30/08/25

Localisation très précise du sursaut radio rapide (FRB) le plus brillant


FRB 20250316A est à ce jour le sursaut radio rapide le plus brillant jamais détecté. Il se trouvait dans la galaxie NGC 4141 située à une distance de seulement 40 Mpc. Grâce à sa proximité et son intensité, la collaboration canadienne CHIME qui traque les FRB (Fast Radio Burst) depuis de nombreuses années, est parvenue à le localiser avec une précision de seulement 13 pc, et a donc pu étudier en détail l'environnement de cet événement pour tenter de comprendre la nature de son progéniteur. L'étude est parue dans The Astrophysical Journal Letters.

La localisation précise d'un petit nombre de sursauts radio rapides répétitifs par interférométrie à très longue base (VLBI) a permis des observations de suivi à multi-longueurs d'onde révélant divers environnements locaux. Mais les FRB répétitifs ne représentent que 2 à 3 % des sources de FRB observées (environ 100 sur un total d'environ 4 000 FRB) et ils pourraient ne pas être représentatifs de l'ensemble de la population. 
FRB 20250316A fait partie des FRB uniques, qui n'ont encore jamais montré de nouveau sursaut. Mais même sans sursauts radio supplémentaires, les radioastronomes de CHIME ont réussi à le localiser comme jamais auparavant, en exploitant les capacités VLBI du réseau CHIME Outrigger complet.

Les chercheurs ont ensuite utilisé des observations optiques et radio pour imposer des contraintes précises sur l'émission transitoire associée et les propriétés de son environnement local. Ils peuvent fixer une limite sur l'émission radio spatialement coïncidente, qui s'avère être 100 fois inférieure à toute source radio persistante compacte connue associée à un FRB.

Les études environnementales offrent une approche très importante pour déterminer si les FRB uniques et les FRB répétitifs proviennent de populations progénitrices distinctes ou non. Par exemple, des études à haute résolution des FRB répétitifs 20121102A et 20201124A révèlent qu'ils sont intégrés dans des régions de formation stellaire active, conformément aux modèles qui attribuent l'émission à une source jeune, comme un magnétar. Cela concorde avec les études sur la démographie de leur galaxie hôte, qui montrent que les FRB apparaissent principalement dans les galaxies à formation d'étoiles.
De plus, il a été montré qu'une fraction substantielle se trouve dans ou à proximité des bras spiraux de leur galaxie. Mais le nombre croissant de FRB localisés dans des environnements sans formation d'étoiles active suggère que certains peuvent être formés par des canaux retardés. Par exemple, FRB 20180916B, le répéteur qui présente des phases actives périodiques, est situé légèrement décalé de 250 ± 190 pc de la zone de formation d'étoiles la plus proche. Et le FRB répétitif 20240209A a lui été localisé à la périphérie d'une galaxie quiescente avec un âge de population stellaire d'environ 11 Gigannées. FRB 20200120E, le FRB extragalactique le plus proche connu (d= 3,6 Mpc), a été localisé dans un amas globulaire vieux d'environ 9,2 Gigannées, dans le halo de M81 (M. Bhardwaj et al. 2021 ; F. Kirsten et al. 2022 ).

FRB 20200120E, comme FRB 20240114A, qui est situé dans une galaxie satellite d'un système galactique plus grand (M. Bhardwaj et al. 2025 ), démontrent que les propriétés de l'environnement local d'un FRB ne sont pas nécessairement corrélées avec les propriétés de la galaxie voisine la plus massive. La précision de la localisation des FRB, qu'ils soient répétitifs ou uniques est donc cruciale pour mieux comprendre de quoi il peut s'agir.

Le 16 mars 2025, peu après la mise en service de la dernière station Outrigger, CHIME/FRB a détecté son FRB extragalactique au rapport signal/bruit le plus élevé jamais enregistré : FRB 20250316A. Ce sursaut n'était exceptionnel que par la proximité de sa source, représentant une luminosité FRB moyenne. Comme la source est proche et que les chercheurs canadiens ont capturé des données depuis les quatre sites de télescopes, il ont pu le localiser très précisément, à 68 ms d'arc, ce qui représente une distance projeté de 13 pc seulement (42,4 A.L). Rappelons que la galaxie hôte de ce FRB se situe à 40 Mpc. 
C'est donc l'une des meilleures opportunités d'étudier l'environnement local d'un FRB unique. Connaissant la localisation, les astrophysiciens ont alors utilisé l'imageur Keck Cosmic Webb pour caractériser la densité du gaz, la métallicité, la nature de l'ionisation du gaz, l'extinction des poussières et le taux de formation d'étoiles grâce aux flux de raies d'émission. 


Ils ont également exploité la luminosité et la proximité exceptionnelles de cette source pour imposer des contraintes profondes à la répétition de FRB 20250316A. Ils constatent qu'il est incompatible avec tous les répéteurs bien étudiés, compte tenu de la non-détection des sursauts à des énergies spectrales plus basses. Les chercheurs de CHIME s' attendent à ce que cette source demeure la limite observationnelle de certitude quant au caractère non répétitif d'une source, compte tenu de la rareté des détections à un telle niveau au-dessus du seuil de fluence de CHIME/FRB. Selon eux, s'il existe une population distincte de FRB non répétitifs, compte tenu de cette tension apparente avec la population de répéteurs connus, leur étude de FRB 20250316A offrirait un aperçu unique de l'environnement local d'une telle source non répétitive.

