de leurs masses d'environ ∼100 milliards de M⊙ . La relation M trou noir – σ implique des masses de trous noirs d'environ ∼1 milliard M⊙ pour des dispersions dans cette gamme. Ils n'ont en revanche pas été détectés par leur activité radio ou X.

Comme nous l'avons dit, la morphologie inhabituelle de la galaxie ∞ peut être expliquée par une collision frontale de deux galaxies à disque, conduisant à la formation d'anneaux de collision autour des deux bulbes survivants. Dans ce contexte, on peut utiliser les propriétés observées de la galaxie pour déterminer sa géométrie 3D approximative. En supposant que les anneaux sont intrinsèquement ronds, leur rapport d'axe observé de b / a  ≈ 0,77 implique un angle par rapport au plan du ciel de ≈40°. La distance physique entre les deux noyaux est alors de ≈15 kpc. 

Les astrophysiciens utilisent alors la géométrie déprojetée pour estimer Δ t , le temps écoulé depuis la collision. La différence de vitesse radiale déprojetée entre les côtés SE et NO du système est d'environ 260 km s-1, et pour une séparation déprojetée de 15 kpc, ils obtiennent Δ t  ∼ 50 Mégannées. Cet intervalle de temps est cohérent avec les échelles de temps typiques pour la formation d'anneaux de collision dans les simulations. 

Dans le contexte du modèle d'effondrement direct, le temps écoulé donne une estimation approximative de la masse initiale du trou noir supermassif. Pour une efficacité radiative standard de η  ≈ 0,1, un trou noir qui accrète au taux d'Eddington augmente sa masse d'un facteur d'environ 3 sur 50 Mégannées. Pour une masse actuelle de 1 million de M⊙, cela donne une masse initiale d'environ 300 000 M ⊙. 

L'hypothèse selon laquelle des trous noirs peuvent se former tardivement dans des galaxies en interaction n'est pas nouvelle ; par exemple, K. Schawinski et al. ont suggéré en 2011 que la présence de plusieurs AGN dans une galaxie agglomérée à z = 1,35 pourrait être due à une formation in situ et à un ensemencement tardif. Le trou noir actif de la galaxie se distingue de deux manières importantes : il constitue peut-être l'exemple le plus clair à ce jour d'un trou noir supermassif situé en dehors d'un noyau de galaxie, et le mécanisme spécifique proposé pour sa formation peut être testé par des simulations et des observations complémentaires.

La collision frontale de galaxies peut être simulée avec de fortes contraintes observationnelles sur les conditions post-collision (telles que la position des noyaux, la morphologie des anneaux, la localisation et la morphologie du gaz, et les vitesses radiales observées). Il se pourrait qu'une analyse approfondie des conditions physiques dans les nuages en collision démontre que les trous noirs supermassifs ne peuvent pas se former dans ce scénario. Dans ce cas, nous observerions probablement la réinflammation d'un trou noir supermassif errant ou éjecté lors de son passage à travers le gaz dans les régions centrales de la galaxie . Mais s'il s'avère possible de former des trous noirs supermassifs dans ce type de collision galactique, nous en apprendrons beaucoup sur le processus grâce à cet objet singulier. Par exemple, il se pourrait que l'effondrement soit hiérarchique, avec des fusions d'étoiles massives conduisant à la formation de trous noirs de masse intermédiaire et de multiples trous noirs de masse intermédiaire fusionnant pour former le trou noir que nous détectons actuellement. 

D'autres tests proviendront bien sûr d'observations. La spectroscopie exploité dans cette étude est limitée dans sa résolution spatiale et ne couvre pas les principales raies d'émission optique Hα , [N II ] et [S II ]. Ces raies sont inaccessibles depuis le sol en raison de l'absorption de H2O dans notre atmosphère, mais elles peuvent être observées avec le télescope Webb. Avec NIRSPEC, la présence du gaz émettant des raies entre les noyaux pourrait être confirmée, les vitesses radiales des noyaux pourraient être mesurées directement et la transition prédite entre la photoionisation près du trou noir et l'ionisation par choc plus loin pourrait aussi être observée. De plus, tout décalage de vitesse radiale entre le trou noir et le gaz environnant pourrait être mesuré avec précision. La preuve la plus convaincante d'un effondrement gravitationnel incontrôlable au sein de ce gaz serait l'observation de l'absence de décalage : cela serait difficile à concilier avec un trou noir errant ou éjecté qui possède une vitesse non négligeable, et c'est une prédiction du modèle de formation in situ.

Si le scénario proposé est confirmé, la galaxie fournit une démonstration empirique que la formation de trous noirs supermassifs par effondrement direct peut se produire dans les bonnes circonstances – quelque chose qui n'a jusqu'à présent été vu que dans des simulations et par des observations indirectes...


Source

The ∞ Galaxy: A Candidate Direct-collapse Supermassive Black Hole between Two Massive, Ringed Nuclei

Pieter van Dokkum, et al.

The Astrophysical Journal Letters, Volume 988, Number 1 (15 july 2025)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/addcfe


Illustrations

1. Schéma du scénario proposé pour la formation du trou noir supermassif au centre du système (Van Dokkum et al.)

2. La galaxie imagée avec Webb (Van Dokkum et al.)


29/06/25

Découverte d'un mini halo radio dans un amas de galaxie distant de 10 milliards d'années-lumière

Une équipe d'astrophysiciens a découvert un halo radio situé à 10 milliards d'années-lumière, il révèle que les amas de galaxies de l'univers primordial étaient déjà imprégnés de particules de haute énergie. Cette découverte suggère une activité ancienne de trous noirs ou bien des collisions de particules cosmiques énergétiques. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.

Ces vastes nuages de particules énergétiques sont appelés des « mini halos ». Ils entourent généralement des amas de galaxies. Celui que Julie Hlavacek-Larrondo (université de Montréal) et ses collaborateurs internationaux ont découvert est le plus éloigné jamais observé : 10 milliards d'années-lumière, doublant le précédent record.

Cette découverte démontre que des amas de galaxies, parmi les plus grandes structures de l’univers, ont été immergés dans des particules de haute énergie pendant la majeure partie de leur existence. Un tel mini-halo est constitué de particules chargées et hautement énergétiques dans le vide entre les galaxies d'un amas, qui émettent ensemble des ondes radio qui peuvent être détectées depuis la Terre. Les résultats montrent que même dans l'univers primitif, les amas de galaxies étaient déjà façonnés par des processus énergétiques.

Les chercheurs ont analysé les données du radiotélescope Low Frequency Array (LOFAR), un vaste réseau de plus de 100 000 petites antennes couvrant huit pays européens, dans la bande de fréquences entre 120 et 168 MHz.

En étudiant l'amas de galaxies nommé SpARCS 1049+5640, qui est l'amas de galaxies à cœur froid le plus éloigné identifié à ce jour (z=1,7), ils ont détecté un signal radio faible et étendu et ont déterminé qu'il ne provenait pas de galaxies individuelles, mais d'une vaste région remplie de particules de haute énergie et de champs magnétiques. La zone s'étend sur plus d'un million d'années-lumière et les chercheurs montrent que l'émission radio diffuse coïncide spatialement avec l'émission X du milieu chaud intra-amas. Il possède une puissance radio de 49,8 1024 W.Hz-1, présentant des similitudes frappantes avec les minihalos radio à faible décalage vers le rouge. Cette découverte double le record de décalage vers le rouge des minihalos précédemment connus. Selon Hlavacek-Larrondo et ses collaborateurs, cette découverte remet en question les modèles de pertes par processus Compton inverse et indique la présence de champs magnétiques intenses, d'une turbulence accrue dans les amas à fort décalage vers le rouge, ou bien de processus hadroniques actifs nécessitant un rapport énergie des rayons cosmiques / énergie thermique de 0,07 sur une distance de 200 kpc. 

