dimanche 26 janvier 2014

Les Trous Noirs Chaotiques de Stephen Hawking




Stephen Hawking s'est rendu célèbre dans les années 1970 grâce à ses travaux novateurs à l'époque sur les trous noirs. Il démontra en 1974 que les trous noirs pouvaient à terme s'évaporer. Tout se passe au niveau de l'horizon des événements du trou noir, la frontière invisible au-delà de laquelle même la lumière ne peut plus s'échapper du trou. Le rayonnement de Hawking, c'est ainsi que fut appelé ce rayonnement des trous noirs, vient d'un phénomène quantique. Les fluctuations quantiques du vide ont lieu partout tout le temps, elles sont dues au principe de base de la mécanique quantique qui stipule qu'on ne peut jamais connaître l'énergie exacte d'un système, l'énergie du vide fluctue dans le temps : des paires de photons se matérialisent à partir du vide puis disparaissent très rapidement en s'annihilant.
Stephen Hawking en apesanteur lors d'un vol Zero-G.
Le phénomène ayant lieu partout, il peut également avoir lieu juste à côté de l'horizon des événements d'un trou noir. L'une des deux particules "virtuelles" venant de se matérialiser peut donc tomber dans le trou tandis que sa particule jumelle peut partir du côté opposé, en dehors de l'horizon. Le trou noir vient de créer un rayonnement.

Ce mécanisme a été largement accepté par la grande majorité des physiciens théoriciens. Mais ce qu'ont eu beaucoup plus de mal a accepter les spécialistes, c'est le concept qu'introduisit Hawking deux ans plus tard, en 1976 et qui a mené à ce qui est appelé le Paradoxe de l'Information
Puisque ces paires de photons sont produites initialement ensemble, elles sont intriquées, au sens quantique du terme : les caractéristiques de l'une peuvent fournir de l'information sur l'autre. Dans la formulation originelle de Hawking, le rayonnement est aléatoire, il ne peut alors pas du tout permettre d'obtenir une information sur le trou noir.
Le paradoxe de l'information à une origine dans la thermodynamique. Le second principe de la thermodynamque dit que l'entropie d'un système ne peut jamais décroître. L'entropie peut être comprise comme la quantité d'information qui est nécessaire pour décrire un système. Un système bien ordonné est très facile à décrire, son entropie est faible. Un système désordonné nécessite plus d'information pour être décrit et son entropie est plus grande.
Lorsque la seconde loi de la thermodynamique énonce que l'entropie ne peut pas décroitre, elle signifie que l'information ne peut pas décroitre, l'information ne peut donc pas être détruite. 
Modélisation d'un trou noir (Alain Riazuelo)
Mais Hawking disait en 1976 que son rayonnement des trous noirs justement, de par sa nature, permettait à un trou noir de s'évaporer sans restituer toute l'information qu'il avait absorbée, l'information était détruite...
Ce paradoxe a occupé les théoriciens durant de très longues années, dans de longues batailles intellectuelles, jusqu'à ce que Stephen Hawking accepte de reconnaître dans les années 2000 que sa vision de destruction de l'information était erronée.
Mais le problème, c'est que la résolution de ce paradoxe de l'information mène à un nouveau paradoxe, le paradoxe du Firewall. Pour permettre au rayonnement de Hawking de transporter de l'information en dehors du trou noir, l'intrication des paires de particules virtuelles au niveau de l'horizon des événements doit être brisée. Les théoriciens ont montré que cette brisure d'intrication quantique devait produire une gigantesque énergie exactement au niveau de l'horizon des événements, un véritable mur de feu, empêchant tout objet, toute matière de traverser sereinement l'horizon du trou noir. 
Ce faisant, c'est la relativité générale qui est mise à mal : un tel firewall viole le principe d'équivalence d'Einstein qui stipule que toutes les zones de l'espace-temps sont équivalentes, et que l'on doit pouvoir traverser un horizon de trou noir sans s'en rendre compte... Non seulement le concept de firewall viole la relativité générale comme le paradoxe de l'information violait le principe de l'entropie, mais en plus un tel firewall empêche le trou noir de grossir par l'apport de matière.

Stephen Hawking à Cambridge (Doug Wheller, 2008)
L'esprit de Stephen Hawking étant encore vivace près de 40 ans après son premier coup d'éclat, il a décidé de s'attaquer à ces paradoxes des trous noirs, et vient de proposer une toute nouvelle idée dans un court article qu'il a publié seul, sur Arxiv. Il y expose, sans aucun équation, l'idée selon laquelle l'horizon des trous noirs pourraient n'être qu'apparent. Il introduit l'idée que la zone de la limite de l'horizon serait en fait sujette à d'intenses fluctuations qui rendrait cette zone chaotique, à l'image de l'atmosphère qui rend le climat imprédictible au delà de quelques jours. L'information peut alors effectivement s'échapper du trou noir dans le rayonnement Hawking, mais cette information se retrouve complètement brouillée par l'aspect chaotique de l'horizon des événements, irrécupérable en tant que telle. Il n'y a plus besoin de brisure d'intrication et donc de firewall...

Cette idée, qui est avant tout une idée jetée en pâture à tous les théoriciens intéressés, doit être maintenant formalisée en équations. Elle a le mérite de faire complètement disparaître les deux paradoxes, celui de l'information et celui du firewall. Bien sûr, elle ne fait pas disparaître les trous noirs, la nouvelle vision de Hawking, modifie juste les caractéristiques de leur horizon des événements.


Référence : 

Information Preservation and Weather Forecasting for Black Holes
S. W. Hawking
http://arxiv.org/abs/1401.5761

2 commentaires :

Jojo2 a dit…

C'est le "temps" ("weather", la météo) qu'on peut prévoir quelques jours à l'avance,pas le climat (le temps qu'il fait en moyenne pendant une période de l'année en un lieu déterminé). D'autre part "impredictible", c'est de l'anglais, en français c'est "imprévisible", "firewall", c'est "pare-feu". Que ce passe-t-il dans le cas d'une paire de photons intriqués produite à bonne distance d'un trou noir par M. Aspect et que par un coup (de pas) de chance l'un des deux soit capturé par le trou noir? Quelle information pourrait fournir le photon se promenant dans l'espace ordinaire?

Anonyme a dit…

Pour répondre à jojo2, une paire de photons intriqués est justement le bon moyen de savoir ce qui se passe dans un trou noir. Avec un photon qui passe l'horizon des évènements et un photo dehors, on pourrait "voir" l'intérieur d'un trou noir depuis l'extérieur, sans violer la relativité générale ni la mécanique quantique.