Des observations rapides de suivi avec les télescopes optiques MMT et Gemini ont ensuite permis d'exclure une émission transitoire supérieure à M ≈ −8 mag 9 jours après l'événement. Les observations régulières de l'observatoire Coddenham et du KAIT défavorisent quant à elles les transitoires optiques lumineux tels que des supernovas (types Ia et II), qui pouvaient être compatibles avec la localisation de FRB 20250316A pendant près de 25 ans avant le sursaut radio. 

Et puis les données du télescope KCWI ont permis d'étudier la densité du gaz, la métallicité, la nature de l'ionisation du gaz, l'extinction des poussières et le taux de formation d'étoiles dans l'environnement du FRB via les flux de raies d'émission. Elles ont révélé que FRB 20250316A est décalé de 190 ± 20 pc par rapport au centre de la région de formation d'étoiles la plus proche. Les échelles de temps de scintillation et de diffusion observées placent en outre un écran de diffusion à environ 60 pc devant FRB 20250316A. Les astrophysiciens suggèrent que cet écran de diffusion est probablement physiquement associé à la région de formation d'étoiles observée par KCWI. 

Le décalage observé de 190 ± 20 pc avec cette région de formation d'étoiles est similaire à celui d'un autre FRB,  FRB 20180916B, qui est décalé de 250 pc par rapport au centre d'un complexe de formation d'étoiles. En suivant  la logique que SP Tendulkar et al. (2021) avaient développée pour FRB 20180916B, en supposant donc que le progéniteur de FRB 20250316A se serait formé près du centre de la région de formation d'étoiles, on peut estimer l'âge minimum que devrait avoir la source du FRB compte tenu du décalage observé et de la vitesse de kick probable du progéniteur. C'est particulièrement contraignant pour le scénario du jeune magnétar, dans lequel, si l'on suppose les vitesses typiques des magnétars et des pulsars de notre Galaxie (entre 60 et 750 km s -1 pour 90 % des pulsars et magnétars dans des systèmes binaires), cela donnerait un âge compris entre  200 000 et 3 millions d'années pour la source, ce qui est bien plus longs que les durées de vie actives typiques des magnétars dans notre Galaxie. 
Cependant, en utilisant l'ajustement de P. Disberg et I. Mandel (2025) de la distribution des vitesses de kick pour les étoiles à neutrons isolées de moins de 10 Mégannées, qui couvre une gamme de vitesses plus large que celles considérées dans SP Tendulkar et al., et en tenant compte des incertitudes dans le décalage mesuré et les paramètres de meilleur ajustement, les chercheurs canadiens estiment une probabilité de 5 % d'observer un tel décalage pour des âges de source inférieurs à 10 000 ans. Et ils ajoutent que cette légère tension entre les décalages de FRB 20250316A et FRB 20180916B et l'âge des jeunes magnétars peut encore être atténuée si l'on suppose que l'étoile à neutrons/magnétar est créée in situ via une étoile OB en fuite.

D'autre part, Peter Blanchard et al. (2025), qui ont analysé finement les populations stellaires dans la zone localisée grâce à l'imagerie proche infrarouge du télescope Webb JWST publient un article compagnon à celui-ci. Ils ont trouvé des étoiles dont l'âge de population était similaire à celui de la région de formation d'étoiles colocalisée avec la localisation du FRB, ce qui indique que la population stellaire s'étend au-delà de la taille apparente de la région HII (hydrogène ionisé) dans les images de KCWI. Les auteurs concluent qu'une étoile à neutrons aurait pu se former in situ et, par conséquent, on ne pourrait pas imposer de contrainte significative sur son âge en se basant sur le décalage observé par rapport au centre de la région de formation d'étoiles.

En soi, l'absence de forte formation apparente d'étoiles à l'emplacement de FRB 20250316A, couplée aux limites de la proximité du FRB avec les étoiles de masse supérieure à 20 M⊙, aurait pu être interprétée comme étant en tension avec un objet compact jeune comme un magnétar (d'âge entre 10 et 100 Mégannées) . Mais, Blanchard et al. montrent que les emplacements des jeunes étoiles à proximité du FRB rendent les observations de FRB 20250316A compatibles avec un objet compact formé in situ.

FRB 20250316A marque ainsi le début d'une ère de localisations de routine pour des FRB ponctuels à des échelles de dizaines de millisecondes d'arc, ce qui permettra des études à grande échelle de leurs environnements locaux. Et dans cette quête CHIME sera bientôt secondé par d'autres radiotélescopes comme  CHORD (Canadian Hydrogen Observatory and Radio-transient Detector) et DSA (Deep Synoptic Array), de quoi révolutionner l'étude des FRB pour comprendre leur multiples populations et dévoiler leur origine.

Sources

FRB 20250316A: A Brilliant and Nearby One-Off Fast Radio Burst Localized to 13 parsec Precision
CHIME/FRB Collaboration 
The Astrophysical Journal Letters, Volume 989, Number 2 (21 august 25)

James Webb Space Telescope Observations of the Nearby and Precisely-Localized FRB 20250316A
Peter Blanchard et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 989, Number 2 (21 august 25)


Illustrations

1. Vue d'artiste de la détection de FRB par CHIME/FRB (NASA/ESA/CSA/CfA/P. Blanchard et al.; Image processing: CfA/P. Edmonds.)

2. Localisation de FRB 20250316A dans la galaxie NGC 4141 (CHIME collaboration)

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