Cela implique en outre que les champs magnétiques sont efficacement amplifiés jusqu'à 10 µG dans un volume de 1 Mpc3 pendant l'époque de formation des amas avant z=2. 

Selon Hlavacek-Larrondo et ses collaborateurs, il y a deux explications probables derrière la formation de ce mini-halo.

La première met en scène des trous noirs supermassifs au cœur des galaxies de l'amas, qui sont capables d'éjecter des flux de particules de haute énergie dans le milieu intergalactique. Mais cette hypothèse se heurte à la question de savoir comment ces particules pourraient s'éloigner du trou noir pour créer un nuage de particules aussi gigantesque, tout en conservant une telle quantité d'énergie.

La deuxième explication fait intervenir des collisions de particules cosmiques. Il s'agit de collisions de particules chargées au sein du plasma chaud de l'amas de galaxies à des vitesses proches de celles de la lumière, interagissant entre elles pour former des particules hautement énergétiques qui émettent au final des ondes radio par effet Synchrotron dans les champs magnétiques.

Étant donné la nature de cet amas (sa masse élevée pour son décalage vers le rouge, ses caractéristiques de noyau froid prononcé et le fait que le noyau froid soit déplacé par rapport à la BCG (la galaxie la plus brillante de l'amas), il n'est peut-être pas surprenant de détecter une telle structure dans ce système, pour les astrophysiciens qui ont fait cette découverte. Ils ajoutent dans la conclusion de leur article  que leurs résultats suggèrent que de telles structures pourraient s'être formées très tôt dans la vie des amas de galaxies. Et donc, cela implique que des particules relativistes et des champs magnétiques puissants étaient déjà présents dès z∼1.7 (c'est-à-dire quand l'Univers n'était âgé que de 3,8 Gigannées), et que des processus de réaccélération ou des mécanismes hadroniques étaient actifs à l'époque de la formation des amas. 

Par conséquent, les amas de galaxies, y compris leurs progéniteurs (les proto-amas), pourraient avoir été immergés dans des particules relativistes pendant la majeure partie de leur existence. Cet environnement pourrait influencer les galaxies qui y résident, et potentiellement façonner leur évolution. Cette étude apporte ainsi de nouvelles perspectives sur l'évolution des structures à grande échelle et le rôle de l'émission radio diffuse au cours du temps cosmique.

L'avènement d'installations de nouvelle génération, notamment les relevés à haute sensibilité et haute résolution du SKA et du ngVLA, fera sans aucun doute progresser ce domaine, permettant l'exploration de ces phénomènes avec une précision sans précédent.


Source

Discovery of Diffuse Radio Emission in a Massive z = 1.709 Cool Core Cluster: A Candidate Radio Mini-Halo

Julie Hlavacek-Larrondo et al.

à paraître dans The Astrophysical Journal Letters


Illustrations

1. L'amas SpARCS 1049+5640 et son mini halo imagés dans différentes longueurs d'ondes (visible, rayons X et radio) (HLavacek-Larrondo et al.)

2. Julie Hlavacek-Larrondo 


22/06/25

Détection directe en rayons X d'un filament de gaz intergalactique chaud (WHIM)


Des astronomes ont découvert un immense filament de gaz chaud reliant quatre amas de galaxies au sein du superamas de Shapley. Dix fois plus massif que notre galaxie, ce filament apparaît contenir une partie de la matière baryonique « manquante » de l'Univers, confirmant les prédictions des simulations cosmologiques qui allaient dans ce sens. Ils publient leur découverte dans Astronomy&Astrophysics.

On rappelle que, aujourd'hui, plus d'un tiers de la matière normale de l'Univers local manque à l'appel. Elle n'a pas encore été observée, mais elle est nécessaire au bon fonctionnement du modèle cosmologique. Le modèle standard suggère que cette matière insaisissable pourrait exister sous forme de longs filaments de gaz chaud, reliant les groupes d'amas qu'on appelle le WHIM (Warm <hot Intergalactic Medium). Ce dernier présente une faible luminosité de surface et une émission de rayons X mous, ce qui le rend difficile à détecter. Jusqu'à présent, l'émission X du WHIM n'a ​​été détectée que dans un très petit nombre de filaments individuels, tandis que c'est dans un nombre encore plus restreint de filaments, que le WHIM a pu être analysé par spectroscopie.

Konstantinos Migkas (Université de Leiden) et  ses collaborateurs ont utilisé les télescopes spatiaux à rayons X XMM-Newton de l'ESA et Suzaku de la JAXA pour caractériser un tel filament de gaz chaud qui relie deux paires d'amas de galaxies entre eux : A3530/32 et A3528-N/S. Ils ont utilisé XMM-Newton pour rendre compte de manière robuste des sources ponctuelles dans le filament, que Suzaku ne parvient pas à détecter en raison de sa faible résolution angulaire, et pour caractériser complètement les amas voisins et leur contamination du signal dans la région du filament (par exemple des trous noirs supermassifs en arrière plan ou en avant plan). 

Migkas et ses collaborateurs ont ainsi produit l'imagerie directe et la détection spectroscopique de l'émission thermique étendue du WHIM de ce filament unique. Leur analyse confirme l'existence d'une émission de rayons X supplémentaire de 21±3 % dans tout le filament par rapport au fond du ciel à un niveau statistique de 6,1 σ . Les chercheurs parviennent à contraindre la température du gaz du filament, la densité électronique et la surdensité baryonique à respectivement  kT ≈ 0,8−1,1 keV (soit plus de 10 millions de K), ne ≈10-5 électrons.cm-3 et δb ≈ 30−40, respectivement, ce qui est en accord avec les simulations cosmologiques, et ce pour  pour la première fois pour un filament unique. Indépendamment de l'analyse des rayons X, les astrophysiciens identifient également une surdensité de galaxies dans tout le filament grâce à la base de données de vitesse du superamas de Shapley et peuvent limiter la longueur 3D du filament à 7,2 Mpc, avec un angle de 53° avec le plan du ciel. Il s'agit de la première détection spectroscopique en rayons X d'une émission du WHIM "pur" provenant d'un filament individuel et intact, sans contamination significative provenant de sources ponctuelles non résolues.

La détection de l'émission du WHIM des filaments cosmiques est essentielle pour résoudre le problème des baryons manquants et mieux comprendre la structure à grande échelle. Mais très peu d'études ont rapporté une détection par rayons X de l'émission provenant de filaments individuels, et encore moins d'études ont analysé l'émission WHIM spectralement. Dans cette étude, les chercheurs ont détecté sans ambiguïté un filament cosmique de 7,2 Mpc de long par imagerie et analyse spectroscopique. Ce filament avait été récemment découvert grâce à sa surdensité optique de galaxies par Aghanim et al. (2024).

