vendredi 21 septembre 2012

Découverte d'une Galaxie à 13,2 Milliards d'Années-Lumière !

En janvier 2011 était publiée la découverte de la galaxie la plus lointaine (donc jeune) jamais observée, datant de l'époque où l'Univers n'avait que 500 millions d'années. Il était notamment démontré dans cet article que la population d'étoiles à ce moment augmentait à très grande vitesse.
Moins de deux ans après cette découverte importante, une deuxième galaxie ultra-lointaine et encore plus jeune, vient d'être identifiée avec un âge de seulement 490 +-15 millions d'années. L'Univers n'avait que 3.6% de son âge actuel…
On en parle cette semaine à la fois dans Nature et dans Science (qui ne cite pas le nom de son concurrent dans lequel est paru l'article!).
 
C'est une large collaboration d'astronomes américains, chinois, européens et chiliens qui signent cette découverte dans le numéro de Nature de cette semaine donc, pas moins de 36 co-auteurs pour cet article, ce qui est assez rare en astrophysique et digne d'un article de physique des particules…
Les auteurs, Wei Zeng et al., ont utilisé ce qui se fait de mieux aujourd'hui en matière d'astronomie en terme de ciel profond : la Wide Field Camera 3 du télescope spatial Hubble, qui a été installée en orbite en 2009. Il s'agit d'une caméra infrarouge aux performances exceptionnelles.
Dû à l'expansion de l'Univers, la lumière voit sa longueur d'onde modifiée avec la distance-temps. Plus la distance est importante, plus la lumière est rougie, décalée vers le rouge. On parle en astronomie avec le terme anglais redshift (décalage vers le rouge), qui est noté z. La valeur de z est égale au décalage de longueur d'onde par rapport à la longueur d'onde (delta lambda/lambda) et est proportionnelle à la distance.
La galaxie ultra-lointaine trouvée se situe à un redshift de 9.6 +-0.2, du jamais vu pour la seconde fois seulement. Avec ce décalage, inutile de chercher à voir la lumière visible de la galaxie : presque toute sa lumière se retrouve dans l'infra-rouge, même une partie de sa composante ultra-violette. La longueur d'onde est multipliée par (1+z), soit un facteur 10.6…
Et c'est là que la caméra WFC3 de Hubble entre en scène. Spécialement conçue pour capter la lumière infrarouge jusqu'à des fréquences relativement faibles (grandes longueurs d'ondes), elle excelle dans la détection des objets lointains.
Oui, mais il s'agit là plus que d'un objet lointain, ces photons ont 13.2 milliards d'année, et ils sont un peu fatigués de leur voyage, comprenez : la source est extrêmement faiblarde…
Pour résoudre ce petit problème, Wei Zeng et ses collègues ont rusé comme savent le faire les astrophysiciens. Ils ont recherché des moyens de regarder de tels objets extrêmement lointains là où ils pourraient être magnifiés. Magnifiés ? (vous entends-je vous exclamer).
Principe de lentille gravitationnelle (NASA)
C'est encore et toujours le phénomène de lentille gravitationnelle qui intervient ici. On l'a déjà évoqué à plusieurs reprises, la présence d'une grande masse produit une courbure de l'espace-temps, qui fait se courber les trajectoires des photons arrivant par derrière. Ça marche aussi bien pour les photons de la lumière visible, les rayons gamma ou les infra-rouges.
Et non seulement la lumière d'un objet situé à l'arrière-plan est courbée, mais l'image résultante peut s'en trouver concentrée, exactement à la façon d'une lentille. On voit en un seul point des photons qui auraient dû se trouver dans des directions différentes s'il n'y avait pas eu de masse entre le point source et nous.
La grosse masse-lentille en question qu'ont utilisée Zeng et al est un amas de galaxies proche qui s'appelle MACS 1149 +2223. Et cet amas magnifie l'intensité lumineuse des galaxies distantes par un facteur 15 !
Et comment déterminer la valeur de z une fois qu'on a repéré une galaxie très faible émettant dans l'infrarouge ? La méthode utilisée repose sur le fait que cette lumière avant de nous parvenir, a traversé une très longue distance et donc une grande quantité d'hydrogène. Et il se trouve que l'hydrogène possède des raies d'absorption : il absorbe notamment la lumière en dessous d'une certaine longueur d'onde qu'on appelle la raie Lyman alpha redshiftée . Il doit apparaître une extinction dans le spectre infrarouge  qui dépend de la valeur de z, située à 121.6 x (1+z) nanomètres.
C'est par cette combinaison de méthodes que Zeng et ses 35 collègues ont trouvé cette perle rare. Il faut dire que ces méthodes ont déjà fait leur preuve en permettant la découverte d'une centaine de galaxies âgées entre 650 et 800 millions d'années. Mais jusqu'à aujourd'hui il n'en existait qu'une seule plus jeune que 600 millions d'années.

Une fois qu'ils ont mis en évidence cette charmante galaxie, l'équipe a évidemment  voulu savoir approximativement depuis combien de temps elle s'était formée. Ils se sont tournés vers un autre télescope spatial, le Spitzer Space Telescope, spécialisé dans l'étude des vieilles étoiles. Et ils ont pu estimer que les étoiles (environ 150 millions) composant cette galaxie étaient déjà relativement vieilles, de l'ordre de 200 millions d'années. Ce qui veut dire que la galaxie que l'on voit telle que l'Univers était il y a 13.2 milliards d'années (je sais, c'est vertigineux), s'est formée avec ses premières étoiles quand l'Univers n'avait que 300 millions d'années…

Cette découverte rejoint alors un problème de cosmologie encore très mal compris aujourd'hui, à savoir la phase de réionisation de l'Univers primordial (voir ici).
La découverte qu'il existait déjà des étoiles dans un Univers jeune de  300 millions d'années pourraient indiquer que ce sont justement ces premières étoiles qui pourraient être à l'origine de la réionisation du milieu interstellaire.

Il reste encore beaucoup d'observations et de mesures à faire sur les galaxies ultra-lointaines, et les instruments futurs de grand diamètre en seront des outils de choix, notamment pour affiner toujours mieux les évaluations de distances ainsi que découvrir de nouvelles galaxies au berceau toujours plus jeunes…

Sources :
A magnified young galaxy from about 500 million years after the Big Bang
Wei Zheng et al.
Nature 489, 406–408 (20 September 2012)

Warped Light Reveals Infant Galaxy on the Brink of the 'Cosmic Dawn'
Y. Bhattacharjee
Science Vol. 337 no. 6101 p. 1442 (21 September 2012)



 

1 commentaire :

stefjourdan a dit…

' et est proportionnelle à la distance." Ce n'est pas ce que montre votre schéma...