Les quatre amas ont des masses intermédiaires d'environ 200 000 milliards de masses solaires. La masse totale de gaz du filament est d'environ 12 000 milliards  M⊙ . Les résultats de Migkas et al. concordent bien avec les propriétés thermodynamiques des filaments telles que prédites par les simulations cosmologiques de la structure à grande échelle. Mais des études antérieures avaient rapporté un δb environ 5 fois plus élevé pour d'autres filaments. Les chercheurs précisent que cette différence peut provenir du fait que leur méthodologie détaillée permet d'éliminer efficacement la contamination de l'émission de type AGN, ce qui a permis de retracer l'émission WHIM provenant uniquement du filament vierge, alors que les études précédentes auraient pu être davantage affectées par l'émission résiduelle des halos et des sources ponctuelles. Et cela pourrait les avoir conduits à surestimer la densité du gaz filamentaire.

En conclusion, Migkas et ses collaborateurs avertissent que, lorsque seules les données Suzaku sont utilisées (sans résoudre toutes les autres sources dans l'ensemble du filament), les propriétés du gaz sont significativement affectées et cela biaise les résultats finaux. C'est grâce à l'ajout des données X profondes de haute qualité, comme celles de XMM-Newton qu'ils ont pu caractériser le WHIM de manière robuste.

Les "baryons manquants" ne sont désormais plus manquants. 


Source

Detection of pure warm-hot intergalactic medium emission from a 7.2 Mpc long filament in the Shapley supercluster using X-ray spectroscopy

K. Migkas et al.

A&A, 698, A270 (19 June 2025)

Illustrations

1. Le filament de gaz chaud détecté entre les quatre amas de galaxies (Migkas et al.)
2. Konstantinos Migkas


12/06/25

Le regroupement anormal des galaxies naines diffuses pointe vers la nature de la matière noire


Il est bien établi aujourd’hui que les galaxies les plus massives et les plus compactes ont tendance à se regrouper davantage spatialement que celles qui sont moins compactes. Ces résultats peuvent être compris en termes de formation des galaxies dans des halos de matière noire froide. Mais une équipe de chercheurs chinois vient de découvrir un comportement tout à fait inattendu et qui va dans le sens inverse concernant les galaxies naines. Moins les galaxies naines sont compactes, plus elles ont tendance à se regrouper ! Ils publient leur étude dans Nature.

Ziwen Zhang et ses collaborateurs ont mis en évidence un regroupement à grande échelle inattendu pour les galaxies naines isolées, diffuses et bleues, qui s’avère comparable à celui observé pour les groupes de galaxies massives, mais beaucoup plus fort que celui attendu en fonction de la masse de leur halo.

Leur analyse indique que le fort regroupement de ces galaxies diffuses pourrait être cohérent avec les simulations incluant la cosmologie standard ΛCDM mais seulement si plus de naines diffuses se seraient formées dans des halos de faible masse et d'âges plus élevés. Or, ce schéma n'est pas du tout reproduit par les modèles existants d'évolution des galaxies dans un cadre ΛCDM.

Les chercheurs chinois ont sélectionné leurs galaxies naines dans le catalogue de galaxies du Sloan Digital Sky Survey (SDSS) Data Release 7 (DR7). Ils n’ont pris en compte que les galaxies naines isolées, définies comme les centres des groupes de galaxies, afin d'éviter les complications liées aux galaxies satellites dans l'interprétation de leurs résultats. Ils ont également exclu les naines de couleur rouge et d'indice de Sérsic élevé, afin de pouvoir se concentrer sur les galaxies de « type tardif », dont on pensait jusqu'à présent qu'elles se formaient tardivement et qu'elles n'étaient que faiblement regroupées spatialement. Les naines ont été divisées en quatre échantillons en fonction de leur densité de masse surfacique (Σ*). Ils ont ensuite calculé les fonctions de corrélation croisée à deux points projetées (2PCCF), et en ont dérivé le biais relatif, qui est défini comme étant le rapport de la 2PCCF d'un échantillon avec celui des naines compactes (les galaxies naines qui ont les plus hautes valeurs de Σ*). Le biais relatif en fonction de Σ* montre clairement que le biais augmente avec la diminution de la densité de surface, contrairement à ce que l'on pense généralement. Pour les naines de plus faible Σ* (les naines diffuses), qu’on appelle aussi des galaxies ultradiffuses (UDG), le biais relatif est de 2.31, et indique une dépendance à Σ* à un niveau d'environ 7σ. Pour le deuxième échantillon avec Σ* le plus bas, le biais relatif est de 1.49, ce qui démontre que le déclin avec Σ* se voit sur toute la gamme de densité de surface couverte par l’échantillon. En d'autres termes : plus les galaxies ont une densité de surface Σ* faible, plus elles sont regroupées spatialement.

Zhang et ses collaborateurs rappellent que dans le paradigme actuel de la matière noire froide (CDM), plusieurs mécanismes ont été proposés pour la formation des naines diffuses. Les processus environnementaux tels que le chauffage par les marées, l'interaction entre galaxies et l'abaissement de la pression sont capables de rendre les galaxies naines plus diffuses. Mais ces mécanismes sont principalement efficaces dans les environnements de groupes et d'amas, bien que certaines simulations suggèrent que les environnements filamentaires pourraient également dépouiller les galaxies naines de leur gaz. Ces mécanismes devraient éliminer le gaz des galaxies naines et y étouffer la formation d'étoiles, produisant ainsi des naines rouges et pauvres en gaz observées dans les amas et les groupes de galaxies. Ils ne devraient pas être efficaces pour la formation des naines diffuses concernées ici, car ces naines résident dans des halos de faible masse, ont des couleurs bleues et possèdent des disques de gaz étendus.

Il a également été proposé que les naines diffuses soient produites dans des halos de spin élevé selon le modèle de formation des disques. Mais ce scénario ne peut pas expliquer le fort regroupement à grande échelle des naines diffuses. Alternativement, de multiples épisodes de rétroaction de supernovas peuvent déclencher des oscillations du potentiel gravitationnel, qui conduisent alors à l'expansion dans les parties internes des halos et à la formation de naines diffuses bleues. Un tel processus pourrait expliquer les résultats observés si son effet est plus fort dans les halos plus anciens. Mais, malheureusement, les simulations existantes suggèrent que l'effet est indépendant de l'âge et de la concentration des halos.

Zhang et ses collaborateurs n’en restent pas là. Ils montrent que ce phénomène de regroupement de galaxies naines diffuses pourrait être expliqué par l'hypothèse d'une matière noire qui peut interagir avec elle-même, ce qu’on appelle la matière noire de type SIDM (self interacting dark matter) : une matière noire qui n’interagit que très peu ou pas avec la matière baryonique ordinaire, mais qui pourrait interagir avec les autres particules de matière noire. Il faut se rappeler que modèle de la matière noire SIDM a également été proposé comme une solution prometteuse aux problèmes à petite échelle qui sont rencontrés par la matière noire de type CDM.

Les halos de SIDM devraient avoir la même histoire de formation et les mêmes regroupements à grande échelle que leurs homologues CDM, de sorte que le biais d'assemblage devrait également être le même, et avoir des densités centrales considérablement réduites en raison des collisions ultérieures des particules de matière noire. Comme la probabilité de collision entre les particules de matière noire augmente avec la densité et l'âge du halo, les halos plus anciens devraient posséder des noyaux plus grands et des densités centrales plus faibles. Ainsi, si les galaxies naines avec des Σ* plus faibles sont associées à des halos SIDM avec des noyaux plus grands (densités centrales plus faibles), une anticorrélation entre Σ* et le biais relatif est attendue. Ainsi, pour Zhang et al., le modèle SIDM combiné au biais d'assemblage fournit une explication plausible de la relation biais-Σ* qui est observée.

Si la matière noire auto-interagissante conduit à la formation de naines diffuses, l'auto-interaction doit être suffisamment forte pour produire des noyaux perceptibles, fournissant ainsi des prédictions testables. Zhang et ses collaborateurs ont utilisé un échantillon de halos et assigné à chacun des halos une galaxie avec son Σ*. Ils ont ensuite supposé une section efficace d'interaction, σm, et adopté le modèle isotherme de Jeans pour prédire le profil (rayon du noyau, rc, et densité centrale, ρ0 ) du halo SIDM. Le résultat met en évidence la similarité entre les noyaux des halos SIDM et les galaxies naines, en termes de distribution des tailles et du biais à grande échelle sur la taille, indiquant que les noyaux des halos SIDM sont des proxies viables des propriétés structurelles des galaxies naines. La relation prédite est presque une loi de puissance, on a Σ* ∝ 1/ rc2 pour une masse de halo donnée, ce qui implique que,  si la masse stellaire M* dans un halo ne dépend que de la masse totale du halo, on aurait R50 ∝ rc , où R50 est le rayon englobant 50% de la lumière de la galaxie, ce qu’on peut appeler la « taille » de la galaxie. En paramétrant la relation et en itérant le modèle de Jeans jusqu'à convergence et en ajustant le facteur de normalisation, les chercheurs chinois ont trouvé que la Σ* prédite peut effectivement  reproduire la relation biais relatif-Σ* qui est observée.

Les résultats de Zhang et al. sont clairement en défaveur d'une grande section efficace d'interaction pour la matière noire SIDM, puisque sinon cela conduirait à l'effondrement du noyau du halo et inverserait la tendance du biais avec Σ*. Les relations d'échelle prédites, Σ* ∝ 1/ rc2 et R50 ∝ rc, indiquent que les composantes stellaires des naines diffuses devraient suivre de près la dynamique induite par la matière noire. Une telle condition peut être créée par un processus qui peut mélanger les étoiles et le gaz de formation d'étoiles avec la matière noire.

Il est clair que maintenant ces hypothèses doivent être testées par exemple à l'aide de simulations hydrodynamiques qui peuvent modéliser correctement non seulement la dynamique de la composante SIDM mais aussi les processus de formation des galaxies.

A défaut de savoir exactement ce qu'est la matière noire, il se pourrait bien que l'on commence à la cerner un peu mieux... 

 

Source

Unexpected clustering pattern in dwarf galaxies challenges formation models

Ziwen Zhang et al.

Nature volume 642, pages47–52 (5 June 2025)

https://doi.org/10.1038/s41586-025-08965-5


Illustration

Le biais relatif observé des galaxies naines (à gauche) ; et le biais relatif prédit par la simulation sous l'hypothèse du modèle de matière noire auto-interagissant (SIDM) (la courbe noire) comparé aux résultats d'observation (la courbe orange) (à droite). (Zhang et al.)

 

23/04/25

FCC 224, l’autre galaxie sans matière noire


Une équipe de chercheurs vient de montrer l’existence d’une nouvelle galaxie très déficiente en matière noire qui possède des caractéristiques très similaires à d’autres galaxies pauvres en matière noire déjà identifiées (DF2 et DF4). Ces caractéristiques communes signalent l'existence d'une classe de galaxies déficientes en matière noire jusqu'à présent non reconnue. L’étude est publiée dans Astronomy&Astrophysics

La découverte de galaxies ultra-diffuses (UDG) quiescentes et déficientes en matière noire avec des amas globulaires (GC) surlumineux a remis en question les modèles de formation des galaxies dans le cadre du paradigme cosmologique ΛCDM. Auparavant, de telles galaxies n'avaient été identifiées que dans le groupe de NGC 1052, ce qui soulève la possibilité qu'elles soient le résultat de processus uniques et spécifiques au groupe, et limite leur signification plus large. En effet, les galaxies naines DF2 et DF4 possèdent de nombreuses caractéristiques inhabituelles, la plus significative étant leur absence totale apparente de matière noire dans leurs régions internes. Ces caractéristiques ont suscité de nombreuses théories sur leurs origines depuis 2018. Parmi ces scénarios, on trouve celui de la « naine à balles » proposé par Silk (2019) et van Dokkum et al. (2022), dans lequel des interactions à grande vitesse séparent la matière noire et la matière baryonique tout en générant la pression intense nécessaire à la formation d'amas globulaires exceptionnellement brillants.

Car DF2 et DF4 abritent des amas globulaires étonnamment surlumineux, avec une fonction de luminosité de l'amas globulaire (GCLF) qui les distingue des galaxies naines normales. La prédiction de ce scénario est que huit interactions de type « bullet dwarf » produisant des UDGs déficientes en matière noire devraient se produire dans un volume de 20 Mpc de côté. Les galaxies formées par ce processus constitueraient probablement une nouvelle classe de galaxies naines. Cependant, jusqu'à présent, de telles galaxies n'ont pas été identifiées. Jusqu’à aujourd’hui. Maria Luisa Buzzo (Swinburne University) et ses collaborateurs ont cherché à étudier le contenu en matière noire de FCC 224 et à explorer ses similarités avec les naines du groupe NGC 1052: DF2 et DF4, afin de déterminer si elle appartient ou non à la même classe de galaxies UDG déficientes en matière noire.

La première indication d'un lien entre FCC 224 et les galaxies déficientes en matière noire du groupe de NGC 1052 est venue de sa population d’amas globulaires inhabituellement brillants, une caractéristique qui a suscité un regain d'intérêt et des observations de suivi avec le télescope spatial Hubble en 2024 et 2025. Ces études ont mis en évidence des similitudes frappantes entre FCC 224 et les galaxies du groupe de NGC 1052, suggérant des éléments d'une origine commune. FCC 224 répond à la définition d'une UDG dans les limites des incertitudes, avec un rayon effectif de Re = 1,89 ± 0,01 kpc, et une luminosité de surface centrale de 23,97 ± 0,03 mag arcsec-2. Sa masse stellaire est de log(M⋆/M⊙) = 8,24 ± 0,04 et on estime qu'elle héberge 13 ± 1 amas globulaires (Tang et al. 2025). 

Compte tenu de ces caractéristiques particulières, FCC 224 pourrait être un nouvel exemple de galaxie naine sans matière noire. Buzzo et al. ont utilisé la spectroscopie à haute résolution du Keck Cosmic Web Imager (KCWI) pour déterminer directement le contenu en matière noire de FCC 224 et étudier ses similarités avec DF2 et DF4. En analysant leur cinématique, leurs populations stellaires et leur système d’amas, ils ont exploré la possibilité que ces galaxies forment une nouvelle classe de galaxies. Et Buzzo et ses collaborateurs trouvent que FCC 224 présente un ensemble distinct de caractéristiques partagées avec DF2 et DF4, notamment une rotation lente et prolate, une quiescence dans des environnements à faible densité, ainsi qu’une formation simultanée d'étoiles et d’amas globulaires, des gradients de population stellaire plats, une fonction de luminosité de d’amas globulaires lourde au sommet, et des amas globulaires qui apparaissent monochromatiques. Pour les chercheurs, ce cadre de diagnostic devrait permettre d'identifier d'autres exemples et soulève en tous cas de nouvelles questions pour les modèles de formation des galaxies dans le cadre de la cosmologie ΛCDM. 

FCC 224 est bien une galaxie déficiente en matière noire, avec une dispersion de vitesse stellaire de σ=7.82 (-4.36 , +6.74) km s-1, significativement plus bas que les 25 km s-1 prédits pour une galaxie naine typique de sa masse stellaire. La masse dynamique dans un rayon effectif, estimée à log(Mdyn/M⊙) = 7.9 ± 0.4, est cohérente avec sa masse stellaire dans le même rayon, et qui vaut log(M⋆/M⊙) = 7.94 ± 0.04, ce qui implique une fraction de matière noire négligeable dans cette région. La population stellaire de FCC 224 est uniformément vieille et pauvre en métaux (c'est-à-dire des profils d'âge et de métallicité plats), avec un âge pondéré par la masse qui est de 10,2 ± 0,5 Gigannées et une métallicité [M/H] = -1,3 ± 0,3 dex, correspondant étroitement (et curieusement) à ceux de ses amas globulaires.
De plus, la galaxie héberge un système d’amas globulaires inhabituel, incluant une fonction de luminosité lourde au sommet et des amas monochromatiques, similaires à ceux de DF2 et DF4. FCC 224 tourne lentement (7,5 ± 3.0 km s-1) et présente une rotation prolate. Elle réside dans un environnement de faible densité, comme le confirme l'absence de gaz et de raies d'émission. 


Ces résultats alignent FCC 224 avec DF2 et DF4 et signalent l'existence d'une nouvelle classe de galaxies naines déficientes en matière noire, suggérant une pertinence cosmologique plus large qui remet en question les modèles de formation des galaxies avec le paradigme ΛCDM et fournissant un cadre pour identifier d'autres galaxies sans matière noire. 

Source

A new class of dark matter-free dwarf galaxies ?
Maria Luisa Buzzo et al.
A&A, 695, A124 (12 march 2025)


Illustrations

1.Image et modèle de FCC 224 ( Buzzo et al.)
2. Maria Luisa Buzzo

17/04/25

Le système de galaxies satellites d'Andromède très fortement asymétrique


Une équipe d'astrophysiciens a caractérisé l'asymétrie du système d'Andromède et a testé sa concordance avec les prévisions du modèle standard. Toutes les 37 galaxies satellites d'Andromède, sauf une, sont situées à moins de 107° de notre Galaxie vu depuis le centre d'Andromède. Or, dans les simulations cosmologiques fondées sur le modèle standard, moins de 0,3 % des systèmes similaires à Andromède présentent une asymétrie comparable. Conjointement avec son plan de galaxies satellites, cela montre que le système d'Andromède paraît aberrant dans le paradigme cosmologique standard, et ça remet encore plus en question notre compréhension de la formation des structures à petite échelle. L'étude est parue dans Nature Astronomy.

La distribution spatiale des galaxies fournit des informations cruciales en cosmologie et en physique de la matière noire. Selon le modèle cosmologique standard, les petites galaxies fusionnent au fil du temps selon un processus chaotique pour former des galaxies plus grandes, laissant derrière elles des essaims de galaxies naines peu lumineuses qui orbitent autour de galaxies hôtes massives selon un arrangement quasi aléatoire. Mais ce que montrent Kosuke Jamie Kanehisa de l'Institut Leibniz d'astrophysique de Potsdam et ses collaborateurs, c'est que les galaxies satellites de la galaxie d'Andromède (M31) ont des propriétés surprenantes et jusqu'à présent inexpliquées. 

Au lieu d'être réparties aléatoirement autour de leur galaxie hôte, comme le prédit le modèle cosmologique standard, plus de 80 % de ces galaxies naines sont concentrées d'un côté de la galaxie d'Andromède. Plus précisément, tous les satellites d'Andromède, sauf un, se situent à moins de 107 degrés de la ligne pointant vers la Voie lactée, une région qui ne couvre pourtant que 64 % des environs de la galaxie hôte. Jusqu'à présent, on ignorait si cette configuration particulière remettait en cause de manière significative le modèle cosmologique actuel ou si elle s'inscrivait dans la fourchette de la variance cosmique. Mais cette asymétrie a persisté et s'est même accentuée à mesure que des galaxies moins lumineuses ont été découvertes et que leurs distances ont été affinées.
Les simulations cosmologiques modernes, qui suivent l’évolution des galaxies au cours du temps cosmique, fournissent un outil précieux pour prédire et comparer les systèmes de galaxies dans le cadre cosmologique standard. Kanehisa et ses collaborateurs ont utilisé des simulations pour rechercher des galaxies hôtes de type Andromède et analyser la distribution spatiale de leurs galaxies naines satellites à l'aide de mesures pour quantifier l'asymétrie.
La comparaison de la configuration observée d'Andromède avec ces analogues simulées révèle que la distribution de ses satellites est extrêmement rare. Il faut examiner plus de trois cents systèmes simulés pour en trouver un seul dont l'asymétrie soit aussi extrême que celle observée. Et l'asymétrie d'Andromède devient encore plus déroutante lorsqu'elle est combinée à une autre caractéristique inhabituelle : le fait que la moitié de ses satellites co-orbitent dans une structure fine et plane.

Pour Kanehisa et ses collaborateurs, la formation de cette structure anisotrope autour de M31 pose un mystère qui, compte tenu de sa rareté parmi les analogues simulés, nécessite une histoire évolutive unique pour être expliquée. Et compte tenu de l'excellent alignement de l'asymétrie du système d'Andromède avec notre Galaxie, ils posent la question de savoir si la Voie lactée pourrait potentiellement jouer un rôle dans le maintien du déséquilibre observé. Si tel était le cas, en supposant que les deux galaxies hôtes du Groupe local aient une masse similaire, les satellites de la Voie lactée devraient également subir un effet comparable dû au potentiel de M31. Mais, bien que difficile à déterminer de manière fiable en raison de la couverture inégale du ciel et à l'obscurcissement dû au disque galactique, aucun degré notable d'asymétrie n'a été signalé pour l'instant dans la distribution des satellites de la Voie lactée. Il est également peu probable selon les chercheurs que les effets de marée soient suffisamment puissants pour reproduire l'asymétrie qui est observée. Néanmoins, comme l'alignement de 6° entre le cône d'asymétrie maximale le plus significatif de M31 et la direction de la Voie lactée se produit avec une probabilité de seulement 0,27 % si l'orientation de l'asymétrie observée est aléatoire, les astrophysiciens estiment que notre Galaxie joue un rôle important dans la formation ou l'évolution du système déséquilibré d'Andromède.

Il faut savoir qu'une autre équipe a exploré en 2020 la possibilité d'une accrétion unique d'une association bien peuplée de satellites formant le système actuel d'Andromède. Mais, compte tenu de la large distribution radiale observée et de la gamme d'énergies orbitales, ils ont constaté que la structure asymétrique résultante se dissoudrait probablement dès 500 millions d'années plus tard. Dans ce scénario, l'asymétrie importante observée dans le système d'Andromède doit être dominée par une population dynamique de satellites jeunes. Un excès similaire de satellites récemment accrétés pourrait également exister autour de la Voie lactée comme l'ont montré Hammer et al. et Taibi et al. il y a quelques années.
Kanehisa et ses coauteurs notent que bien que le faible signal asymétrique dans les hôtes appariés simulés soit effectivement dû à des satellites récemment accrétés à partir de filaments proches, de tels processus sont déjà inclus de manière auto-cohérente dans les simulations cosmologiques utilisées. De plus, si l'asymétrie observée était due à des satellites récemment tombés, la nature bien peuplée de la distribution asymétrique des satellites de M31 impliquerait une pénurie catastrophique de satellites avec un temps de chute plus ancien que l'échelle de temps de dispersion de l'asymétrie.

Contrairement à l'omniprésence apparente des plans corrélés de satellites dans notre voisinage cosmique, les échantillons statistiques d'associations de naines dans l'Univers local montrent généralement un degré de déséquilibre cohérent avec les simulations. Pour Kanehisa et al., cela renforce la nécessité d'une histoire évolutive unique pour M31 dans un contexte ΛCDM. Néanmoins, ils soulignent que les populations limitées de satellites dans ces échantillons peuvent masquer des systèmes individuels qui sont comparables à l'asymétrie du groupe d'Andromède. Des relevés de nouvelle génération avec des limites de luminosité de surface plus basses seront nécessaires pour déterminer de manière concluante si l'incidence de systèmes de satellites individuels hautement asymétriques correspond également aux attentes cosmologiques.

À l'heure actuelle, aucun mécanisme de formation connu ne peut expliquer l'asymétrie collective du système d'Andromède. En conjonction avec le plan des galaxies satellites de M31, qui présente un degré de tension similaire avec les simulations, ces nouveau résultats présentent le système de galaxies satellites d'Andromède comme une valeur aberrante frappante par rapport aux attentes du modèle cosmologique ΛCDM.
Cela soulève évidemment des questions quant à savoir si l’histoire évolutive d’Andromède est particulièrement anormale ou bien si notre compréhension de la formation des galaxies à petite échelle est incomplète.

En conclusion, on rappellera que bien que ces résultats remettent en question les théories cosmologiques actuelles, ils dépendent fortement de la précision des simulations sous-jacentes, qui sont limitées par la qualité de leur modélisation de la physique stellaire et de l’évolution des galaxies. Les prochaines étapes vont donc consister à déterminer si la configuration d’Andromède est vraiment une valeur aberrante unique ou bien si des systèmes de galaxies anisotropes similaires existent ailleurs. Le télescope Euclid devrait permettre d'avancer dans cette recherche. 


Source

Andromeda’s asymmetric satellite system as a challenge to cold dark matter cosmology
Kanehisa, K.J., Pawlowski, M.S. et N. Libeskind.  
Nature Astronomy (11 april 2025).


Illustration

Vue latérale de la distribution asymétrique des satellites d'Andromède.

27/02/25

Découverte d'une corrélation entre formation d'étoiles et vitesse de rotation d'un trou noir supermassif


Une équipe d’astrophysiciens chinois vient de trouver l’existence d’une corrélation entre la vitesse de rotation des trous noirs supermassifs et le taux de formation des étoiles dans leur galaxie hôte. Il existerait donc un lien étroit entre les caractéristiques du trou noir central et la croissance de la galaxie. Ils publient leur découverte dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Les galaxies dans l'univers local sont grossièrement divisées en deux catégories: les galaxies bleues qui forment des étoiles et les galaxies rouges qui sont dites quiescentes. Selon leurs morphologies visuelles, les galaxies sont classées comme galaxies elliptiques, galaxies lenticulaires, spirales et irrégulières. Il est largement admis que l'activité de formation d'étoiles dans les galaxies est étroitement liée à leur type morphologique. Les galaxies elliptiques pauvres en gaz et les galaxies lenticulaires ont des taux de formation d'étoiles (SFR) faibles (inférieur à 1 masse solaire par an), alors que les spirales riches en gaz et les galaxies Irrégulières ont des SFR élevés (environ 20 masses solaires par an).

Les galaxies elliptiques sont considérées comme les systèmes les plus massifs, anciens et rouges. Inversement, les galaxies spirales sont principalement des systèmes à forte activité de formation d'étoiles, plus bleues et jeunes.

De nombreuses études ont montré que le taux de formation d’étoiles des galaxies présente une distribution bimodale. En combinant deux propriétés fondamentales des galaxies, le SFR et la masse stellaire, on peut obtenir des informations sur leur vitesse actuelle de conversion de gaz en étoiles. Dans le cas des galaxies formant des étoiles, ces deux paramètres se sont avérés étroitement liés. Au contraire, les galaxies quiescentes montrent une relation faible entre SFR et M.

Ce phénomène bimodal a été étudié en profondeur au début des années 2000 (par ex. Strateva et al. 2001 ; Blanton et al. 2003 ; Baldry et al. 2004 ; Taylor et al.  2015). Mais plusieurs études ont rapporté la présence de galaxies de type précoce avec une formation d'étoiles en cours, et inversement des galaxies de type tardif qui ont cessé leur activité de formation des étoiles (par ex. Rowlands et al. 2012; Vulcani et al. 2015 ; Bitsakis et al. 2019; Cano-Daz et al. 2019).

Par l'observation et la simulation numérique, on constate que la plupart des galaxies massives sont des galaxies de type précoce (par ex. Cappellari et al. 2013). En outre, de nombreuses études ont montré que la masse du trou noir supermassif central est étroitement liée à la masse stellaire du bulbe galactique (Ferrarese et Merritt 2000 ; Hôring et Rix 2004 ; Kormendy et Ho 2013). Ces dernières années, de nombreuses études ont aussi montré que divers processus de rétroaction sont cruciaux pour la formation des galaxies.

Les galaxies générées par les simulations sans effets de rétroaction sont trop massives pour correspondre aux observations (Oser et al. 2010). Du fait de l'existence de trous noirs supermassifs, la rétroaction des noyaux galactiques actifs (AGN) joue un rôle qui est si fort dans les galaxies massives qu'il peut éteindre toute la formation stellaire de la galaxie. 

Mais différentes observations ont montré à la fois des preuves de rétroactions négatives et des preuves de rétroaction positive. Martin-Navarro et al. ont ainsi suggéré en 2018 que c'est le trou noir supermassif qui régule la formation des étoiles dans les galaxies massives. La croissance de ces trous noirs galactiques libère beaucoup d'énergie, alimentant les quasars et autres AGN plus faibles. Une petite partie de cette énergie, si elle est absorbée par la galaxies hôte, peut affecter la formation des étoiles.

La masse du trou noir joue un rôle important, mais à l'heure actuelle, on ne sait pas si son spin (sa vitesse de rotation) affecte la formation stellaire de la galaxie hôte. Yongyun Chen (Qujing Normal University) et ses collaborateurs ont creusé cette question en étudiant la relation qui existerait entre le spin du trou noir et le SFR, ainsi que le paramètre spécifique d'activité de formation des étoiles, pour les galaxies massives formant des étoiles. Ils ont utilisé la luminosité radio sur un très grand échantillon de galaxies à noyau actif (14574 AGN du relevé Sloan Digital Sky) pour calculer le spin des trous noirs et étudier la relation qui pourrait exister entre le spin et la formation des étoiles.

Les masses stellaires et taux de formation stellaire sont obtenus en ajustant les distributions spectrales photométriques en croisant les données du SDSS et du télescope spatial WISE. Pour la rotation des trous noirs, c’est vers les données de LOFAR à 144 MHz que les chercheurs chinois se sont tournés. Finalement, ils obtiennent un échantillon exploitable de 714 galaxies massives à formation d’étoiles : 408 de type précoce et 306 de type tardif, qui ont une masse stellaire comprise entre 3,2 milliards et 320 milliards de masses solaires.

Chen et ses collaborateurs parviennent à montrer tout d’abord que les galaxies de type tardif ont tendance à avoir des SFR moyens et des spins de trous noirs qui sont plus élevés que les galaxies de type précoce. Les galaxies de type précoce ont, elles, tendance à avoir une masse moyenne de trou noir supérieure à celles des galaxies de type tardif.

D’autre part, les chercheurs montrent qu’il existe une corrélation significative entre le spin du trou noir et le SFR pour les deux types de galaxies massives (précoce et tardif). Ces résultats indiquent que la rotation des trous noirs supermassifs régule la formation d'étoiles de ces galaxies d’une façon ou d’une autre.

Enfin, Yongyun Chen et son équipe mettent en évidence que dans les galaxies de type précoce et tardif, les pentes de la relation qui lie le spin des trous noirs et le SFR spécifique, et les paramètres d'activité de formation des étoiles, sont cohérents dans la plage d'erreurs. Ces résultats suggèrent selon eux que le mécanisme de la rotation du trou noir réglant la formation des étoiles pourrait être similaire à la fois dans les galaxies de type précoce et tardif.

Il semblerait donc que l’activité des noyaux actifs de galaxie qui est à même de produire une rétroaction sur la formation des étoiles, dépende intimement de la vitesse de rotation du trou noir central. A moins que la causalité soit inversée ? Une activité exacerbée d’un disque d’accrétion pourrait-elle influencer la rotation du trou noir supermassif ? La question est posée.

 

 

Source

 

The relation between black hole spin and star formation in massive star-forming galaxies

Yongyun Chen et al.

Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 537, Issue 4, March 2025

https://doi.org/10.1093/mnras/staf275


Illustrations

Vue d'artiste d'une galaxie à noyau actif formant des étoiles (M. Kornmesser)


24/01/25

Découverte d'une troisième radiogalaxie géante avec MeerKAT

Des astronomes viennent de publier la découverte d’une nouvelle radiogalaxie géante qui arbore des jets de plasma 32 fois plus grands que la taille de notre galaxie. Elle a été nommé « Inkathazo », qui signifie ‘problème’ en Xhosa et en Zulu, tant il est difficile de comprendre cet objet avec la physique dont on dispose. La découverte est publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.


3,3 millions d'années-lumière d'un bout à l'autre (1,29 Mpc), c’est la longueur de cette radiogalaxie que Kathleen Charlton (université de Cape Town) et ses collaborateurs ont mesurée avec des observations du radiotélescope MeerKAT.

Les radiogalaxies ne sont pas à proprement parler des galaxies. Certes, il y a bien une galaxie au centre de l’objet, mais ce qu’on dénomme « radiogalaxie », c’est l’ensemble de l’émission radio qui est associée à cette galaxie centrale. L’étendue qui peut être considérable est avant tout peuplée de plasma ionisé (électrons et protons), baignant dans un champ magnétique. Les radiogalaxies géantes (RGG) présentent des jets et des lobes de plasma synchrotron qui s'étendent sur plus de 700 kpc en longueur linéaire projetée. Leurs jets et lobes relativistes étendus peuvent jouer un rôle important dans l'évolution de leur galaxie hôte et de son environnement via la rétroaction des noyaux actifs de galaxie en mode jet. Dans ce mode de rétroaction, les jets de plasma des AGN se déplacent dans le milieu interstellaire, perturbant et chauffant le gaz environnant. On pense que cela empêche le refroidissement du gaz et stoppe l'accrétion sur le trou noir supermassif, stoppant ainsi sa croissance. Dans les RGG, en raison de la taille des jets, ce processus s'étend plus loin dans le milieu intergalactique et le milieu inter-amas. Ainsi, les RGGs pourraient être des sondes idéales de l'impact de l'activité des AGNs sur le milieu intergalactique et pourraient fournir des informations sur la nature de l'environnement lui-même.

Jusqu'à récemment, on pensait que les RGG étaient assez rares. Mais, une nouvelle génération de radiotélescopes, comme MeerKAT en Afrique du Sud, a renversé cette idée. La plupart des radiogalaxies géantes connues ont été découvertes à des latitudes boréales par des télescopes européens, tandis que le ciel austral restait relativement inexploré en ce qui concerne ces objets géants. Inkathazo est la troisième RGG repérée dans un petit coin de ciel, de la taille de cinq pleines lunes, que les radioastronomes appellent COSMOS. Les deux premières ont été observées avec MeerKAT en 2021. Le fait que les chercheurs ont dévoilé trois RGG en pointant MeerKAT sur une seule parcelle de ciel montre qu'il existe probablement une énorme quantité de RGG non découvertes dans le ciel austral.

Et Inkathazo  (alias MGTC J100022.85+031520.4 ou GRG3) ne présente pas les mêmes caractéristiques que beaucoup d'autres radiogalaxies géantes. Par exemple, les jets de plasma ont une forme inhabituelle : au lieu de s'étendre en ligne droite d'un bout à l'autre, l'un des jets est courbé. Inkathazo vit également au cœur d'un amas de galaxies, plutôt que dans un isolement relatif. Sa galaxie centrale est même la galaxie la plus brillante de l’amas. Normalement, cela devrait empêcher les jets de plasma d'atteindre des tailles aussi énormes.

Charlton et ses collaborateurs estiment que la découverte d'une galaxie géante dans l'environnement d'un amas soulève des questions sur le rôle des interactions environnementales dans la formation et l'évolution de ces galaxies géantes. Pour tenter de mieux comprendre cette énigme, les chercheurs ont tiré parti des capacités exceptionnelles de MeerKAT pour créer ce qu’on appelle des cartes d'âge spectral à la plus haute résolution jamais réalisées pour les RGG. Ces cartes permettent de suivre l'âge du plasma dans différentes parties de la radiogalaxie, ce qui donne des indices sur les processus physiques à l'œuvre.

Les chercheurs montrent que la distribution des âges au sein des RGGs permet d’illuster l'histoire de leur évolution. Les deux premières RGGs, qu’ils ont également observées, ont pu croître dans des environnements relativement isolés et présentent donc la distribution d'âge attendue, avec l'âge le plus jeune dans le noyau et le plus vieux dans les lobes. Mais GRG3 (Inkathazo), elle, montre plus de complexité, probablement parce qu'elle se trouve dans un environnement d'amas plus dense et qu'elle a plus d'interactions avec son environnement.


D'un point de vue dynamique, Inkathazo correspond à une galaxie avec une puissance de jet de 1036 W qui serait âgée de 950 Mégannées, alors que GRGs 1 et 2 correspondent à des galaxies âgées de 800 et 700 Mégannées avec des puissances de jet de 1038 W. Ces âges sont plusieurs fois plus grands que les estimations qui sont faites à partir des spectres, ce qui indique selon les chercheurs qu'il y a des processus qui ne sont pas pris en compte dans les estimations spectrales ou dynamiques de l'âge.

Cette étude démontre donc les diverses limitations des calculs de l'âge spectral et les divergences entre les âges spectraux et les âges dynamiques. Mais elle montre également que les âges relatifs déterminés par le vieillissement spectral sont utiles pour déterminer la dynamique et l'évolution des RGGs grâce à la distribution des âges des électrons dans l'ensemble d’une radiogalaxie.

Les résultats révèlent en outre des complexités intrigantes dans les jets d'Inkathazo, certains électrons semblant recevoir des « poussées » inattendues. Les chercheurs pensent que cela peut se produire lorsque les jets entrent en collision avec du gaz chaud dans les vides entre les galaxies d'un amas. Les résultats suggèrent que nous ne comprenons pas encore la majeure partie de la physique complexe des plasmas qui est en jeu dans ces galaxies extrêmes.

 

Source

A spatially resolved spectral analysis of giant radio galaxies with MeerKAT

Kathleen Charlton et al.

Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 537, Issue 1, February 2025,

https://doi.org/10.1093/mnras/stae2543

 

Illustration

1. La radiogalaxie Inkathazo  (alias MGTC J100022.85+031520.4) (Kathleen Charlton et al.)

2. Kathleen Charlton


08/12/24

Un pas de plus vers la compréhension de la formation des galaxies


Une équipe internationale d'astrophysiciens a découvert des preuves montrant que les anciennes galaxies elliptiques de l'univers peuvent se former à partir d'une intense formation d'étoiles au sein des premiers noyaux de galaxies. Cette découverte publiée dans Nature approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies ont évolué depuis l'Univers primitif.

Les galaxies de l'Univers actuel sont de morphologies diverses et peuvent être grossièrement divisées en deux catégories : les galaxies spirales jeunes, en forme de disque, comme la Voie Lactée, qui forment encore de nouvelles étoiles, et les galaxies elliptiques plus anciennes, dominées par un renflement central, et qui ne forment plus d'étoiles et qui manquent généralement de gaz. 

La plupart des étoiles de l'Univers actuel résident dans ce qu'on appelle des sphéroïdes, qui sont des renflements de galaxies spirales et de galaxies elliptiques. Leur formation est toujours un problème non résolu aujourd'hui. Les astrophysiciens ont longtemps soupçonné que les galaxies brillantes en infrarouge et ondes radio submillimétriques, à décalage vers le rouge élevé, étaient liées à la formation de sphéroïdes. Mais la preuve de ce lien a été jusqu'à présent entravée par un important obscurcissement par la poussière ou par des méthodologies limitées.

Qing-Hua Tan (Observatoire de la Montagne Pourpre, académie des sciences chinoise) et ses collaborateurs (dont les français Fréderic Bournaud, David Elbaz et Jérôme Pety) ont avancés vers cette preuve en découvrant des sites de naissance de galaxies elliptiques géantes par l'analyse des données du réseau ALMA sur plus de 100 galaxies brillantes dans le domaine submillimétrique avec des décalages vers le rouge les situant à l'ère du « midi cosmique », lorsque l'univers avait entre 1,6 et 5,9 milliards d'années, et que de nombreuses galaxies formaient activement des étoiles. Cette étude fournit la première preuve observationnelle solide que des sphéroïdes peuvent se former directement par formation intense d'étoiles au sein des noyaux de galaxies à flambée d'étoiles de l'Univers primitif. 

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé une analyse statistique de la distribution de la luminosité de surface induite par les émissions de poussière, combinée à une nouvelle technique d'analyse. Ils ont découvert que les émissions submillimétriques de la plupart des galaxies échantillonnées sont très compactes, avec des profils de luminosité de surface s'écartant considérablement de ceux des galaxies à disques. Pour Tan et ses collaborateurs, cela suggère que ces émissions submillimétriques proviennent de structures qui sont déjà de type sphéroïde. 

D'autres preuves de cette forme sphéroïdale proviennent d'une analyse détaillée de la géométrie 3D des galaxies. La modélisation montre que le rapport entre le plus court et le plus long de leurs trois axes est, en moyenne, de 0,5 environ et augmente avec la compacité spatiale. Cela indique que la plupart de ces galaxies à forte formation d'étoiles sont intrinsèquement sphériques plutôt qu'en forme de disque. Autrement dit, la plupart de ces galaxies sont entièrement triaxiales plutôt que des disques plats. Appuyée par des simulations numériques, cette découverte montre que le mécanisme principal à l’origine de la formation de ces galaxies tridimensionnelles (les sphéroïdes) serait l’action simultanée de l’accrétion de gaz froid dans des flux non coplanaires ainsi que des interactions et des fusions entre galaxies. Selon les chercheurs, ce processus aurait été assez courant dans l’Univers primitif, à l’époque où la plupart des sphéroïdes se formaient. 

Ils calculent la densité numérique des formations stellaires pour des galaxies ayant un taux de formation d'étoile supérieur à 620  M⊙ par an et situées à un redshift z  = 2,7 (qui sont les valeurs médianes de leur échantillon) et dont la densité est de 4 × 10-5 galaxies par Mpc3. L'échantillon de Tan et al. couvre 1,5 milliards d'années de temps cosmique, ce qui correspond à 2,7 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3  et par gigannée. Les chercheurs calculent que le produit final de leur  échantillon est à peu près le double de sa masse stellaire médiane de 100 milliards  M⊙, en supposant que 50 % des fractions de gaz sont en place au moment de l'observation. Les astrophysiciens évaluent ensuite le taux de formation des galaxies quiescentes de plus de 200 milliards  M⊙. Ils trouvent que cela nécessite également environ 2 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3 et par gigannée, un valeur stable sur la plage de redshift comprise entre 1,5 et 3,5. Cela suggère selon eux que les sursauts de formation stellaire brillants en ondes radio submillimetriques qui forment des sphéroïdes pourraient être un canal de formation dominant à l'époque du "midi cosmique".

Tan et ses collaborateurs expliquent en outre que les vents stellaires qui sont provoqués par ces flambées de formation de sphéroïdes empêcheront probablement toute nouvelle formation d'étoiles substantielle et pourraient induire une extinction par rétroaction, au moins dans le noyau galactique. Ainsi, pour les sphéroïdes se formant directement à l'intérieur des galaxies brillantes en submillimétrique, une extinction de la formation d'étoiles devrait suivre leur assemblage. Pour les chercheurs, les disques extérieurs déjà vieillissants pourraient finalement contribuer aux halos étendus des galaxies aux profils de Sérsic élevés dans les galaxies elliptiques si l'accrétion s'arrête. Et alternativement, des spirales de type précoce pourraient se former dans les disques qui continuent d'être alimentés par du gaz froid entrant.

Cette avancée aura en tous cas un impact significatif sur les modèles d'évolution des galaxies et approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies se forment et évoluent à travers l'Univers.

Source

In situ spheroid formation in distant submillimetre-bright galaxies

Qing-Hua Tan, et al.

Nature volume 636 (5 december 2024)

https://doi.org/10.1038/s41586-024-08201-6


Illustration 

1. Exemple de galaxies exploitées dans cette étude (Tan et al.)

2. Classification des galaxies par leur morphologie triaxiale (Tan et al.)

3. Qing-Hua Tan